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La journée du 26 septembre fut agréable pour Victor.

Il avait passé l'après midi dans la salle blanche, à observer les réactions des visiteurs, de plus en plus nombreux, devant la Vénus moderne. Depuis midi, il regardait les étincelles dans les yeux des touristes, des français, des enfants et des adultes devant son art.

Il ressentait un plaisir qu'il n'avait jamais effleuré ; le plaisir d'être un créateur d'art suprême, d'art qui avait atteint le niveau de ce qu'on pourrait qualifier de divin. Son talent lui avait été conféré par Dieu lui même. Lorsqu'il peignait, c'était Dieu qui animait ses doigts et qui lui laissait entrevoir les prémices du pouvoir de la création originelle.

Ses yeux brûlaient d'émotion, d'apaisement, de sororité. Il était comme sur un nuage, observant les mortels se laisser ensorceler par la beauté et la création merveilleuse qu'était son œuvre.

L'heure de pointe, 18, approchait dangereusement. C'était à ce moment qu'il y aurait le plus de visiteurs, qu'il encaisserait le plus de réaction face à son art. Il appréhendait ce moment avec calme et confiance.

Une quinzaine de personnes s'étaient accumulées devant la toile, certains la prenaient en photo, d'autres complimentaient la magnificence de la modèle mystérieuse dont on ne connaissait le nom, et c'était mieux comme cela.

Il se sentait bien. Jamais il ne s'était senti aussi fier de son art.

Soudainement, les visiteurs tournèrent tous leurs visages vers quelque chose à gauche. C'était une chose qu'il ne pouvait apercevoir, cachée par la colonne près de laquelle il s'était réfugié.

Leurs yeux brillaient d'une étincelle curieuse, et ils chuchotaient entre eux, jetant de vifs et brefs coups d'œil à la peinture de la Vénus, qui semblait avoir perdu toute forme d'intérêt pour eux. Certains lui tournaient même le dos, fascinés par cette chose qu'ils avaient tous aperçu.

Bientôt, ce fut toute la salle qui regardait dans la même direction, silencieusement. Victor, dans l'incompréhension, et surtout, dans la frustration la plus grande, car on avait insulté son art en le traitants avec désintérêt, avança et contourna la colonne blanche afin de voir cette chose qui semblait avoir capturé toute la salle.

C'est alors qu'il vit.

La femme représentée sur la toile géante de la Vénus moderne, habillée d'une longue robe blanche à volants en dentelle, les tresses lâchées, dont la moitié droite tombait sur ses seins, l'autre dans son dos. Son visage, pur, sa peau éclatante, arborait une expression de tranquillité. Ses yeux étaient pénétrants, ses lèvres, douces comme la soie. Elle avança lentement, ses jambes fendant la robe blanche en satin qui moulait sa poitrine, sa taille marquée et ses hanches.

Oui, cette femme n'était personne d'autre que Victoire. C'était Victoire qui, par sa simple présence, avait envoûté toute la pièce sans même prononcer une syllabe. C'était elle qui avait bafoué toutes les œuvres d'art d'un battement de cils. C'était elle qui avait par sa beauté unique et ses gestes gracieux,que monopolisé l'attention de tous.

Le tableau de la Vénus moderne et tous les autres parurent fades, transparents lorsqu'elle était entrée dans cette pièce.

-C'est la modèle du tableau ! Dirent certains.

-Elle est magnifique, plus qu'en peinture, disaient d'autres.

Chacun suivait ses mouvements, et elle s'arrêta devant le tableau de la Vénus, où Victor la vit de côté. Il s'approcha encore, faisant un détour, et comme tout le monde, était pendu à sa réaction alors qu'elle regardait sa propre représentation.

Le culte de la beauté et de l'artOù les histoires vivent. Découvrez maintenant