Chapitre XII

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Au début, ce n'était qu'une sensation confuse, comme s'il flottait dans le noir, dans une noirceur totale lui empêchant de voir autour de lui, et même d'apercevoir ses propres membres. Mais ce n'était pas désagréable pour autant, à vrai dire, cela lui rappelait les après-midi lointaines passées à jouer dans la mer, se laissant porter sans crainte par les vagues. L'eau secouait sans pitié son petit corps enfantin, pourtant il n'avait pas peur. Pourquoi aurait-il dû avoir peur ? La mer n'est plus si terrifiante quand on comprend comment nager, quand on comprend la bienveillance des vagues salées qui vous maintiennent en l'air, la paisibilité des poissons qui effleurent la plante de vos pieds de temps à autre. Lui, il savait nager, son père lui avait appris pendant un séjour marin permis par un de ses rares congés, disséquant totalement sa peur profonde pour cette étendue à l'étrange couleur bleue. Et puis, même s'il coulait, il savait qu'on reviendrait vite le chercher, que des bras l'attraperaient pour le soulever, le tirer loin de là. Il le savait, parce qu'il sentait, comme une douce caresse effleurant sa peau meurtrie par les rayons de soleil, le regard de son frère, assis au bord de l'eau.

Il savait aussi que ce-dernier n'aimait pas vraiment nager, ce qui expliquait qu'il reste assez loin pour que seule l'écume caresse ses pieds nus, mais il savait aussi que, si c'était pour lui, il plongerait sans une hésitation.

Même en pleine tempête ?

Même en pleine tempêté, avait-il assuré avec un petit sourire, ébouriffant ses mèches noires pour les sécher, lui tendant une glace bien méritée après toutes ces heures à crapahuter sous une chaleur assommante

Même... S'il y avait des requins ?! Ou des monstres !

Petit rire, que le vent avait emmené s'échouer contre les rochers salés, puis encore une fois, l'approbation.

Mais malgré tout, l'entourant d'un bras tiède pour le guider vers les serviettes où étaient étendus ses parents, l'un plongé dans la lecture d'un magazine, l'autre étendu sur le ventre, il avait rappelé, prouvant sa manie à toujours rester grave, héritage certain de leur paternel :

Fais quand même attention, je ne serai pas toujours là...

C'était vrai, au moins, il fallait admettre que c'était sûrement l'une des seules vérités qui étaient sorties de la bouche d'Itachi... Était-ce vraiment étonnant, au fond ? Itachi tuait pour vous, littéralement, il était prêt à prendre une arme et à s'en servir, mais par contre, il disparaissait, comme ça, dans les moments où vous aviez le plus besoin de vous.

Où était-il, ce grand frère protecteur, quand leur tuteur avait décidé de l'attraper et de le soulever comme une pute sur un plan de travail ?

Où était-il, cet admirable grand frère, quel aide lui avait-il apporté quand il s'était endormi en pleine rue, sur un carton laissé là, la tête appuyé contre une benne à ordures, les pieds littéralement en sang ?

N'aurait-il simplement pas pu avoir une famille normale ? Avoir un de ces pères qu'il voyait à la sortie des classes, qui étreignaient avec amour ses camarades, les faisaient tournoyer dans les airs en apprenant qu'ils avaient à peine réussi leur dernière contrôle ? Un père qui aurait été fier de lui, qui aurait pris sa petite main dans la sienne, qui l'aurait embrassé sur le front en lui souhaitant bonne nuit, qui l'aurait encouragé, qui lui aurait offert autre chose que de l'indifférence, quoique déjà mieux que les reproches cruelles et les gifles...

Sa mère lui manquait. Parce que, même si les photos étaient encore là pour lui rappeler les traits fins de son visage et son sourire discret, il l'oubliait, encore un peu plus chaque jour. Parce qu'il ne parvenait plus à se souvenir de sa voix, parce qu'il avait oublié le son de son rire. Quand, allongé dans son lit, les yeux rivés sur les irrégularités du plafond, il l'avait compris, il s'était mis à pleurer, à pleurer et à gémir, inconsolable.

My lovely maid ( 1e version )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant