—Puisque je vous dis qu'il n'y en a plus, ils n'existent plus !
Agacée, la secrétaire releva les yeux vers le perturbant personnage. Il avait débarqué en plein après-midi après sa pause déjeuner en lui ordonnant de rechercher les registres de la mairie. Mécontente d'être bousculée pendant sa digestion, la femme ne se montrait pas aimable et il y avait de quoi. L'inspecteur de police, si apprécié dans Bleunoie ne l'impressionnait guère et elle le considérait comme un goujat. Que faisait-il encore debout devant son comptoir? C'est qu'elle avait d'autres tâches à faire, elle, et il ne l'empêcherait pas de continuer son travail.
—Je crois que vous ne m'avez pas très bien compris, fit Corentin de Calésie alors qu'elle baissait les yeux vers sa lime à ongles. J'ai besoin de ces registres, qu'ils soient à Paris ou à Marseille, il faut me les trouver.
—Comment justifiez-vous cette urgence ?
—Je suis inspecteur de police, répéta-t-il lentement comme si la secrétaire était stupide. Les documents que je demande doivent m'être remis, c'est un ordre.
—Oui beh j'vais prévenir m'sieur le maire, il dira si c'est assez urgent pour que je mette fin à ce que j'suis en train d'faire.
Une fois de plus, la querelle intrigua l'entièreté du personnel. Ernest Volffret fit son apparition. Les deux hommes se regardèrent droit dans les yeux, très surpris de la présence de l'inspecteur au sein de la mairie. Corentin ne savait décidément pas comment réagir. Alors que son ami l'avait menacé de le renvoyer, il restait planté là, sans dire un mot, la colère totalement envolée. En tout cas, il n'avait pas oublié ce que lui avait proféré Ernest lors de sa crise de nerfs. Il comprenait ce père éploré mais de lui reparler comme ça, non, ça, ça lui resterait en travers de la gorge.
—S'il vous plaît Marguerite, retournez à votre travail. Je m'occupe de monsieur. Corentin, viens dans mon bureau, je pense qu'une discussion est plus que nécessaire.
Il l'invita à prendre un verre de vin, ce que déclina poliment l'inspecteur.
—Eh bien, qu'est-ce qui t'amène ?
—Et toi, qu'est-ce qui te fait réagir comme ça ? Tu me rabroue et me hais un jour, et tu m'apprécies comme s'il ne s'était rien passé ?
Ernest but une gorgée de vin et soupira.
—Je regrette ce que je t'ai dit et je n'avais pas envie que l'on croit qu'il y ait des tensions entre nous.
—Malheureusement, c'est le cas.
—Tu sais ce que c'est de perdre un enfant ? Non évidemment, tu n'en as pas et avec ta Françoise ça m'étonnerait que tu puisses avoir des bambins. J'ai réagi en tant qu'homme, en tant que père blessé de ne pas avoir pu défendre ma propre fille !
—Est-ce que tu crois que ça ne m'a pas fait de mal ? s'écria Corentin de Calésie. Non mais tu t'entends ? Je t'ai dit maintes et maintes de fois de surveiller tes arrières et ceux de ton épouse et tu ne m'as pas écouté.
—Qu'est-ce que tu es venu chercher ?
Éludant les reproches de son ami, le maire cherchait à reporter l'attention sur le véritable sujet de conversation.
—Il me faut les registres du village.
Le maire éclata de rire.
—Quels registres ? Il n'y en a pas ici, seulement dans les grandes villes. Bleunoie a une dizaine de naissances par mois environ, on ne voit pas pourquoi on devrait enregistrer les mômes.
Exaspéré, Corentin de Calésie sortit du bureau sans le saluer. Il récupéra Hermione Savrodec qui patientait devant le bâtiment. Il lui indiqua qu'ils se rendaient chez Madeleine de Beauloir pour l'interroger. La jeune femme sourit. Elle veillerait à ce que cette petite cour cesse.

VOUS LISEZ
Le sang du bonheur
Misterio / SuspensoBleunoie. Un village anciennement célèbre pour son magnifique ciel bleu roi devient le théâtre de meurtres macabres. Le bras droit de Satan lui-même rôderait dans les rues, épierait les jeunes femmes et les assassinerait de manière effroyable. L'arr...