Chapitre 22

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        Un grand poète a dit un jour « Nos doutes sont des traîtres et nous privent de ce que nous pourrions souvent gagner de bon, parce que nous avons peur d'essayer ». Je crois que mon état d'esprit du moment trouve un écho indiscutable dans cette jolie citation.


        Je rentre chez moi le cœur lourd, la tête pleine de souvenirs et d'émotions, avec un précieux papier, que je ne pensais jamais revoir, bien au chaud dans la poche de mon jean. Je salue mes parents et Lucas, mon petit frère. Ma mère ne tarde pas à m'assaillir de questions concernant le voyage et le concert, ce à quoi je ne réponds que très vaguement à coup de banalités pour échapper au plus vite à cette conversation avec elle qui ne m'enchante pas vraiment. Elle n'a jamais apprécié que j'écoute ce genre de musique, pourquoi soudainement s'y intéresserait-elle ? Je n'ai qu'une hâte, c'est de me retrouver seule dans ma chambre pour réfléchir à la façon dont je vais m'y prendre pour reprendre contact avec Joey.


        Affalée sur mon lit depuis plusieurs minutes, je regarde la vapeur s'échapper de la tasse de thé que m'a apporté ma mère. Le fameux message est toujours bien enfouit dans ma poche. Comme si le garder caché allait m'aider à reculer l'échéance de le contacter. Tout ce qui capte mon attention c'est cette fumée chaude qui monte au plafond. Mais il faut que je me donne un gros coup de pied au derrière et que je me décide à faire ce pas en avant.


        Je crois peu à tout ce qui se rapporte au destin, à tout ce qui fait que l'enchevêtrement de certains événements fait que quelque chose arrive par fatalité. Je suis pourtant forcée d'admettre que le destin est parfois taquin et qu'il en a décidé autrement en remettant ce papier entre les mains d'Avril. Alors maintenant, à moi de changer l'issue maladroite et navrante des événements de ce matin. À moi de faire en sorte que tout prenne une tournure différente. J'ai le sentiment que si je me résigne à l'ignorer encore une fois, je vais passer à côté de quelque chose d'irrémédiable.


        Je souffle un bon coup et sors le message de mon jean. Le papier, tout froissé par mes mains, me rappelle toute la colère que j'ai ressentie ce jour là, quand j'ai décidé de tirer une croix sur lui. Je le déplie d'une main tremblante et repose mes yeux sur ses fameux mots que j'avais quelque peu occultés. Notamment ce passage : « Je te laisse les clés en mains. À toi de voir si tu écris une suite à notre rencontre ». Mon cœur rate un battement et un sourire se dessine sur mes lèvres. Je m'empare de mon téléphone à l'autre bout du lit. Sans perdre une seconde, je tape ce qui me vient par la tête dans un nouveau message.


Moi, 15:56 : « Si notre baiser de ce matin était à refaire, je le referai sans hésiter. Amy »


        Mon cœur s'emballe lorsque je passe le doigt sur la touche « envoyer », comme si je prenais subitement conscience que ma vie allait bientôt basculer. Je garde mon portable en mains pendant de longues minutes qui me paraissent être une éternité. Je fixe l'écran noir. Au bout d'un moment, je finis par le poser sur ma table de chevet. Il ne répondra probablement pas tout de suite. Peut-être ne répondra-t-il pas du tout d'ailleurs. J'essaye d'imaginer où il peut être en ce moment. Vu l'heure, le tour-bus ne doit plus être très loin de la capitale, où ils doivent jouer leur concert de ce soir.


        Je sors soudainement de mes pensées lorsque mon portable se met à vibrer. Je m'en empare mais constate rapidement qu'il ne s'agit pas de lui, mais de Katisha.

Love Me Till It Hurts // En pauseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant