Routes croisées. Vol.1 : ELLE ( 1er jet )

Elle.

"Je vais choper ton adresse et t'envoyer la facture ! ", s'esclaffe la petite brune pour la énième fois, les larmes aux yeux. Dans une imitation presque parfaite de sa dernière victime. Mais quel con, si je loge à l'hôtel, il l'a déjà, mon adresse.

- ... Non mais, alors toi ... Fait mine de s'agacer Linda, le sourire au coin de ses lippes tordues trahissant son amusement. Tu sais que tu pourrais avoir de gros problèmes ? Ce type va sûrement fouiller l'hôtel à ta recherche. On sait jamais, Em', c'est des grands malades parfois.

Mais de toute évidence, la brune semble s'en moquer. Royalement.

- J'aime pas le manque de respect. Si t'avais vu la gueule de Pierce ... Je suis arrivée là, en bas des marches, et il avait l'air désemparé. Et de sortir du lit, aussi. Avec ses cheveux en bataille et ... La jeune femme se redresse avant de terminer sa tirade, détournant ses onyx sous le regard médusé de son vis-à-vis.

- Je croyais que tu pouvais pas le voir ? S'amuse la blonde en haussant un sourcil.

La brune tourne le menton, lui lançant un regard courroucé.

- C'est pas la question, Lin. Je suis agacée parce que dès son arrivée à l'hôtel, on m'a cassé les pieds. Le mauvais jour ! Tu sais, ce jour-là. Grince-t-elle en retirant ses talons, les glissant dans un sac avant de s'armer d'un tablier logé dans son casier de métal. Mais rien qu'à l'expression de son amie, Linda semble regretter aussitôt ses paroles.

Sa main se lève déjà, empêchant sa collègue de poser la question fatidique.

- C'est bon, ça va ! J'ai compris, pas de questions. Se vexe la jeune femme, qui d'une main agile joint ses filets blonds en un chignon stricte. ... Tu t'en sors pour les premiers jours ?

- Ouais. Mais le patron commence à me briser les miches.

Quant à la jeune femme, elle semble encore se battre pour joindre ses filets encore délavés par le soleil.

- Pourquoi t'as coupé si court ? J'ai cru faire une crise cardiaque en te voyant.

- Besoin de changement. Se contente-t-elle de répliquer, vérifiant sa tenue avant de jeter un regard à Linda. Bon, on y va ?

Avec une moue lasse est contrariée, les deux jeunes femmes sortent des vestiaires, prêtes à attaquer une nouvelle journée.

-

Encore sous le choc, je fixe le gobelet de café d'un air béat. Hier soir, j'étais découragé. Ce matin, lassé et lessivé. En sortant de l'hôtel, j'étais au bord de l'implosion et à deux doigts de frapper ce pauvre type. Pourtant, ce midi, un sourire idiot barre mes traits encore troublés. J'ai tendance à trouver beaucoup de gens ternes, à mon grand agacement. Je m'exacerbe moi-même. Parfois, je songe que si je m'ouvrai un peu plus, tout irait tellement mieux ... Je me suis surpris un jour à avoir plus de conversation avec le chien de ma mère qu'elle-même. Je me souviendrais durant toute ma vie de son regard ce jour là. Elle avait l'air de vouloir me planter ses aiguilles à tricoter dans les deux globes. Cette autre pensée me fait sourire, et c'est de meilleure humeur que je m'extirpe de la voiture tout en n'oubliant pas de remercier Timoty. Pour une raison qui m'échappe, je n'arrive pas à boire la mixture. Parce que, de un, j'ai toujours était incapable de prendre dans les verres des autres. Un vieux toc qui refuse de me laisser en paix, et un sujet de dispute fut un temps avec mon ex. Et que, deuxièmement, je la soupçonne d'avoir jeté de la drogue ou craché dans la boisson. Elle a peut-être l'allure et la dégaine d'un petit ange, mais sa bouille mesquine en voyant son oeuvre devant l'hôtel m'a immédiatement marqué pour le restant de mes jours. Même si je dois avouer que, pour être honnête, ses jambes fuselées perchées sur ses talons m'ont elles aussi marquées pour le restant de mes jours. Je songe aussitôt à Antoine, ce sale obsédé ce serait empressé de lâcher quelques commentaires concupiscents. Du genre : ' Si ça, c'est pas un message codé à la sauce gonzesse !'. Cette crevure est un putain de phallocrate assumé, et il enchaîne les conquêtes. Un jour, j'aimerai qu'on m'explique la logique des femmes.