Je crois bien qu'elle va me tuer. En fait, j'en suis sûr. A en juger par son regard où se mêlent stupeur et défis, je sens que si je parviens à rentrer vivant à l'hôtel, ce sera un miracle. Mais qu'est-ce que je lui ai fait, enfin ? Cette situation commence tout juste à m'exaspérer. Je n'y comprends plus grand chose, a-t-elle fait chuter son café sur le paparazzi volontairement ? Soudain, j'ai un doute. Je plisse les yeux, lui rendant son coup d'œil enflammé. Un regard en chien de faïence. C'est seulement lorsqu'un raclement de gorge explose notre bulle aux odeurs électriques que je la vois cligner des yeux, s'armer d'un sourire forcé et lâcher d'un ton d'où perce un léger soupçon goguenard :
- Mr. Pierce. Qu'est-ce que je vous serre ?
J'imagine qu'elle crève d'envie de m'agripper les couilles pour me les retourner. Elle doit croire que je l'ai suivie. Je réalise avec horreur qu'autour de nous, le calme est plein. Les gens chuchotent, et le patron a le faciès d'un constipé. Je le soupçonne d'être au bord de la crise cardiaque.
- Mon café ... Je réponds en souriant, ayant décidé en une fraction de seconde d'enfoncer la hache de guerre. Noir, sans sucre. Long.
A côté d'elle, la blonde dénommée Linda - Je peux le voir, maintenant - passe d'Emma à moi, à en juger par son expression, elle a l'air d'être au bord de la crise de rire. J'imagine qu'elles sont sûrement amies, et que cette Linda doit avoir vu plus d'épisodes à son compteur que ma pauvre petite personne ignare.
Emma se détourne, filant jusqu'à la machine pour déposer un gobelet large. De dos, elle lance d'une voix trop forte :
- Sur place ou à emporter ?
Je ne sais pas pourquoi je fais ça.
- Sur place.
Ca me donne sûrement l'air d'un dément machiavélique, mais mon sourire s'élargit de plus belle.
Je vois ses épaules se rétracter, et j'entends le raclement de gorge typique d'une personne qui se retient de rire. La fameuse Linda semble au bord de l'explosion. Elle parvient tout de même à se reprendre, lâchant d'un ton chevrotant un ' Ce sera tout ?' à sa cliente légèrement agacée. On va dire qu'il s'agit des effluves de café, n'est-ce pas ? Quand celle qui m'intéresse bien plus tourne les talons pour me faire face, je vois son sourire plus forcé que jamais, et ses prunelles qui sous les reflets de soleil filtrant à travers la vitre virer à l'émeraude jeter des éclairs à sa collègue, qui lutte pour viser correctement dans son sac en y fourrant des pâtisseries emballés. Quand elle revient vers moi, la jeune serveuse lâche d'un ton rauque et difficile :
- Avec ceci ?
J'hésite un moment, avisant la vitrine. J'y vois toutes sortes de sandwich, mais la queue derrière moi me pousse à me dépêcher. Autre toc, j'ai toujours détesté savoir ou sentir une personne dans mon dos.
- Le Bagel au saumon. Je fais machinalement, sans regarder ni le prix, ni voir la petite indication qui précise que ces derniers doivent être fait sur commande. Lorsque la serveuse me lance un regard furieux, je me permets de retourner à la contemplation de l'affiche pour vérifier d'où vient son nouvel assaut de fureur.
- Emma, va préparer le saumon, je m'occupe du reste. Lâche l'imposant chef des lieux en la poussant légèrement.
Je pense pouvoir apprendre autre chose sur cette femme mystère, elle déteste qu'on la bouscule. Dès que le patron pose une main sur son épaule pour la faire reculer, elle donne l'impression d'être au bord de la crise de nerfs. Eh bien ... Sacré caractère, celle-là. Mais je dois admettre que ne j'aimerai pas non plus, à sa place. Emma disparaît aussitôt en arrière boutique, marmonnant un vague ' tout de suite' tout en poussant le rideau sur son passage. A côté d'elle, Linda a retrouvé son calme et prend à nouveau cet air consciencieux et professionnel.
-
- Votre Bagel au saumon. Crache une voix au-dessus de mon épaule.
Quand je lève mes azures, je vois la fameuse Emma qui me lorgne d'un air contrarié.
- Merci ... Fais-je avec prudence, m'emparant du Sandwich en forme de donuts. Vous ne l'avez pas empoisonné, hein ? Je demande par automatisme, m'armant aussitôt d'un sourire pour lui montrer que je plaisante.
La jeune femme semble soudain marquer un temps de pause, avant de jumeler mon expression affable. Mais ses lippes étirées ont quelque chose de vénéneux. Je comprends aussitôt pourquoi, alors qu'elle répond d'une voix faussement candide :
- Mais bien-sûr que non !
Cette peste veut me foutre le doute, elle me prend à mon propre jeu et m'emprisonne à l'intérieur, telles les toiles d'une araignée.
- Bon appétit. Ajoute Emma, sûrement plus pour remplir son Job devant le patron, plutôt que par politesse.
- Attendez !
- Oui ?
Je vois bien que ça l'agace. Et plus cette nana semble détester voir ma sale tronche, plus j'ai envie de la titiller un peu. D'habitude, les gens se ruent pour me parler. Je crois que je suis maso.
- Hum ... Je commence, mal à l'aise. Je me tortille sur place, déballant mon Bagel correctement protégé par le papier froissé, quand je lève les yeux, j'avise les siens qui ne lâchent pas mes mains. Mais elle les relève aussitôt pour affronter mon regard. Je me fais des idées. Je soupire, et lâche enfin : Merci, pour ce matin. C'était un peu risqué et peut-être un peu trop, mais ...
- De quoi vous parlez ? Me coupe-t-elle en plaçant ses poings sur ses hanches.
- ... Le paparazzi.
- J'ai trébuché !
- Sur son appareil ?
- Tout à fait. Je suis un vrai petit boulet ! Je suis d'une maladresse maladive.
J'ouvre la bouche pour protester, mais elle me coupe à nouveau :
- Si vous voulez bien, maintenant, je dois y retourner.
Et de tourner les talons, laissant mon 'bien-sûr', s'évanouir dans les tréfonds de la salle à manger.
Rectification, je ne sais toujours pas qui est cette femme.
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Routes croisées. Vol.1 : ELLE ( 1er jet )
General FictionBande-Annonce : https://youtu.be/LJnNDD2bfwk « - Trinquons ! - A quoi ? - L'amitié. » Peter Pierce est un Journaliste qui grimpe l'échelle sociale. Il fait partie intégrante de ces vedettes que les médias s'arrachent. En apparence, c'est un casse-c...