Corentin de Calésie rentra chez lui. Il crut pouvoir se détendre au coin de la cheminée mais à peine arrivé, le majordome lui fit comprendre que Madame l'attendait de pied ferme. Peu impressionné, l'inspecteur monta tranquillement les marches. Assise dos à lui en face de la cheminée, la jeune femme faisait claquer le talon sur sa chaussure contre le parquet, signe qu'elle s'impatientait. Corentin donna son pardessus et s'assit à ses côtés. Ils ne parlèrent pas jusqu'à ce qu'il épousseta une poussière invisible sur son pardessus, agaçant sa femme au passage.
-Est-ce bien vrai que vous enquêtez sur une histoire de poupées ? Je viens de recevoir une missive d'une amie qui m'indiquait que vous interrogiez Madame Correy.
-Les nouvelles vont vite à ce que je vois...
-Je ne suis pas d'humeur à plaisanter ! couina Françoise en agitant ses petits pieds. Vous rendez-vous compte de la réputation que nous nous faisons à cause de vos agissements ? je reçois des convives éplorés et qui m'ordonnent de vous raisonner. Je croyais que vous étiez un « bon inspecteur », apparemment, vous ne vous y connaissez pas.
-J'ai une autre piste.
-Bien et puis-je savoir ce que c'est pour en référer à mes amis ?
-Malheureusement, vous semblez ne pas avoir encore compris que c'est une enquête.
Corentin de Calésie se tourna vers sa femme. Que n'avait-elle pas saisi dans « enquête policière » et qu'il n'était pas autorisé à divulguer des informations confidentielles ?
-Je dois prendre congé. Je me rends au bureau.
-C'est ça ! Allez rejoindre cette gourde d'assistante, comment s'appelle-t-elle déjà ?
-Hermione Savrodec.
-Eh bien retournez-y, allez la revoir et soulevez ses jupes pendant que vous y êtes.
La jeune femme imprima une mine boudeuse et lui coula un regard doux. Corentin détestait ses yeux mouillés et sa moue faussement dissuasive.
-Moi, je serais capable de vous faire plaisir, plus qu'elle d'ailleurs.
-Veuillez m'excuser Françoise mais depuis que nous faisons chambre à part, j'ai la nette impression de marquer un certain éloignement qui m'empêcherait d'avoir envie de vous.
Et sous l'indignement de son épouse, l'inspecteur repartit.
*
Le bureau du commissaire se situait dans le bourg de Bleunoie à côté de l'épicerie et à quelques mètres de la seule auberge du village. En arrivant, Corentin crut recevoir un bon accueil mais il ne croisa pas celui de la secrétaire. Plus il avançait vers le bureau du commissaire, plus tout le monde fuyait sa présence et baissait les yeux. On s'attendait à une très forte altercation entre l'arrogant personne qu'était Monsieur de Calésie et le maître des lieux, une tête de mule qui ne se laissait pas faire. Il frappa à la porte et la referma doucement. Devant lui, le commissaire Bouleau, les mains posées sur son ventre proéminent, la moustache redressée, signe qu'il encolérait fortement.
-Asseyez-vous inspecteur.
-Oh vous savez, je suis très bien debout monsieur...
-Depuis quand est-ce que vous refusez un ordre ?
L'homme lui indiqua la chaise. Corentin obéit sans broncher. Ciel, il avait envie de s'évanouir pour échapper au massacre.
-Qu'est-ce que c'est que ces conneries d'interrogatoires sur ces infirmières ? Je viens de recevoir une missive du directeur comme quoi vous leur auriez tiré les vers du nez et d'une façon pas très délicate. Vous aviez aussi demandé à perquisitionner l'établissement mais pour qui vous prenez vous Calésie ? Pour le commandant de bord ? Il va de soi que je ne quitterai pas mon poste dans l'immédiat et je compte bien y rester.

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Le sang du bonheur
Mystery / ThrillerBleunoie. Un village anciennement célèbre pour son magnifique ciel bleu roi devient le théâtre de meurtres macabres. Le bras droit de Satan lui-même rôderait dans les rues, épierait les jeunes femmes et les assassinerait de manière effroyable. L'arr...