Epilogue

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Le fiacre freina brutalement sur le sol mouillé. Évitant de justesse une flaque de boue, Corentin de Calésie se précipita vers la maisonnette. Hermione le retint par le bras.

—Inspecteur, il nous faut des renforts ! Si elle est armée, on a aucune chance contre elle.

—Armée ? Pff c'est un spectre comment voulez-vous qu'elle puisse se défendre ?

—Je ne plaisante pas monsieur c'est...

—Allez au diable si vous ne voulez pas m'accompagner ! s'exclama l'inspecteur en s'arrachant de la main qui tenait son bras. Je veux que cette affaire soit bouclée...

—...et que tous les lauriers soient pour vous n'est-ce pas ? Il est hors de question que vous sautiez dans la gueule du loup en vous faisant tuer ensuite. Vous êtes tellement orgueilleux que vous êtes prêts à mettre en péril la vie d'innocents !

—Faites ce que vous voulez. Restez ici et tournez-vous les pouces. Quant à moi, je compte bien régler mes comptes avec Mollie Stanger.

Ils s'approchèrent de la maisonnette. À l'intérieur, aucune lumière visible. Hermione se hissa sur le bord de la fenêtre et put voir entre les rideaux de dentelle des bougies renversées sur le sol. Une chance que le feu ne se soit pas encore déclaré, à moins que la maîtresse des lieux tente d'échapper à la fumée. En guise de précaution, elle attrapa une pelle posée contre le mur blanc. Corentin de Calésie lui fit signe de ne pas faire de bruit et donna un coup de pied dans la porte qui s'ouvrit avec fracas.

—Police ! hurla-t-il. Veuillez vous agenouiller sur le sol et jeter votre arme !

Il se dirigea vers le salon. La scène qui se déroulait devant lui manqua de lui couper le souffle. Enlacées, Mollie et Apolline se tenaient agenouillées. Apolline berçait doucement la jeune femme aux joues trempées de larmes et aux hoquets qui l'empêchaient parfois de respirer. Leurs robes étaient couvertes d'un sang pourpre, elles pataugeaient dans une mer de liquide chaud. Sur les fauteuils et sur le sol, le corps de jeunes femmes assassinées, poignardées, étranglées, la gorge tranchée. Apolline de Sauvecan demeurait calme face à l'épouvante, impassible, les yeux fermés, chuchotant une chansonnette.

Elle remarqua leur présence. Elle ouvrit lentement les yeux.

—N'intervenez pas. Je l'ai. Tout est fini maintenant.

Mollie Stanger avait repris sa véritable apparence. Une jeune femme brune aux yeux bleu acier tenant un couteau ensanglanté dans la main. Des gouttelettes de sang tombaient sur la tapisserie.

—Mollie, lâchez immédiatement ce couteau, dit calmement Corentin de Calésie. Vous nous devez la vérité. Pourquoi avoir assassiné ces femmes ?

—Inspecteur, répondit Apolline. La calmer a été un dur labeur. Je vous demande de partir.

—Vous tenez dans vos bras une dangereuse criminelle et vous croyez que je vais avaler ça ?

—Elle ne veut rien vous dire. Moi, elle m'a tout raconté.

—Mollie, lâchez ce couteau immédiatement.

La jeune femme leva la tête de la poitrine d'Apolline. Son doux visage se transforma en traits hideux, la peau rongée par la maladie, trouée de cratères énormes. Ses cheveux séchèrent comme s'ils avaient reçu une douche de sel, ses dents jaunirent et ses lèvres craquelèrent dans un bruit effroyable.

—C'est vous le petit merdeux d'inspecteur de police, fit Mollie Stanger en grimaçant. Je savais que vous alliez me mettre des bâtons dans les roues.

—Lâchez immédiatement cette arme.

—Il en est hors de question !

—Qu'est-ce qui a fait que vous en êtes arrivée là ? demanda Hermione Savrodec.

Le sang du bonheurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant