Interlude

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Le médecin écarquilla les yeux et se recula d'un pas, passant une main dans ses mèches de neige avec un sourire gêné. Il y eut un long silence, bien qu'il n'est probablement duré que quelques secondes, en vérité, puis il s'excusa :

"- Pardonnez-moi je... Je vous ai pris pour quelqu'un d'autre..."

Quelqu'un qu'il n'avait pas très envie de voir, apparemment, vu la peur sourde que ses yeux ne parvenaient pas à camoufler, et la colère froide qu'exprimaient ses iris enflammés. Son regard sembla se calmer en les apercevant, bien qu'il exprime toujours cette méfiance, réaction banale quand deux inconnus venaient sonner à votre porte et vous dévisager sans rien dire. Et puis, enfin, son partenaire délia ses lèvres pour parler, les gratifiant de sa voix, accents graves et séduisants, presque sensuels, aussi mystérieux que dangereux.

"- Vous auriez quelques minutes à nous accorder ?"

Kisame fut pris d'un frisson en l'entendant, qu'il sentit remonter le long de son bras musclé, secouer son épaule pour finalement se propager dans sa nuque. Non, il n'avait pas peur de lui, plus maintenant, il savait que le Patron ne tuait jamais gratuitement, et qu'il était donc en sécurité tant qu'il ne faisait rien pour provoquer sa colère dévastatrice. Il l'avait rarement vu en colère, c'était vrai, mais il ne se rappelait que trop bien d'avoir reculé d'un pas en arrière en apercevant ses yeux, sombre et profond tel un puit rempli d'encre, se teinter d'une haine féroce, bien que ce regard mortel ne lui soit pas destiné. Il se rappelait également avoir débarrassé un corps mutilé, une peau tranchée de rigoles sombres, un cadavre torturé, tout comme le porc à qui il avait appartenu.

Sa voix... Elle promettait toutes les choses les plus folles, que ce soit de la nuit que vous pouviez passer s'il vous acceptait dans son lit à la sale soirée dont vous pourriez peut-être profiter, attaché dans une cave, incapable de faire quoi que ce soit, même de crier ( il détestait les bruits trop forts, donc bien souvent, c'était les cordes vocales qu'ils massacraient en premier ). En face, le propriétaire des lieux eut une réaction semblable, les dévisageant d'un air inquiet. Bien sûr, personne n'était partant à l'idée à l'idée d'accueillir des inconnus chez lui, après tout, surtout quand l'un de ces inconnus faisait presque deux mètres de haut, avait des mains assez grandes pour vous broyer le crâne et vos os délicats, et que l'autre fixait sur vous ses yeux, assez intimidants pour faire pâlir le Soleil lui-même.

Alors que la réponse de l'homme aux cheveux blancs semblaient s'éterniser ( il était sûrement en train de réfléchir si la porte tiendrait jusqu'à l'arrivée des flics ), les yeux de celui-ci, de jolis iris aux couleurs singulières, jaune au centre et brune claire autour, se posèrent sur le Patron. Celui-ci tendit la main pour la poser sur la porte, soulevant les lourds pans de son manteau, lesquels s'écartèrent pour laisser apparaître la crosse de son arme d'un mouvement subtil. Leur interlocuteur avait l'esprit vif, en tout cas assez pour les inviter à entrer, démontrant plus d'intelligence que ceux qui avaient par le passé claqué leur portes au nez du noiraud, hurler à l'aide, tenter de s'enfuir en courant, ou d'autre fantaisie qui leur avait déplu. Encore une fois, Kisame observa les mouvements de son partenaire alors qu'il le suivait à l'intérieur de l'appartement ; il marchait, majestueux, soulevant ses talons pour les reposer en claquant sur le parquet, les mains dans les poches lui donnant un air désinvolte qui ne faisait que le rendre plus effrayant. Magnifique, il était magnifique, et parfait surtout, que ce soit dans ses choix, dans ses agissements, ou même dans la façon dont sa poitrine se soulevait quand il était endormi...

Ils s'assirent sur le vieux canapé, qui couina sous leur poids, et il se laissa aller en arrière, s'installant confortablement dans les doux coussins rembourrés. Leur hôte referma la porte dans son dos, sans les quitter des yeux une seule seconde, puis vint s'asseoir en face d'eux, sur un fauteuil qui semblait vieux comme le monde, les mains bien en évidence pour montrer qu'il ne cachait rien. C'était un homme intelligent, on le comprenait en suivant son regard, qui les détaillait soigneusement de la tête au pied, on le comprenait même dans sa manière de replacer ses lunettes rondes sur son nez. Puis, il se rappela que, contrairement aux autres, ce n'était pas n'importe qui, mais bien un psychologue, et il se demanda alors si cela pourrait lui permettre de résister à la pression mentale qu'infligeait le noiraud, que ce soit pas sa seule présence, son regard, ou ses mots tranchants, plus affutés que la plus tranchante des lames. Il savait analyser son adversaire pour trouver ses failles, puis frapper là où ça faisait mal, en semant en quelques mots bien choisis le doute ou le désespoir dans son esprit... Enfin bon, bien qu'il n'ait pas l'habitude de sous-estimer ses opposants, il doutait sérieusement qu'un diplôme attestant de votre réussite en fac de psycho vous permette quoi que ce soit contre lui.

My lovely maid ( 1e version )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant