Kakucho x Izana

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Je vois le virage arriver trop tard et j'ai beau tourner à gauche de toute mes forces, je ne peux que regarder avec horreur l'avant de la voiture partir dans le vide. Je hurle. Un énorme "PERDU" s'affiche sur l'écran. Je soupire lourdement et me retient de justesse de balancer la manette à travers la pièce. Au lieu de ça je la pose très loin, assez pour être sûr qu'il ne lui arrive rien, malgré mon état de frustration extrême.
- Tu arrête de jouer ?
Je dévisage Kakucho en essayant de ne pas le fusiller du regard. Ce ton si innocent... Est-ce qu'il le fait exprès pour m'énerver ?
- Oui. Ce jeu est nul de toute façon.
- Dis surtout que tu es mauvais perdant, intervient Mickey en sortant de la cuisine, un paquet de dorayaki dans la main.
- Silence misérable vermisseau du bas peuple !
Il me lance un regard entre la pitié, l'incompréhension et l'indifférence. Évidemment, il est trop con pour comprendre que je l'insulte. J'attrape ma manette et lui balance dessus. Finalement, malgré mes précautions elle aura quand même appris à voler. Il l'esquive sans problème avant de s'enfuir dans les escaliers en riant. Alors que je commence à me lever pour lui courir après, Kakucho tire sur mon poignet, me faisant basculer vers l'arrière, sur le canapé.
- Mauvaise idée. Tu ferais mieux de rester là.
- Tu n'as pas d'ordre à me donner.
- Non c'est vrai...mais j'ai envie que tu restes un peu avec moi.
Je rougie. Foutues organisme qui décide tout seul de me mettre dans l'embarras. J'oublie aussitôt Mickey. C'est drôle que Kakucho soit si direct. Ça me fait bizarre. Même si je l'aime beaucoup, je n'aurai jamais osé lui dire aussi franchement que je voulais qu'il reste près de moi. Je détourne le regard et m'appuie sur son épaule, fuyant toujours le contact visuel. Parfois je me demande si ça le peine que je sois si peu démonstratif avec lui. C'est vrai que niveau romantisme, je pourrais faire un effort...
Je soupire et ferme les yeux, posant mon menton sur sa clavicule. Est-ce ça le rend triste que je n'assume pas notre relation ? Après tout, je n'ai toujours pas fait mon coming-out. Et pourtant dieu sait que je l'aime. Je n'ai absolument pas honte de lui, ni même de moi, et encore moins de nous deux. En plus, je sais que ma famille le prendra bien, mes deux frères sont gays. Enfin non, Mickey et bi, et Shinichiro est gay, mais c'est du pareil au même. Alors qu'est-ce qui me bloque ? Je n'en ai aucune idée et ça m'énerve encore plus. Heureusement que Kakucho est patient. Chaque fois qu'on en parle ensemble et que je lui répète que je ne me sens pas prêt, il me répond toujours que ce n'est pas grave et qu'il attendra autant qu'il faudra.
La porte d'entrée claque, est Draken apparaît quelques secondes plus tard derrière nous. Mais c'est la maison du bonheur ici ou ça se passe comment ? Déjà qu'on est cinq à y vivre, si en plus tout le monde s'invite n'importe quand...
- Salut, nous lance t-il d'un ton nonchalant.
- Salut, répond poliment mon copain.
- Qu'est-ce que tu fais là ? Je lui demande en plissant les yeux.
- Je suis venu voir Mickey. On a un devoir de maths à rendre demain, et je suis presque sûr qu'il n'a rien foutu, soupire t-il.
Le pauvre. D'un certain côté, je le plains. C'est vrai que c'est une galère sans nom pour faire bosser Mickey. D'un autre côté, je pense que Draken participe très largement à le déconcentrer.
- Pourquoi j'ai l'impression que vous allez réviser les langues plus qu'autre chose ? je lui demande ironiquement.
Ses joues se teinte d'un léger rose et il détourne les yeux.
- N'importe quoi...
Il s'enfuit presque en direction des escaliers. Alors qu'il commence à gravir les premières marches, il se retourne une dernière fois vers nous.
- Au fait, vous êtes très mignons calé l'un sur l'autre comme ça.
Cette fois c'est à mon tour de rougir. Je baisse simplement les yeux mais reste appuyé sur Kakucho. Je ne vais quand même pas m'écarter de lui pour une simple remarque. Ambiguë, et pleine de sous-entendu certe, mais quand même.
Kakucho hausse les épaules. Il attend que Draken ai disparu avant de se pencher un peu pour m'embrasser sur le front. Je lui souris. Même si je ne lui dirai pour rien au monde, je me considère extrêmement chanceux d'avoir un petit ami aussi formidable que lui. Ça m'arrive d'essayer d'imaginer à quoi aurait pu ressembler ma vie si je ne l'avais jamais rencontré, et je tremble rien que d'y penser. Déjà que les weekends où on ne se voit pas me paraissent interminablement long et ennuyeux... Comment dire, quand il n'est pas à mes côtés, j'ai l'impression que tout est plus fade, moins lumineux. Est-ce que c'est la même chose pour lui ? Est-ce que je lui manque aussi de temps en temps ? Est-ce qu'il fixe son téléphone dans l'attente d'un de mes messages ? Est-ce qu'il fait des plans dans sa tête pour tuer tout les inconnus un peu trop beaux qui s'approche de... Non. Non, ça je dois être le seul à le faire. En même temps c'est tellement rageant de le voir se faire draguer devant moi et de ne rien pouvoir dire. Mais c'est ma faute. Si je prenais mes responsabilités en assumant notre couple, c'est sûr que plus personne n'oserais le draguer.
Je soupire lourdement.
- Quelque chose ne va pas ?
Un petit sourire vient étirer mes lèvres. Évidemment. Il lit en moi comme dans un livre ouvert. Je secoue tristement la tête. Je sais bien qu'il n'est pas convaincu, il n'est pas stupide, mais je ne veux pas l'embêter avec ça. Il retire soudain son épaule, si brusquement, que je bascule en avant. Alors que je m'apprête à râler, il passe une main dans ma nuque, posant ma tête sur ses genoux. Je me raidis, et c'est le grand retour des joues cramoisi ! On est pas aussi tactile d'habitude, surtout quand on est pas tout seul.
- Qu'est-ce que tu...
- Je suis pas con tu sais. Je vois bien que quelque chose te tracasse, mais têtu comme tu es, tu ne voudras pas m'en parler.
Il commence à me caresser les cheveux, et je comprends un peu mieux l'expression ronronner de plaisir. En fait les chats ont vraiment la belle vie. Ses papouilles sont incroyables ! Je savais que mon copain était génial, mais là, on atteint des sommets ! Je me pose sur le dos, me laissant aller contre ses cuisses. Je me détend petit à petit, tandis qu'il continue de jouer avec les mèches qui tombent sur mon front. En fait, je suis vraiment bien là. On devrait faire ça plus souvent.
- Ça va mieux ? me demande t-il au bout d'un moment.
- Comment est-ce que ça pourrait ne pas aller alors que tu es là ?
Il me sourit, et même si c'est ultra niais, son sourire est vraiment le plus beau du monde.
- On dirait un couple.
On sursaute tout les deux, et je me redresse vivement, les joues en feux, pour découvrir Emma, négligemment appuyé sur le dossier du canapé.
- Pas la peine de sauter comme ça, je vais pas vous mordre.
- Tait toi, je marmonne en croisant les bras, vexé et vraiment énervé qu'elle nous ai interrompu.
C'est pas comme si on faisait quelque chose de spécial, mais bon... j'étais vraiment bien installé là. Je m'exil à l'autre bout du canapé pour pouvoir bouder tranquillement. D'abord Mickey, ensuite Draken, et maintenant elle...on ne peut pas être tranquille dans cette maison. Elle papote un peu avec Kakucho avant de s'en aller, aussi vite qu'elle est venu. Tout ça pour ça. C'est tellement agaçant. Alors que je continue de maudire mes frères et sœurs, mon copain se glisse à côté de moi, et serre ma main dans la sienne.
- Boude pas, c'est pas grave.
- Je ne boude pas... mais franchement, cette maison est trop peuplée pour moi. On devrait peut être monter s'enfermer dans ma chambre.
Alors que le dernier mots franchit mes lèvres, je me rends compte de l'ambiguïté de ma phrase. Je commence à faire des grands gestes de ma main libre, et je secoue vivement la tête, gêné.
- Ha... c'est pas...enfin je voulais pas dire...je...non mais je pensais pas à ça...enfin t'as compris quoi...
Il pose un doigt sur mes lèvres pour me faire taire et se contente de sourire, visiblement amusé par mon embarras.
- J'avais compris Iza. De toute façon, je pense que n'y toi ni moi ne sommes encore près à franchir ce cap.
Il serre mes doigts un peu plus fort dans sa main et penche sa tête extrêmement près de la mienne. Son souffle vient s'échouer sur mes lèvres.
- Salut les garçons, vous... Qu'est ce que vous faites ?
Kakucho et moi tournons la tête exactement en même temps vers ce nouvel élément perturbateur. Shinichiro est dans l'entrée, un sac de course dans sa main gauche, les doigts de sa main droite étant entrelacés avec ceux de Wakasa. Les deux nous fixent depuis le pas de la porte. Reste calme Izana, reste calme. Ce n'est pas bien de tuer ses frères et sœurs.
- Je me fait peut-être des idées, mais de là où on est, on avait vraiment l'impression que vous alliez vous embrasser, fait remarquer Wakasa en arquant un sourcil.
Alors là, c'est l'affront de trop. J'explose.
- MAIS ON ALLAIT S'EMBRASSER ! SAUF QUE ÉVIDEMMENT, DANS CETTE BARAQUE DE MERDE IL Y A TOUJOURS QUELQU'UN POUR VOUS INTERROMPRE QUAND VOUS VOULEZ PASSEZ UN BON MOMENT EN COUPLE !
Je les fusille du regard en essayant de reprendre ma respiration. Les trois autres me fixe avec de grands yeux ronds. Rolala ! C'est pas comme s'ils ne m'avaient jamais entendu crier, alors c'est quoi ces têtes de merlans frits ? Emma arrive dans les escaliers en courant et dévale les marches quatre à quatre en me regardant droit dans les yeux, un immense sourire collé au visage. Elle manque de peu de s'étaler de tout son long, mais ça n'a pas l'air de la déranger.
- C'est vrai ? C'est vrai ? me demande t-elle toute excitée.
Ce n'est qu'à ce moment que je me rends compte de ce que je viens de dire. Ou plutôt ce que je viens de hurler. Je plaque mes mains sur ma bouche en lançant un regard désemparé à Kakucho. Il a l'air aussi perdu que moi. Merde. Je sais que je suis génial, mais parfois je suis vraiment con.
Emma attrape mes deux mains dans les siennes avec entrain.
- Alors ? Vous êtes en couple ?
Je détourne les yeux et récupère mes mains. Je lance un appel à l'aide silencieux à mon copain qui hausse les épaules pour toute réponse.
- Ouais, on est...en couple, je marmonne.
- Ben purée...tu parles d'un coming-out, soupire Shinichiro, un sourire à la foi amusé et désespéré étirant ses lèvres.
Mickey, surgit dont ne sait où, me saute dessus, tout sourire et m'ébouriffe les cheveux. Je le repousse, énervé, tandis qu'il éclate de rire.
- Enfin ! Depuis le temps que vous vous tournez autour ! On attendait tous ça !
- Gnagnagna, je grogne à court d'arguments.
- Attendez, vous allez me dire que vous êtes trois gars dans votre fratrie, et que pas un seul d'entre vous n'aime les filles ? Questionne Wakasa.
Ha ouais, il a raison. C'est un truc de fou quand même.
- Il faut croire que non, répond Shin en pleine réalisation lui aussi.
- Ben techniquement, moi je suis bi, donc je pourrais tomber amoureux de filles, fait valoir Mickey.
- Heu...non. Tu m'as moi donc tu ne peux pas, le reprend Draken.
- Et toi Izana ? T'es quoi ? me demande Emma.
Je hausse les épaules. En fait je n'en ai pas la moindre idée. Ça m'est déjà arrivé d'être "attiré" par des filles, mais ça n'a jamais été aussi fort qu'avec Kaku. Alors qu'est-ce que je dois en déduire ? Bi avec une préférence pour les hommes ? Ou peut-être pan ? Je n'en sais rien.
- Je sais pas. Je suis amoureux de Kakucho, c'est tout. Il n'y a rien d'autre à savoir.
- T'as raison, on s'en fou en vrai. L'important c'est que tu sois heureux et épanoui dans ta vie de couple, me rassure Shinichiro.
- Je n'ai jamais compris pourquoi on rangeait les gens dans des cases en fonction des personnes qu'ils aimaient. Je trouve ça totalement stupide.
Et voilà. Mon coming-out est parti en débat philosophique. Je lève les yeux au ciel, tout de même content qu'ils soient tous passé à autre chose si facilement. J'attrape la main de Kakucho et lui fais signe de ne pas faire de bruit. Nous nous levons le plus discrètement possible et nous éclipsons jusqu'à l'escalier tandis que le débat continu dans le salon, absorbant l'attention de tout le monde. Nous nous enfuyons dans ma chambre en riant silencieusement. Je claque la porte et m'appuie contre cette dernière, épuisé. Épuisé par ma famille, adorable mais beaucoup trop envahissante, par cette sortie de placard imprévue, par toute ces questions de genre et de sexualité. Je soupire et Kakucho se penche doucement vers moi. Une douce chaleur s'éveille dans mon ventre, tandis qu'il pose ses lèvres sur les miennes, dans ce baiser tant attendu. Je soupire d'aise contre sa bouche. Je n'arrive plus à me souvenir de pourquoi j'avais si peur d'assumer notre couple. Après tout, notre histoire d'amour est une histoire comme toutes les autres.

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