The impossible girl

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La première chose dont je me souviens, c'est de son poing effleurant mon oreille droite. Le coup avait été très vif, et je pouvais remercier ma dextérité naturelle, sans quoi, un coquard magnifique qui rongerait mon faciès. Je sais bien que, intervenir dans une affaire d'ordre privée n'était pas très malin. Mais sur le coup, vraiment, j'ai eu du mal à rester bras croisés. Je ne sais pas, si on combine cet étrange cocktail qu'est la curiosité, moi-même, et cette drôle de femme, le tout donne un résultat atypique dans ma caboche. Je ne suis pas cinglé, juste curieux. Ca doit être mon côté journaliste. Je sais qu'elle a une histoire, ce que j'ignore, ce sont les raisons qui me poussent à avoir envie de la connaître. Emma me touche, c'est un fait. Même si je dois avouer que le mec qui venait de me louper de très près, m'avait finalement touché aussi. Et pour de bon.

Pour en revenir à nos moutons ... Tout ce dont je me rappel avec précision, c'est d'avoir eu le dessus au départ. Mon poing avait écrasé la gueule de ce merdeux, et mon pied l'avait giclé au sol. Jusqu'à ce que deux lâches en décident autrement. Le fameux Salim avait beuglé comme une mule, et avait alors surgi de nul part un autre type aux origines inconnues au bataillon. J'étais trop occupé sur le coup, pour me préoccuper des racines de mes assaillants. Tandis qu'un me tenait, l'autre frappait. Au final, je crois que j'ai de la chance d'avoir encore toutes mes dents, et seulement une côte fêlée. Les cris d'Emma, ça aussi, je m'en souviens. La petite brune avait tenté de s'interposer mais, à mon grand soulagement, un courageux de l'accueil s'était rué sur elle pour l'en empêcher.

Pourtant, et pour être tout à fait honnête, ça n'était pas la pire partie de ma journée. A l'heure actuelle, je suis étalé dans un lit d'hôpital, le torse complètement bandé et le cul fixé sur un matelas trop dur. Entre quatre murs blancs. Face à deux prunelles verts/chocolats qui semblent me fusiller sur place. Ca, c'est flippant. Vraiment. Cette fille deux fois plus petite que moi semble me surplomber de toute sa hauteur, tandis que, mine de rien, je me ratatine contre mon oreiller. Bien-sûr, je grimace aussitôt en retenant un sifflement de de douleur, mais même ça, ça ne semble même pas provoquer la moindre compassion dans le regard de la jeune femme. En fait, je crois vraiment qu'elle va me tuer.

- Vous voulez pas vous asseoir ? ... Je tente, avec un sourire mutin.
- Vous voulez pas, je sais pas moi, cesser de vous foutre de moi ? Qu'elle crache aussi sec en s'approchant dangereusement.

Je ne peux pas reculer, y a plus de place entre le mur et mon dos en miettes. Pas un seul espace. Je pince mes lèvres fines, inspirant l'air tout en l'observant. Elle est toujours serrée dans sa robe crème. Elle est jolie, même énervée. En fait, je ne me souviens pas l'avoir déjà vue ... Paisible. A part à l'Eglise, mais est-ce que ça compte ?

- Mes yeux, c'est là haut. Pierce. Intervient la voix d'Emma, m'obligeant à cligner bêtement des paupières pour l'observer, hébété.

- Hein ? Non, c'est pas ce que vo-

Une main minuscule apparaît devant mes azures, m'obligeant à la boucler.

- Ecoutez, j'sais vraiment pas à quoi vous jouez, mais va falloir arrêter. Pigé ? Je sais que vous étiez à l'Eglise. Si on compte ce détail, en plus de mon lieu de travail, mon hôtel et tous le reste, j'ai vraiment des questions à me poser ...

Quoi ? C'est quoi ce délire ? Je lève une main, ouvrant la bouche pour me défendre, mais elle m'attaque à nouveau. Et sans respirer.

- Mais ça ! CA ! Pour qui vous vous prenez, sérieusement ? Il aurait pu vous réduire en miettes ! On est pas dans l'une de vos émissions pré-calculées et mâchées pour vos petits soins !

Alors ça, c'est le bouquet. Elle croit vraiment qu'on m'assiste comme un gamin capricieux ? Ce que je fais est authentique. Bien-sûr, il y a toujours quelqu'un pour veiller, au cas ou. Ce qui est parfaitement normal. Malgré moi, je fais abstraction de la douleur pour me redresser.

- Eh, PRIMO, je commence d'une voix forte, la coupant dans son monologue enfiévré : Mon émission est très sérieuse, et j'ai fait l'armée durant plusieurs années. SECONDO : Pour qui vous vous prenez, VOUS ? Je lâche en la pointant du doigt. Je viens de me faire péter une côte, et pourquoi ? Parce que j'ai été inquiet pour vous, ce type avait carrément l'air furieux contre vous et avait l'air d'avoir envie de vous en foutre une ! Vous êtes qui ? La reine d'Angleterre ? Faites pas votre Diva, et foutez-moi la paix avec vos préceptes de vierge effarouchée. J'ai agis et fait ce que j'estimais juste, point à la ligne.

Voilà, je sue comme un cheval qui vient de se faire tirer pour labourer les champs. J'ai mal, je suis énervé, et madame la duchesse me fixe avec hébétude. Je sais déjà qu'elle va reprendre son masque de parfaite suffisance, et tourner les talons pour ne plus jamais m'adresser la parole. Je me sens maso d'être grisé, voir même heureux, d'avoir un échange avec un nouvel être humain qui ne va pas gentiment me cirer les pompes, comme un bon chien qui veut ses croquettes. Ca me fait toujours autant d'effets d'être défié par cette petite peste. Mais je suis quand même en colère contre elle. Pourtant, contrairement à toutes mes attentes, la jeune femme fronce les sourcils, ferme la bouche et se mord la lèvre d'un air songeur. Puis ses paupières se plissent, et elle me scrute comme si j'étais un nouveau spécimen à étudier.

- Vous m'avez sacrément compliqué la tâche, en intervenant, vous savez ? J'ai du plaidoyer comme une accusée devant la cour.

- Eh bien, vous direz à votre mec qu'il n'a aucuns soucis à se faire, vous êtes pas du tout mon genre, je balance avec humeur. Bon ok, c'est un mensonge. Physiquement, elle est mon genre. Mentalement ... On repassera. De toute façon, c'est pas la question. Ni le but de l'histoire.

La jeune serveuse s'esclaffe alors, secouant négativement la tête en grimaçant. Est-ce que je viens de la blesser ? Pourquoi je me sens coupable ?

- Salim, mon mec ? Vous êtes cinglé ou quoi ?

Ses épaules se haussent, ses mains se lèvent, et ses prunelles remuent jusqu'au plafond en roulant dans leurs orbites. Ses mimiques peuvent largement se traduire par ' Va consulter un psy, sale trou du cul'. Elle n'est pas du tout blessée, cette sale teigne. Elle est en train de se foutre de ma gueule !

- Pensez à porter plainte pour coups et blessures, je suis sûre que ça le calmera et lui donnera envie de rentrer au pays. Au moins, j'aurai la paix et vous aurez pas été totalement inutile. A moins que vous soyez en overdose d'avocats ? Qu'elle ajoute, ses babines s'étirant malicieusement alors qu'elle recule, contournant mon lit et agrippant son sac agrippé aux barres de fer.

Ah la gar-

- Bye, et j'espère ne plus jamais vous revoir !

C'est à son dos que je lance une grimace puéril, tandis que je cherche encore quoi dire.

Cette fille est imbuvable.
Je la déteste.
Quand est-ce que je la revois ?

Routes croisées. Vol.1 : ELLE ( 1er jet ) Où les histoires vivent. Découvrez maintenant