Routes croisées. Vol.1 : ELLE ( 1er jet )

Prologue

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La première fois que j'ai vu cette fille, c'était au pied de l'hôtel. La journée avait été éreintante, et malgré la notoriété que j'avais acquise, je me sentais las et épuisé. Je me souviens encore de cette journée dingue. Maintenant, je peux en rire. Mais pas ce jour là.

Paris.

17h45.

- Donc ... continue Natacha d'un ton monocorde, je lui ai demandé d'aller voir ailleurs ! Tu sais, c'est dingue, j'ai beau faire des efforts, j'ai l'impression qu'il ...

La suite résonne à peine jusqu'à mon crâne. C'est par brides que je l'écoute se plaindre encore et encore de son nouveau petit ami 'super branché' rencontré à un gala tout aussi bien réputé. Le menton dans la main, je retiens un soupir d'exaspération. J'ai mal partout, l'une des scènes a été un véritable fiasco. Je fais toujours toutes les cascades moi-même. Mais aujourd'hui, j'ai manqué de me péter les deux jambes. Mon Manager est devenu complètement dingue, et m'a passé un savon pendant plus d'une heure. Tentant de me persuader de prendre une doublure. En vain. A quoi bon faire ce métier, si je retire toute l'authenticité de mon émission et de mon personnage ? Les gens veulent de l'adrénaline, un modèle. Je suis sûrement le journaliste le plus cinglé de toute la planète - ou au moins de France et d'Angleterre -, mais j'aime ça. Ce que j'aime moins, c'est l'idée folle que j'ai eu d'accepter le tournage d'un film. Enfin, presque un film. Pourquoi ai-je fait ça ? J'ai toujours rêvé d'être acteur quand j'étais petit, mais maintenant que je m'y retrouve, je regrette amèrement. J'étouffe, tout le monde me reconnait de plus en plus dans la rue. Je suis devenu 'un personnage publique'. La pire connerie de ma vie. L'euphorie est naissante, et l'agitation me rend dingue. Cette fois, j'ai décidé de prendre une semaine de repos. Sans portable, sans Internet, sans articles, et surtout : Sans Natacha.

- ... Sur une petite côte dans l'est ... ou Deauville ...

Enfin, j'essaie.

- ... Des pâtes, et de la sauce bon marché ! Non mais tu te rends compte ?! continue la rousse à côté de moi d'un air excédé. Je crois que je viens de louper au moins la moitié de son monologue. Pour faire bonne figure, je cligne des yeux et prend une mine contrite et compatissante, hochant la tête comme pour accorder mon soutien imaginaire. Ma collègue mordille sa paille d'un air songeur, luttant pour scruter mon expression à travers mes lunettes de soleil. Ses iris émeraudes me scrutent sans pudeur par-dessus ses Rayban.

- Eh, Peter, tu m'écoutes au moins ? se plaint-elle en se redressant, relevant sa crinière de feu et agitant sa silhouette fine. Le type mannequin qui en fait dix fois trop. Tout le monde la prend pour ma petite amie, ou ma maîtresse. Parce que ' Les types comme moi aiment ces femmes là'. Mais la vérité, c'est qu'elle me fait autant d'effet que .. la Reine mère. L'Anglais - à 50% - en moi proteste presque de mon blasphème, mais je ne peux m'empêcher de sourire à cette comparaison délirante. Natacha est jeune, a la peau lisse comme de la soie et des fossettes adorables. Mais sa superficialité m'agace.

- Et maintenant, tu te fiches de moi ! geint la rousse en me lançant un sachet de sucre dans la figure.

- Mais non, je fais d'un air distrait. Je suis juste ... épuisé. Je t'écoute.

Elle me fixe, sceptique.