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26 septembre, au matin.

Victoire était seule, assise sur le grand lit de Victor qui était absent, voulant préserver le succès de son tableau.

Elle avait installé une coiffeuse en bois lilas dans la chambre de son compagnon, malgré la salle de bain.  Certaines fois, comme chez sa mère, elle passait plusieurs heures à se regarder, à s'aimer devant la glace propre.

Un sentiment étrange l'habitait. Elle sentait que l'amour de Victor n'était plus le même ; il la regardait avec amour et tendresse, certaines fois. D'autres, il lui parlait avec froideur, lui ordonnant de retirer ses vêtements et de le rejoindre  dans son atelier, ou avec précision et rapidité, il volait son image.

Elle se posa devant la grande coiffeuse, et nerveusement, passa ses mains dans ses tresses à plusieurs reprises ; l'une après l'autre. Elle pensait.

Sa relation avec Victor, si idyllique au début, avait changé ; trop changé. C'était devenu un artiste avide de beauté qui puisait en elle. Il ne la contemplait plus autant que avant. Aujourd'hui encore, il s'extasiait devant une de ses créations.

Oui, c'était injuste. Il l'aimait plus en représentation que dans la vraie vie. Encore une fois, sa beauté lui avait joué un mauvais tour ; elle s'était volée à elle même. Elle s'en voulait presque d'être aussi belle.

Elle regarda son visage démaquillé. Sa peau était rayonnante grâce aux soins généreusement payés par Victor ; ses lèvres étaient douces, pulpeuses. Son regard était profond et intimidant.

Finalement elle ne s'en voulait pas d'être aussi belle. Elle mit une main sur sa joue et fit mine de s'y reposer tendrement, fermant les yeux quelques secondes. Ensuite, elle leva son regard encore une fois vers la glace et posa ses lèvres sur le verre froid, s'embrassant elle même.

Elle s'ennuyait, seule dans l'appartement. Elle se souvint qu'elle n'avait pas répondu à Charlotte depuis quelques jours, alors elle lui envoya un message.

Directement après, son téléphone vibra. C'était un appel de Charlotte qui, désespérée, attendait un signe d'elle depuis plusieurs jours.

-Hello Victoire, dit-elle.

-Salut, Charlotte, répondit la concernée avec une voix douce et séduisante.

Victoire parlait en face de son miroir. Même si elle s'adressait à Charlotte, c'était comme si ces mots, cette voix douce a l'intonation suave étaient destinés à elle même.

-Tu vas bien ? Demanda Charlotte inquiète. Je me fais du soucis pour toi, Vic.

Victoire répondit après quelques secondes de silence.

-Tu me manques, Charlotte.

Oui, la présence de Charlotte lui manquait. Le fait qu'elle rougisse des qu'elle l'aperçoive, le fait qu'elle l'idolâtrait dans ses poèmes, le fait qu'elle la considère comme sa muse, tout simplement.

Elle croisa les jambes devant sa coiffeuse et pencha légèrement son visage sur le côté.

-Tu n'es jamais venue chez moi, non ?

-Non, répondit Charlotte.

-Alors disons que je t'invite.

Charlotte resta muette, stupéfaite. Elle était revenue à Paris ce week-end pour un déplacement professionnel avec l'entreprise française avec laquelle elle avait travaillé pendant un an.

-Viens a l'heure que tu veux, ajouta Victoire.

-D...D'accord, réussi seulement à articuler la jeune femme, déboussolée.

Le culte de la beauté et de l'artOù les histoires vivent. Découvrez maintenant