"À Quoi Tu Penses ?"

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- Tu penses à quoi ?

(pas de réponse.)

Tu peux me dire ce que t'as en tête tu sais.
Même si (...) t'as du mal à mettre les mots.

(pas de réponse.)

Moi je suis là pour t'écouter.

(pas de réponse.)

T'es toujours là ?

- Je pense à toi, et à nous, et à "putain j'suis trop conne j'aurais tellement dû continuer la musique" ; et à Nacrée, et à ton retour dans deux semaines, mais putain c'est trop long deux semaines sans toi ; et à mon taff, ça me prend la tête ce taff aussi tu sais ;  et à un bouquin que j'ai lu y'a longtemps, je pensais pas qu'un bouquin ça puisse faire comme la musique et rentrer dans ta tête et t'expliquer ce que tu ressens ; et à la machine que je dois étendre ; et à la chaleur qu'il fait dans la salle de bain ; et à ces putains de fils que je retrouverai jamais, ça m'a rendu malade ça aussi ; et à mes cheveux, tu trouves pas qu'ils sont trop courts ? Je sais pas si ça me va, je me reconnais pas ; et à "et si j'mattais un dessin animé dont je connais déjà la fin?", c'est moins pire que de douter d'une nouvelle chose ; et à ce matin, c'était bien ce matin quand on a fait l'amour, j'aimais bien, c'était chouette ; et j'me dis aussi "ok, donc là je vais me retrouver toute seule" et ça m'angoisse à un point inimaginable. J'aime pas être seule, je sais plus faire, ça me plaît pas d'être seule, c'est pas ce que je veux, moi j'ai toujours cherché la compagnie, c'est pas mon genre d'apprécier la solitude. Et puis il y a le silence. Il me fait peur ce silence. Il fait trop de bruit, ça me casse les oreilles, il est trop intense et il s'arrête jamais, sauf quand je le chasse avec la musique ou la compagnie ; je me suis surprise à penser à la compagnie, n'importe laquelle, je veux pas être seule, tu le sais bien.
Écrire ça me fait du bien.
Ça résoud rien mais quand même, c'est là, c'est constant, ça me lâchera pas, et puis ça comble la solitude.
Je te jure je donnerais n'importe quoi pour être ailleurs, entendre des gens, même si je les écoute pas, aller quelque part où ça fait du bruit, fort même.
J'ai l'impression que la solitude, je passe mon temps à l'éviter parce que quand elle est là, elle est plus forte que moi.
Elle reprend le dessus, toujours.
Et elle me bloque, j'ai l'impression que j'avance plus, que j'y arrive plus.
Elle me pose des questions quand elle débarque dans mon lit le soir, elle me demande comment ça va. Elle est méchante avec moi parce qu'elle sait qu'il y a des questions auxquelles j'ai pas envie de répondre, mais elle me force à essayer, "t'es sûre que ça va?", "tu te souviens de ce jour où tout a fini par partir en couilles et tu as laissé faire?", "c'est qui ton vrai papa?", "tu penses vraiment qu'il t'aimera toujours quand il comprendra qui tu es, ce que t'as fait et à quel point t'es irrécupérable?"
Cette solitude, elle m'asphyxie ; elle me ronge même.
Dis-moi, qu'est-ce que je devrais faire pour l'empêcher de m'envahir ?

Nous En Parlerons Un JourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant