Wakasa x Shinichiro

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J'essaie de me concentrer sur le moteur de la moto que je suis sensé réparer, mais c'est compliqué avec Wakasa qui n'arrête pas de me parler et de me titiller. Il passe sa main dans mes cheveux, tirant un peu dessus. Je le repousse doucement d'un geste agacé, ce qui ne fait qu'élargir son sourire.
- Tu sais Shin, je me demande bien ce que je te trouve des fois, lance t-il sans doute pour me vexer.
Le pire c'est que ça marche.
- Ta gueule, j'essaie travailler.
Il sourit encore, en voyant que je mord à l'hameçon.
- C'est vrai, franchement, qu'est-ce je fous avec toi ?
- Peut-être parceque je suis la seule personne qui arrive à te supporter, je réplique piqué au vif.
- Houla là ! C'est que tu mordrai...
- C'est bon tu m'as vexé. Dégage de mon magasin si c'est pour me déconcentrer.
- T'es susceptible chéri, réplique t-il en levant les yeux au ciel.
- Ouais, ouais, c'est ça. Pourquoi tu travailles pas toi, espèce de chômeur ?
- Je suis en congés aujourd'hui.
- Et t'as rien de mieux à faire de ton temps libre que de venir m'emmerder ?
- Non, j'ai rien de mieux à faire que de passer mon temps libre avec mon petit ami, répond t-il en s'accroupissant près de moi.
- Oui, mais là tu me déconcentre, je soupire.
- Je peux te déconcentrer autrement si tu veux, sourit-il en passant une main dans mon dos, sous mon tee-short.
Je frissonne et lui lance un regard d'avertissement. Il joue à un jeux dangereux. En fait c'est un vrai gamin, s'il me saoul depuis tout à l'heure, c'est juste pour avoir de l'attention. Il ne tient pas compte de mon avertissement silencieux et continu de parcourir ma peau de ses doigts, suivant le tracé de ma colonne vertébrale et s'arrêtant dans le bas de mon dos.
- Waka...on peut pas faire ça ici...le magasin est ouvert, n'importe qui peut rentrer et nous voir.
- T'es sûr ? Allez, sois un peu joueur...
- Non, vraiment. Ce soir si tu veux, mais là je dois bosser, alors enlève ta main avant que je te saute dessus.
Il retire ses doigts avec une petite moue boudeuse.
- T'es pas drôle, souffle t-il.
- Je sais, je répond en l'embrassant rapidement avant de me reconcentrer sur ma moto.
Il se laisse totalement tomber à côté de moi en soupirant et pose sa tête sur mon épaule, tout en continuant de bouder. Chiant jusqu'au bout. Mais quand même mignon, je dois bien l'avouer. Il cale son menton sur mon épaule et joue avec les outils à sa portée, éparpillés un peu partout au sol. Son souffle chaud vient effleurer mon cou, et ses cheveux me chatouille le visage. En fait il me déconcentre encore plus quand il ne le fait pas exprès.
La clochette du magasin retentit et nous nous retournons vers la porte dans un même geste. Wakasa écarquille les yeux et pâli avant de se redresser d'un coup, et de se reculer de trois bon mètres. Il se replie dans un coin d'ombre et se fige, plus immobile qu'une statue, le visage fermé. Moi je lance un sourire poli à mon client et me reconcentre sur mon travail.
- Bonjour monsieur Imaushi.
- Bonjour Shinichiro. Tiens, poursuit-il d'un ton surpris, mais d'une voix toujours aussi froide, bonjour Wakasa.
- Salut papa, marmonne celui-ci en s'accoudant négligemment au comptoir.
Son père fronce les sourcils et pointe un doigt accusateur sur lui.
- Pourquoi tu ne travailles pas ? Ta salle de sport va se tenir toute seule peut-être ?
- ... Je suis en congé aujourd'hui...
- Pff, quelle fainéantise. Tu devrais prendre exemple sur Shinichiro, regarde comme il travaille dur pour gagner sa vie. Pas comme toi qui est payer à regarder les autres faire du sport.
Je serre ma clé à molette un peu plus fort dans ma main mais ne dis rien. Ça ne servirait à rien de toute façon. Wakasa lui se recule encore un peu plus dans l'angle du mur, en baissant les yeux.
- Franchement, les jeunes de nos jours... plus aucune valeur du travail. Heureusement qu'il y en a encore des comme toi Shinichiro. Tu redresse un peu le niveau de médiocrité de cette génération.
- Hum...si vous le dites.
- Allons, ne sois pas si modeste. Il n'y a qu'à voir mon bon à rien de fils. Un fainéant, un paresseux, et malpoli par dessus le marché. Est-ce que tu te rends compte que tu ne donnes plus aucune nouvelle, ça fait des mois que ta mère essaie de t'avoir au téléphone, poursuit-il à l'adresse de Wakasa.
- Je suis désolé, bafouille celui-ci en triturant les manches de sa vestes, Je suis très occupé.
- Toi ? Occupé ? Laisse moi rire. Tient, tu n'as qu'à passer la voir ce soir, ça lui ferait plaisir un peu, puisque tu es trop occupé pour lui répondre au téléphone, tu viendras t'excuser en face à face.
- Mais...
- Il n'y a pas de "mais", tu viendras voir la femme qui t'a nourris et élevé.
- ... d'accord, cède t-il à contre-coeur.
Cette situation me mets extrêmement mal à l'aise. J'aimerais tellement pouvoir prendre la défense de Wakasa, mais, de une, il me l'a interdit, et de deux...
- Mais franchement, les jeunes n'ont vraiment aucun respect, c'est fou ! Pourtant ta mère t'a si bien élevé. C'est comme, tout à l'heure, en venant ici je passe devant un parc. Des enfants qui jouent, des familles qui se promène et sur un banc, deux garçons en train de se tenir la main. Quelle honte ! Ils se sont même embrassé. Devant des gamins !
Et voilà. De deux, son père n'est pas au courant pour notre relation. Et on se demande bien pourquoi. Je plisse les yeux et rumine ma colère tandis que mon copain se crispe à l'autre bout de la salle.
- Vous vous rendez compte ? Non seulement ils sont malades et détraqués, mais au lieu d'en avoir honte ils l'assument pleinement et s'exhibe ainsi en public. Quelle honte. Il n'y a rien de pire pour pervertir la jeunesse. Ces erreurs de la nature sont dangereux.
Je laisse tomber mon outil au sol dans un grand bruit de métal. Je ne supporterai pas d'écouter des bêtises pareilles encore une seconde de plus.
- Je ne vois pas en quoi aimer quelqu'un est une maladie, je réplique avec humeur.
- Tu plaisante j'espère. C'est totalement anormal. Les hommes sont fait pour les femmes et inversement. Deux hommes ensemble c'est... c'est totalement contre nature !
Le pire c'est qu'il a l'air totalement convaincu. Je me redresse un peu brusquement et essuie mes mains pleines de suie sur un vieux chiffon.
- Le but de l'amour, c'est de rendre les gens heureux. Si deux hommes sont heureux ensemble, je ne vois pas où est le problème. Il vaut mieux vivre sa vie avec un autre homme et être épanoui plutôt que de vouloir être comme tout le monde et de sortir avec une femme qu'on n'aime pas pour au final être malheureux.
Le visage de monsieur Imaushi se décompose et il secoue la tête avec dédain.
- Tu baisse beaucoup dans mon estime Shinichiro. Je suis assez déçu de t'entendre tenir des propos aussi... de tel propos.
Je hausse les épaules. Comme si ça me faisait quelques choses.
- Ce n'est que mon avis, je déclare platement en passant derrière le comptoir, avec un regard appuyé à Wakasa, qui lui fixe ses chaussures comme s'il n'avait jamais rien vu de plus beau.
- Et toi ? Tu en penses quoi ? demande t-il à son fils avec un regard perçant.
C'était le pire scénario possible.
- ...je sais pas, marmonne t-il tout bas.
- Et bien fait marcher ton cerveau pour une fois ! Tu dois bien avoir un avis sur la question !
Les yeux de Wakasa font des allers-retours entre son père et moi, avec une lueur de panique. Je lui souris pour qu'il se calme un peu, et il finit par baisser la tête, passant nerveusement d'un pied sur l'autre.
- Je...je pense qu'ils... qu'ils font ce qu'ils veulent, enfin...je veux dire...ça ne me dérange pas quoi... répond t-il hésitant.
Mon sourire s'élargit encore. Le simple fait qu'il prononce cette phrase est très impressionnant. D'habitude, il s'aplatit totalement devant son père. En sa présence, le Wakasa souriant, taquin, et provocateur disparaît totalement. Il lui ai arrivé plusieurs fois de hocher la tête alors que son père tenait des propos homophobes, et ça, ça fait mal. Même si je sais qu'il ne le pense absolument pas, le voir renier notre relation, et se rejeter juste pour faire plaisir à ses parents, ça me fout la gerbe. Alors là, je suis vraiment fier de lui. Pas comme son père.
- Pff...bien sûr. Toi de toute façon, dès que tu peux sortir des règles de bien scéance, il ne faut pas te le dire deux fois.
Je frappe mes mains à plats sur le comptoir avec un sourire agacé.
- Bon, j'imagine que vous n'êtes pas venu ici pour débattre de ce qu'est l'amour, alors qu'est-ce que je peux faire pour vous ? Je demande pour couper court à cette discussion.
- En effet. En fait je n'ai besoin de rien, je passais juste dans le coin et je voulais te saluer.
- Ha. Et bien maintenant que c'est chose faite, vous m'excuserez, mais j'ai beaucoup de travail, alors je vais m'y remettre.
- Bien sûr, je comprends.
Il commence à tourner les talons, et alors que je me crois débarrassé de lui, il se retourne au dernier moment sur le pas de la porte.
- Et Wakasa, tu as intérêt à venir ce soir. Ne crois pas que je t'ai oublié.
Puis il disparaît pour de bon. Mon copain souffle lourdement et se laisse glisser le long du mur en fermant les yeux.
- Ça va aller ?
Il sourit, d'un sourire absolument pas sincères et encore moins rassurant.
- Je n'ai pas vraiment le choix de toute façon.

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