Confessions

Wakasa

Allongé la tête en bas sur le lit, je regarde distraitement mon copain, perdu dans mes pensées. Il est posé sous la fenêtre, assis en tailleur sur le sol, le dos contre le radiateur. Il lit tranquillement un magazine sur la mécanique. Je m'étire comme un chat avant de rouler paresseusement sur le ventre. Je cale mon menton dans mes bras et continu de l'observer. Il est mignon avec cet air concentré. Je souris tout seul, attendrit. Il doit se sentir observé, parce qu'il décroche de sa lecture pour lever les yeux vers moi. Il me sourit de toutes ses dents quand nos regards se croisent. J'adore son sourire, et pourtant, il me fait aussi incroyablement mal. Parce qu'à travers ce geste, il me témoigne de toute la confiance qu'il me porte et que je trahis chaque jour sans même qu'il ne le sache. Toute cette confiance que je ne mérite pas. J'ai l'impression d'être un imposteur, un usurpateur, de lui cacher ma vraie nature. Je joue un double jeux dont je profite pour le séduire et ma propre attitude me répugne. Je retiens un soupire et baisse les yeux.
- Eh ! Quelques choses ne va pas ? s'inquiète t-il.
Il a un radar à mauvaises ondes ou quoi ? J'enfouie ma tête dans mes bras pour échapper à sa vue.
- T'inquiètes.
Je l'entend se lever, et j'enfonce un peu plus ma tête dans mes coudes. Je ne veux pas qu'il me voit comme ça. Le lit grince et s'affaisse légèrement à ma gauche, avant qu'une main ne se pose doucement dans mon dos.
- Tu sais, tu peux me parler si ça ne va pas. Tu peux tout me dire.
Je me mord la lèvre et secoue la tête, toujours caché. Non. Non je ne peux pas lui dire, et il le faudrait pourtant.
- Waka, regarde moi s'il te plaît.
Je relève un peu la tête, laissant seulement apparaître mes yeux qui cherchent timidement les siens. Il m'offre un sourire rassurant en passant sa main dans mes longs cheveux. J'inspire un grand coup, plusieurs fois d'affilée pour me donner du courage et je finis par me redresser entièrement. Shinichiro me prend la main et presse doucement mes doigts dans les siens.
- Ben alors ? T'as pas le moral aujourd'hui on dirait.
Je le regarde droit dans les yeux, essayant de trouver le courage d'entamer cette conversation. Comment aborder le sujet ? Que dire et que faire ? Une centaine de tournures de phrase naissent sur mes lèvres avant de s'évanouir sans que je n'ose les prononcer. Je souffle et inspire calmement, essayant de me concentrer sur autre chose que l'anxiété qui me tord l'estomac. Allez, allez, allez. Il faut que je lui dise. Je ne peux pas continuer à mentir comme ça.
- Shin...tu m'aimera quoi qu'il arrive ?
Il fronce les sourcils.
- Bien sûr ! Pourquoi tu me demande ça ?
Je me mords la lèvre et baisse les yeux. Il m'aimera toujours, il m'aimera toujours, il m'aimera toujours... Je me répète ces mots en boucles pour essayer de me rassurer. Je peux lui dire, il ne me laissera pas. Je peux lui dire, il ne m'abandonnera pas. Allez, allez, allez... J'ai si peur de le perdre, ça me bloque. Et s'il me voyait différemment après ça ? Et s'il me quittait malgré toutes ses promesses. Le simple fait d'imaginer ses yeux remplis de choc ou de dégoût me paralyse et me coupe le souffle. Je sens une boule se former dans ma gorge, rendant ma respiration un peu trop hachée.
Shinichiro repousse doucement une mèche de cheveux derrière mon oreille et pose une main sur ma joue avec un petit sourire.
- Eh...tout va bien, respires. Je suis là, ok ? Dis moi ce qui ne va pas, et quoi que ce soit, on affrontera ça ensemble.
Je ferme les yeux et presse très fort mes paupières entre elles pour étouffer les premières larmes qui montent. Il a l'air tellement sincère, j'ai envie de croire en ses paroles. Je prends une inspiration tremblante, et fixant les plis des draps, je me lance avec appréhension.
- Est-ce que...tu...enfin... est-ce que tu m'aimerai toujours autant si...si je devenais...une fille ?
Je referme mes doigts sur la couverture avec une peur qui ne fait que croître. Ma panique se répand dans tout mon corps, me donnant des sueurs froides et des bouffées de chaleur en même temps. C'est terriblement désagréable.
- ... Tu prends ça comme exemple, où tu as vraiment pour projet de devenir une femme ? me demande finalement Shinichiro.
- Je...je crois...que je veux...enfin...tu... non, je...
Je m'embrouille tout seul, ne m'attendant pas à cette question. Et plus je me mélange, moins j'ai envie de parler, et plus je stress. Je finis par me taire sans avoir pu répondre en me mordant la lèvre jusqu'au sang. Tellement pathétique.
- Wakasa ?
J'ose à peine lever le regard vers lui. Il est assis en tailleur, penché un peu en avant, un visage impassible et un air très sérieux.
- C'est... compliqué à expliquer, mais... Je suis une femme. Je...enfin...je suis bloqué dans ce corps, il me limite, et je ne me sens pas à l'aise dedans. C'est...je ne sais pas...une erreur. On m'a doté du mauvais corps a la naissance, on a posé mon âme et ma personnalité dans le mauvais réceptacle. Je...je ne sais pas si tu comprends, mais...je...je ne me sens pas homme. Je...je suis une fille.
Je me tais après cette déclaration très gênante. Au moins j'ai réussi à exprimer ce que j'avais sur le coeur. Et pourtant, je ne me sens pas soulagé le moins du monde, c'est même l'inverse. Mon inquiétude est a son paroxysme.
- Ok. Tu es une femme.
Je relève les yeux vers lui, surpris qu'il le prenne si... facilement ?
- Tu...mais...ça ne te dérange pas ?
- Pourquoi ça me dérangerait ? me demande t-il en haussant les épaules. D'après ce que tu me dis, tu as toujours été une femme, et c'est pourtant bien de toi que je suis tombé amoureux.
Ça paraît si simple exposé comme ça. Je souffle du nez, et me détend un peu, libéré d'un poids. Je me sens... mieux. Fatigué, mais beaucoup mieux. Un sourire tremblant naît sur mes lèvres tandis que quelques larmes m'échappent.
Il rit un peu avant de m'attirer à lui dans un câlin. Je passe mes bras dans son dos et enfoui ma tête dans son cou tandis qu'il me caresse les cheveux.
- Wakasa... j'arrive pas à croire que tu te sois mit dans un état pareil. Mais enfin, bien sûr que je t'accepte comme tu es. Tu es une femme ? Et bien d'accord, ça change quoi ? Tu restes quand même la personne la plus belle, la plus intelligente, la plus drôle, et la plus incroyable qu'il m'ai été donné de rencontrer. Je suis tombé amoureux de ta gentillesse, de ton courage, de ton humour, de toi. Pas de ton corps ou de ton genre. Il ne faut pas garder ce genre de truc pour toi et souffrir tout seul dans ton coin... Heu...toute seule ? Ha zut c'est vrai... Tu veux que je te genre au féminin du coup ?
Je renifle en riant de le voir si investit.
- Comme tu veux, c'est vrai que c'est un peu soudain. Je ne voudrais pas te mettre mal à l'aise.
- Tu rigole ?!? C'est moi qui devrait dire ça. J'ai passé sept ans à te mégenrer depuis qu'on se connait. D'ailleurs je m'en excuse vraiment. Tu aurais du me le dire plus tôt.
- C'est pas si facile, je souffle.
Il se calme un peu et se radoucit instantanément. Il recommence à passer sa main dans mes cheveux avec lenteur et embrasse le haut de ma tête.
- Oui, bien sûr. C'est pas ce que je voulais dire. D'ailleurs, merci de t'être confié à moi. Ça me fait très plaisir. Et sache que je t'accepte comme tu es. Ça ne change absolument rien pour moi. Je continuerai à t'aimer, à t'embrasser, à te câliner, à te faire chier aussi... Crois pas que t'y échappera parce que maintenant je sais que tu es une femme, hein. Je ne deviendrait pas plus galant pour autant.
Je souris et me redresse pour le regarder dans les yeux.
- Tant mieux. Ne change rien, c'est parfait.
Il prend mon visage entre ses mains et me regarde avec un air très sérieux.
- Tu compte subir une intervention pour changer de corps ?
Je rougis face à cette question si directe. Je réfléchis un instant, mes yeux plantés dans les siens.
- Je ne sais pas, d'un côté ça me fait peur, mais...je ne sais pas. Désolé.
- T'excuses pas, c'est normal d'être perdu. Et sache que quoi que tu décides, je serai avec toi, et je te soutiendrai à fond.
Je souris et pose ma tête sur son épaule, soulagé. Mon appréhension a totalement disparue. Je ne sais même plus pourquoi ça me faisait aussi peur. Évidemment que Shinichiro est quelqu'un de confiance. Une pensée m'effleure soudain l'esprit.
- Mais Shin...si tu es amoureux d'un transgenre ça veut dire que tu es pan ?
Il rit et m'oblige à relever la tête en attrapant mon menton entre ses doigts.
- Je ne suis pas amoureux d'un transgenre, je suis amoureux de toi, Wakasa Imaushi, la plus belle femme du monde. Donc je suis pas pan, je suis juste ton copain, un fou amoureux.
Je rougis vivement devant cette déclaration si sincère et débordante d'amour. Il n'a pas tord, on s'en fou des cases et des tabous. Il m'accepte comme je suis et c'est tout ce qui m'importe. Si lui m'aime, alors tout va bien.
Je pose mes lèvres sur les siennes et l'embrasse longuement, les bras autour de son cou. Il ressert sa prise sur mes hanches et me rend mon baiser en bougeant doucement ses lèvres contre les miennes.
Au final rien n'a changé. Il est toujours mon grand amour. Et nous sommes toujours un couple uni et soudé. Parce que l'amour n'a pas de règles, pas de limite, pas de genre, pas de tabou... Parce que l'amour c'est libre, innovent, beau... Parce que l'amour n'est pas défini. Il est ce que l'on décide d'en faire.

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Salut ! Vous allez bien ? J'espère pour vous en tout cas. Bref.
Première fois que j'essaie d'écrire sur le coming-out transgenre... J'espère que ça vous a plus. Si j'ai fait une gaffe (mal défini un terme, mal fait ressortir un sentiment...), n'hésitez pas à me le dire, parce malheureusement, je n'ai aucune expérience dans le domaine, et je m'en voudrais de dire des bêtises. La lecture doit avant tout rester un plaisir et donc respecter tout le monde.
Bien. Si vous n'avez pas du tout aimé, n'hésitez pas à me le dire aussi, comme ça je n'en ferai pas d'autre.
Merci beaucoup à vous.
Bonne journée/soirée.