La baffe va partir. Je le sens. De là où je suis, je ne vois toujours que le dos du colosse. Je suis plutôt grand, voir très. Mais Marvin est un immense black à la crinière épaisse, qui me dépasse légèrement et qui fait deux fois ma largeur.
J'approche un peu, mes sourcils arqués sur mes iris troubles.
- J'ai pas le droit de fumer en paix ?! crache une voix féminine. Je vois vraiment pas, là, mon vieux. C'est pas ma journée, ok ? Lâchez-moi !
Marvin ne se démonte pas pour autant.
- Ecoutez, je le connais votre petit tour, d'accord ?
Malgré sa stature de bête, sa voix est incroyablement calme et apaisante. C'est peut-être pour ça que j'ai abdiqué en acceptant de le laisser au moins à l'hôtel. Et il semble prendre ce job très à cœur ...
- Mon ... Quoi ?! Attendez ... c'est quoi ce plan ? ça fait une demi-heure que vous me reluquez, espèce de malade !
La voix de la jeune femme est légèrement rauque et tremblante. Rien qu'à l'entendre, on sent sa tension qui grimpe et la lassitude.
- Je n'aime pas ce ton, Mademoiselle ! gronde-t-il finalement. Allez, fichez moi le camp, ok ?
- Non mais ça va pas la tête ?! je l'entends protester , tandis que Marvin prend son bras pour la faire reculer. Ne me touche pas, sale con !
On ne peut pas dire qu'elle soit du genre très polie ... Quand je vois la petite main fine et longiligne se lever pour de bon, j'interviens.
- Marvin ?
Je viens de me dévoiler, d'un grand pas, je leur fais face. Marvin lâche brusquement le bras d'une petite brune au regard de braise. Mais je ne m'attendais pas à ... Ca. Elle n'est pas petite, en fait, elle est minuscule. A peine le mètre soixante, juchée sur des chaussures de plage plates. Ses cheveux raides ondulent légèrement et pointent jusqu'à ses épaules qu'ils frôlent à peine. En fait, elle n'est pas vraiment brune. J'ai du mal à définir la couleur de ses filets chatoyants. Un brun qui vire sur l'acajou, et à la lumière du soleil, presque sur le blond. On devine facilement qu'ils sont délavés à force d'être plongés dans l'eau de mer. Au départ, ses prunelles semblent d'un noir d'encre. Puis, à la lueur d'un rayon de soleil, ses iris virent à l'émeraude et se font plus cinglantes encore. Sa peau qui semble être d'albâtre à l'origine est légèrement halée. Tout en elle transpire et inspire les plages dorées. Surtout sa tenue. Ses pieds dépourvus de vernis sont seulement chaussés de tongs serties de perles, son pantalon serré aux chevilles est plus ample au niveau de sa taille, assorti à son débardeur. L'ensemble dans une teinte bordeaux, décoré par quelques arabesques orientales. Aussi bien à son poignet droit jonché de bracelets en tout genre. Le résultat donne un exotisme atypique, qui tranche avec la façade de l'hôtel et l'ambiance de la rue noble et terne à côté de sa petite personne élancée. Sous les perles à son bras droit, je distingue même un tatouage éphémère au henné qui se fond dans ses os de poignets. Rouge. Comme les marques orientales que les femmes se font au Maroc. A bien la regarder, on dirait qu'elle en revient. Sa tenue n'est ni trop apprêtée, ni sans laisser penser qu'elle n'est pas faite pour plaire à quelqu'un. Pourtant, sa posture est complètement nonchalante.
Mains fourrées dans ses poches, dos courbé en arrière, bassin en avant, menton levé. Cette fille qui semble à peine avoir vingt ans me lance un regard indéchiffrable. A peine ai-je eu le temps d'y déceler de la stupeur, qu'elle s'est immédiatement fermée comme une huître.
- Ah. Ouais, c'bon, j'ai pigé, lâche-t-elle avant de faire rouler ses rétines dans ses orbites, jusqu'à fusiller Marvin du regard.
Elle a l'air adorable, comme ça. Mais à en juger par son expression, par le ton amer de sa voix, et par l'éclat brillant - trop brillant - de ses iris meurtrières, je comprends vite qu'elle doit avoir un sale caractère.
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Routes croisées. Vol.1 : ELLE ( 1er jet )
General FictionBande-Annonce : https://youtu.be/LJnNDD2bfwk « - Trinquons ! - A quoi ? - L'amitié. » Peter Pierce est un Journaliste qui grimpe l'échelle sociale. Il fait partie intégrante de ces vedettes que les médias s'arrachent. En apparence, c'est un casse-c...