Chapitre 10

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Toute la soirée, Corentin de Calésie se mit à ruminer. Il s'en voulait d'avoir été faible face à une femme et d'avoir fini lové dans ses bras. Quel acte inadmissible pour un homme censé représenter l'ordre et la justice ! La présence de Françoise ne l'avait pas aidé à y voir plus clair. Soucieuse de son état, la jeune femme avait tenu à ce qu'il lui explique les raisons de sa mauvaise humeur. In fine, il l'avait une fois de plus remporté en sombrant dans un profond mutisme. La question principale était la suivante : comment une violente tempête, en plein milieu d'un village limousin pouvait-elle se déclarer sans que personne n'ait pu la signaler auparavant ? Corentin se mit à croire qu'il s'agissait d'un phénomène naturel mais s'il avait le malheur de le dire à Hermione, elle lui rabâcherait qu'il avait eu tort et ça, il ne pouvait le supporter.

Le lendemain matin, Françoise lisait le journal à la table de la salle à manger.

—Tout le monde est au courant pour les meurtres. Vous vous rendez compte, dans notre propre village ?

N'écoutant pas ses reproches sur l'enquête, Corentin reçut un mot du commissaire Bouleau qui lui remontait sérieusement les bretelles. Il lui narrait que des habitants de Bleunoie – qu'il ne cita pas – gagnaient d'importantes sommes d'argent pour raconter ce qu'ils avaient vu à l'église. La situation devenait incontrôlable et il ordonnait à l'inspecteur de se rendre immédiatement sur la place publique pour faire une déclaration. Se montrer, Corentin de Calésie savait faire et regagnant de sa superbe, il se prépara pour se rendre sur la place. Sa femme lui arracha le mot des mains et lut la suite.

—...si vous ne le faites pas, vous serez condamné à une peine de prison pour non représentation...

—Je suis parfaitement au courant, je vous remercie ! rétorqua Corentin.

—Que s'est-il passé dans l'église ? Y-a-t-il eu des morts ? Je vous ai vu rentrer avec une tête épouvantable. Vous me cachez quelque chose Corentin, je le sens !

Sans un mot, il se laissa vêtir de son imperméable. La journée s'annonçait très mal.

*

En se rendant dans le bourg de Bleunoie, une petite estrade de bois trônait en plein milieu de la place. Une foule monstre comme Bleunoie n'en avait jamais vu s'était attroupée pour écouter l'annonce de l'inspecteur de police. Corentin ne se sentit plus aussi assuré. Il n'était pas certain que cette intervention était nécessaire mais les habitants demandaient des explications sur les événements d'hier soir. L'image des deux cadavres dévorés lui revint en mémoire. Il eut envie de vomir. Lorsqu'il arriva, Hermione Savrodec l'emmena à l'intérieur du bureau du commissaire afin qu'il ne se fasse pas interpeller par les journalistes. Eux aussi étaient venus en masse et le cherchaient du regard.

—Ça va ? Vous êtes prêt ?

—Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée d'expliquer tout ça à la population, le commissaire fait une énorme erreur.

—Il vous attend, il est dehors. Vous ne pouvez pas rater ça, vous allez provoquer sa colère.

La jeune femme le poussa dehors. A sa vue, l'essaim de journalistes se rua sur lui, qui fut immédiatement contrôlé par les gardes qui le repoussa dans la foule. L'inspecteur souffla.

—Monsieur l'inspecteur ! Content de vous voir ici !

Tout beau dans son costume, le commissaire Bouleau souriait. Corentin crut qu'il se rendait à un bal ou au château de Versailles dans l'accoutrement dont il était paré : un costume d'un blanc immaculé, des souliers cirés et un chapeau melon qui brillait tellement que les rayons du soleil se reflétaient dessus. Il ne s'était jamais senti aussi mal à l'aise devant la tenue ostentatoire de son supérieur. Après s'être serré la main, ils montèrent tous deux sur l'estrade. Le commissaire Bouleau demanda le silence et commença à parler.

Le sang du bonheurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant