Le Début De La Fin

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Je m'adresse à toi.
Toi, qui as sûrement connu la laideur, la souffrance, la peur peut-être, mais pas la honte. La honte, c'est quand tu commences à avoir peur ; non pas du regard des autres, mais de ton reflet dans le miroir. La honte, c'est quand quelqu'un t'a fait quelque chose de tellement abominable, que tout ce que tu peux faire, c'est t'en vouloir toi-même.
C'est arrivé lors d'une fraîche après-midi de décembre. Nous étions tous deux là, allongés dans le bureau de mon père - qui faisait également office de "chambre d'amis".
Nous nous embrassions. Nous avons aussi un peu discuté si mes souvenirs sont bons. Je me rappelle qu'il est sorti de la pièce en me demandant de ne pas bouger parce qu'il reviendrait vite. J'ai obéi. De plus, je comptais là-dessus. Il est bel et bien revenu au bout de quelques minutes. Et je n'ai plus rien compris.
Mon esprit divaguait à mesure que le refus et la douleur se faisaient de plus en plus présents : qu'avais-je imaginé ? L'avais-je seulement imaginé ?
J'aurais aimé me convaincre que ce n'était que ça : de l'imagination.
Seulement, malgré tant d'efforts pour tenter de dissimuler cet affreux instant et de l'enfouir profondément en moi, celui où tout avait basculé et après lequel je ne serai plus la même, j'ai finalement compris qu'il était trop tard : le mal était fait. Le mal était en moi. Le mal ne me quitterait plus jamais.
J'ai pleuré pendant des heures après ça. Pendant des jours, même. Et puis, tout s'est arrêté. Comme ça, d'un coup, sans que je comprenne vraiment ce qu'il était en train de m'arriver.
Je ne m'aperçus que bien plus tard qu'il m'avait vidée de tout désir, de toute envie, de n'importe quelle source de bonheur à laquelle j'aurais pu avoir droit. Il m'en avait privé. De tout. Même d'une once de sérénité.
Désormais, j'avais peur. Peur de tout, et de tout le monde.
Je me sentais à présent indéfectiblement salie ; salie par les caresses des hommes, par la sueur, les crasses et la honte.
Je n'étais à présent plus capable que de faire du sinisme, parce que je n'étais plus bonne qu'à ça : rire de mon malheur et de celui des autres.

Nous En Parlerons Un JourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant