Chapitre 3

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Vers 21h, nous descendons dans la salle à manger. Elle est sublime et comporte un grand lustre en cristal en son centre.

Et évidemment, ce n'est pas surprenant : nous sommes les seuls ici.

La fille de tout à l'heure s'est changée et porte désormais un ensemble de serveuses, elle nous accueille.

- Bonsoir, mesdames, je vous en prie. Asseyez-vous où vous voulez.

Tant de professionnalisme d'un coup... Houla, tout cela me parait bien louche, mais tant pis, en fait non, tant mieux. Si c'est ma présence qui en est la cause, il était grand temps que j'arrive, finalement.

Nous trouvons une table proche d'une immense fenêtre qui donne sur l'extérieur.

- Désirez-vous boire du vin ?

- Oui avec plaisir.

Puis elle me tend la carte. Je choisis une bouteille de vin rouge et lui demande :

- Quel est votre prénom ?

- Alice.

Elle me sourit puis va chercher notre commande. Sonia n'en revient toujours pas.

- Et bien, ça c'est du comité d'accueil. Entre le gérant qui nous expulse, le cuisinier qui me séquestre et la serveuse qui en rajoute...

- Je ne te fais pas dire.

- Les repreneurs vont avoir du mal à remonter l'hôtel avec ces bras cassés.

- Oui, tu as raison. C'est terrible, et cela va jouer sur le prix, c'est évident.

- Moui, c'est dommage. Quand une réputation est faite, c'est dur de s'en défaire.

Alice revient en chaloupant, elle tient délicatement une bouteille entre ses doigts puis vient nous servir. Je ne peux m'empêcher de la regarder, je me demande ce qu'elle fait ici, elle devrait clairement plus faire du mannequinat que la "soubrette" pour un hôtel moribond.

Qu'est-ce qui peut bien la retenir, ici ?

- Et voilà. Je vous souhaite bonne dégustation.

Je contemple les verres remplis et saisis le mien pour gouter. Il est délicieux.

- Mesdames, le chef vous propose ce soir du lapin.

Pas de mise en bouche, d'entrées... OK, très bien, ne cherchons pas la petite bête, nous nous contenterons donc de la grande.

- D'accord.

Et c'est quelques minutes plus tard que le cuistot géant nous amène les deux assiettes. Lorsqu'elles sont posées devant nous, je ne peux m'empêcher de regarder Sonia, je dois clairement avoir des hallucinations.

C'est une blague de mauvais gout ? Je l'espèrerais presque.

- Heu, monsieur. Je... C'est cuit comment ?

Le cuisinier se frotte la tête et lâche le plus naturellement du monde :

- C'est plongé dans l'eau.

- Juste dans l'eau ? Sans rien de plus ?

- Oui, c'est ça... C'est très bon !

Tout cela nous parait assez ragoutant, la viande est surcuite, bouilli et une salade, qu'on dirait avoir été cueillie dans les platebandes en friche, est nonchalamment jetée tout autour.

- Heu, on aurait préféré la viande en sauce... avec des pommes de terre par exemple.

- Ha ben, vous auriez dû le dire avant.

- Je ne savais pas que vous feriez du lapin.

- Je ne savais pas que vous alliez manger ici.

Je soupire et ferme les yeux. Je ne vais pas en rajouter ce soir, je suis déjà épuisée de cette journée.

- Ça ira, laissez tomber, quel votre prénom ?

- Matt.

- Tout va bien, Matt. On va faire avec... Merci.

Il tourne les talons en ronchonnant. Sonia éclate de rire.

- Ce n'est pas du 4 étoiles non plus.

- On dirait bien.

- Je ne sais pas comment ils ont fait pour ne pas fermer l'hôtel.

- Il faut imaginer que depuis la mort de mon grand-père tout est parti à volo.

Et nous nous attaquons au repas...

Quelques minutes plus tard, et après avoir tenté de manger notre lapin bouillit, Alice vient nous apporter une corbeille de fruits.

Enfin corbeille... Je crois que le terme est presque bien choisi pour une fois.

OK donc... il y a 2 pommes un peu fripées, des noix et un abricot. C'est tout.

Voyant notre désarroi, elle prend la parole.

- Désolée, mais c'est tout ce qu'il nous reste ce soir. Demain, nous irons faire les courses...

- Ha ben, d'accord, on s'en contentera.

Puis de nouveau, elle s'éclipse pour nous laisser seule.

Plus rien ne sort de la bouche de Sonia, nous sommes totalement dépitées.

Je suis en train de couper une pomme en deux quand la porte de la salle à manger s'ouvre sur un homme qui nous est inconnu.

Si ce n'est pas le géant, ni Alice, ni le con de gérant, il ne peut être que mon client !

Il stoppe et semble surpris de nous voir, son visage devient tendu et presque craintif quand je dis :

- Bonsoir, Monsieur...

Mais au lieu de me répondre, il s'enfuit presque en courant en sens inverse.

Sonia lance alors :

- C'est clair qu'il n'aime pas la compagnie des autres... C'est sans doute ton unique client ?

- Oui, je pense...

- Alors, ça explique qu'il ait réservé l'hôtel pour lui tout seul.

- Mouais... À ton avis, dans quel état sont les comptes ?

- Si j'étais toi, je les demanderais à ton gérant dès demain.

22h30...

Notre repas plus que frugal étant enfin terminé...

Un véritable calvaire...

Je salue donc ma meilleure amie sur le pas de sa porte.

- Demain est un autre jour, passe une bonne nuit.

- Oui, je vais essayer de ne pas psychoter et chasser de mon esprit cet hôtel bizarre et ses occupants !

- Mais oui, allez. Tout va bien se passer... à demain !

MB MORGANE - Mon gérant est un pauvre #%@$! [Terminé]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant