06. Tête-à-tête

1.1K 88 100
                                    

Prisonnière de cette situation, dans laquelle je me suis toutefois volontairement empêtrée, je n'ai d'autre choix que de me racheter au peu de courage que je possède, pour mener à bien notre projet.

C'est ton étude de cas, Lana. Tâches de ne pas tout faire foirer.

Interroge-le, dis quelque chose. Il faut que tu montres que c'est toi qui mène la danse.

L'ambiance est pesante alors qu'il me regarde fixement, patiemment, comme un lion qui tourmente sa proie, avant de l'avaler toute crue.

Nous attendons que nos commandes arrivent -café glacé pour moi et whisky pour lui- afin de lancer le signal de départ de notre entretien.

Seule la table fait barrière entre nos corps, cette proximité me permet de plus amplement regarder l'homme qui me fait face.

Le retrait de ses lunettes de soleil m'oblige à soutenir ses yeux gris clair aguicheurs.

Derrière ses cheveux d'un brun profond, je découvre que de fines lames de couteaux entourées d'épines de rose ornent ses oreilles.

Le même symbole que son tatouage. Je pense que je ne m'habituerais jamais à sa splendeur.

Je maudis ce monde d'offrir une telle beauté à une personne dotée d'une âme aussi pervertie par la noirceur et capable de commettre la pire atrocité qui soit.

La serveuse qui nous apporte nos collations balbutie et s'empourpre en tendant le verre de Cayden, dont elle manque presque d'en renverser le liquide.

Elle le fixe, gênée.

Son aura est incommensurable et fait donc pâlir tout le monde.

Je ne suis donc pas la seule à pâtir de sa personnalité impressionnante.

Je lui adresse en retour un œil compatissant.

Je me félicite d'avoir accepté l'accoutrement proposé par Elise et Ali, il me fait sentir un peu moins tâche et plus « légitime » à côté de Mr belle gueule, à la prestance quasiment insultante.

Une oeillade provocatrice de sa part m'éclaire sur la nécessité que je rompe le silence immédiatement, avant qu'un plus grand malaise s'installe entre nous.

Pourquoi avoir choisi un lieu aussi exposé ? Au premier entretien, vous jouiez les mafieux, à nous donner rendez-vous dans l'endroit le plus lugubre de tout Montréal et aujourd'hui vous choisissez le spot touristique par excellence, je débite hors d'haleine.

Je lui pose cette première question, qui me brûlait les lèvres depuis mon arrivée. Son amusement non dissimulé ne faiblit pas.

Au contraire, son langage corporel laisse croire qu'il attendait une telle question.

Il mène la partie dans son sens, Lana.

À vous de me répondre, c'est vous l'analyste comportementale.

Il s'avance sur sa chaise, réduisant l'espace entre nous, tandis qu'à l'inverse, je m'ancre instinctivement davantage dans mon siège.

Mon geste spontané le fait subitement glousser.

Son regard s'emplit d'une curiosité certaine.

Je tente de maintenir une posture droite et les yeux rivés sur lui.

20 secondes, je compte dans ma tête.

C'est le temps maximum que je tiens avant de détourner ma vision de ses prunelles grises, préférant fixer son sweat qui, bien qu'étant large, ne parvient pas à dissimuler la musculature imposante de ses bras.

𝐈𝐬 𝐈𝐭 𝐚 𝐂𝐫𝐢𝐦𝐞 [Réecriture] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant