Chapitre 6

19 4 15
                                        

Bleunoie cachait décidément bien son jeu. Les rares personnes à être passées à travers le village vous diront qu'il n'y a pas d'activités illégales. Or, avant d'arriver à l'entrée du village, se tenait une petite maison close. Elle était dirigée par un ancien soldat devenu proxénète du jour au lendemain. Avide de femmes et d'argent, il pensait qu'il pouvait en faire un marché juteux. Sa spécialité était d'attirer des jeunes filles pauvres et de leur promettre monde et merveilles en les faisant fréquenter des hommes qui pourraient les tirer de leur situation familiale et financière. Le bonhomme tenait parole avec certaines d'entre elles. plus les clients les réclamaient, plus leur bourse se faisait lourde d'argent. Lorsqu'il avait enfin l'emprise sur elles, il en faisait ce qu'il voulait, laissant parfois les clients abuser d'elles. en échange, les filles devaient garder secret le nom des clients et ne pas dire avec quelle personnalité elles avaient passé la nuit.

Amélie était l'une d'entre elles. A quinze ans, cadette d'une famille de huit enfants, elle avait fui le domicile pour se décider à travailler. Tombée entre les mains de monsieur Brillant – nom que l'on donnait au proxénète pour ses vêtements tape-à-l'œil – elle avait vite compris qu'il fallait être aux ordres du client et effectuer tout ce qu'il souhaitait. Plus vous serez docile, plus vous aurez de bénéfices, affirmait toujours monsieur Brillant. Le client aime que l'on se plie à ses exigences. Amélie était prostituée depuis maintenant trois ans et elle ne s'en plaignait pas. Débutante, elle gagnait seize sous par passe, vingt si le client était de bonne humeur et elle était passée à pus de deux cents sous, ce qui faisait gronder la jalousie envers ses camarades. Mais elle recevait beaucoup de cadeaux et tellement de vêtements qu'elle n'avait presque pas besoin de dépenser. Le proxénète lui permettait d'aller et venir dans la maison close et l'envoyait à des banquets pour satisfaire les hommes. Elle ne s'imaginait pas autre chose que fille de joie, cela lui plaisait d'être la chose, celle qui se soumet naturellement.

Chaque fille avait une chambre attitrée où elle recevait. Amélie en possédait une au rez-de-chaussée, spacieuse et bien décorée. Encore privilégiée, elle pouvait demander à ce que des travaux soient effectués afin que ses prochaines passes payent mieux. On lui avait monté un grand lit comme ceux des maisons bourgeoises, quelques guirlandes de papier, une coiffeuse et une commode. Elle attendait un nouveau client qu'elle espérait moins bête que les autres. Ce fut un Monsieur distingué qui entra. Elle eut un pincement au cœur. Qu'il était élégant avec sa barbe, son air juvénile et son regard vert. Sans dire un mot, il enleva sa redingote, ses chaussures, déboutonna son pantalon. Chacun de ses gestes respirait une grâce séduisante. Il se montra tout de suite très dominant et lui ordonna de se mettre à quatre pattes. Amélie lui offrit sa croupe et commença à apprécier ce qu'il faisait. Tout en la prenant, il lui caressait les fesses, s'attardait sur le bas-ventre et chaque soubresaut, il grognait de satisfaction. il ne lui demandait pas de se taire, elle gémissait à son tour, envahie de plaisir. Ils jouirent deux fois. Il se retira.

-Allonge-toi contre moi.

Très étonnée, Amélie obéit. Le jeune homme rabattit la couette sur eux et la serra contre elle. Elle voulut se confier sur ce qui venait de se passer.

-Vous êtes le premier client à me témoigner autant d'attention.

-La moindre des choses, c'est de remercier la fille avec qui on a passé du bon temps.

Cette nuit-là, il lui promit de lui apprendre à lire et à écrire. Les jours suivants, il ne venait jamais les mains vides. Amélie croulait sous les montagnes de bijoux, parfums et gourmandises qu'elle recevait de lui. Contrairement aux autres, ça n'était pas de simples présents que l'on offre à une fille de joie juste mais de véritables offrandes pour lui faire plaisir et la rendre encore plus désirable. Oui, il lui apprendrait toutes les petites choses qu'une femme doit posséder mais avant tout, elle devait remplir son rôle de prostituée : se soumettre. Leurs rendez-vous ne se résumaient pas qu'à des scènes rapides voire bestiales. Parfois, le jeune homme avait simplement besoin de parler et se confier et Amélie savait bien comment le remettre d'aplomb. Il avait ordonné qu'elle l'appelle « Monsieur Louis » ou encore « Maître » pendant leurs ébats, il s'agissait d'un fantasme qu'Amélie affectionnait.

Le sang du bonheurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant