Hermione Savrodec décida de rendre visite aux prostituées dans la matinée. Sa mère ayant été elle-même une prostituée pour subvenir aux besoins de la famille, elle connaissait leurs habitudes de travail malgré le fait qu'elles soient mieux considérées et payées plus chères que des filles de joie lambdas.
A onze heures, elle partit pour la maison close. Le temps était particulièrement froid et le vent avait recommencé ses caprices. Les bourrasques traversaient les pans du gilet de la jeune femme et la faisaient frissonner. Elle attraperait sans doute un flux de poitrine et l'inspecteur de police lui reprocherait d'être imprudente et immature. Depuis qu'elle travaillait avec lui, elle ne lui avait pas tellement trouver de qualités. Arrogant, misogyne, un tantinet supérieur aux autres, il reflétait l'image de l'homme qui avait réussi, enfin...pas tout à fait. Lorsqu'elle avait eu affaire à sa femme Françoise, Hermione avait été étonnée du manque de goût de Corentin de Calésie. Lui pourtant si maniaque et gentilhomme, il avait préféré une femme ronde, mal élevée aux allures de matrone. Elle pensait que les deux jeunes gens n'avaient malheureusement pas fait le choix de leur partenaire et elle les plaignait. Françoise pour avoir un mari peu attentionné et routinier, et Corentin pour une femme pas très élégante et au vocabulaire de charretier.
Elle se dit qu'elle avait de la chance d'être encore seule et de ne pas avoir de responsabilités. Son enfance avait été marquée par une mère infidèle et un père doux mais très souvent absent. Elle était l'aînée de six enfants et quand elle avait pu s'enfuir de ce carcan familial, elle avait d'abord travaillé comme bonne puis économisé de l'argent pour s'acheter un petit appartement. Jamais Hermione ne pensait se retrouver à Bleunoie, petit village qui lui plaisait bien sous certains aspects. Elle demeurait plutôt fière de ce poste qu'elle avait acquise avec détermination.
Elle se dépêcha de rentrer dans la maison close. Une violente odeur de parfum la saisit, si bien qu'elle éternua violemment. Un petit groupe de femmes l'observa et lui proposa d'approcher. Elles savaient pour la mort d'Amélie et étaient à la disposition de la police pour des interrogatoires ou autre. Comme elles n'avaient pas encore de clients, elles l'emmenèrent dans un salon embué de la fumée de cigarette. Hermione Savrodec admira la volonté de ces femmes de s'en sortir et de se masculiniser. Quand elles n'étaient pas en jupe, elles enfilaient des pantalons en coton comme ceux des hommes. Elles clamaient que c'était les vêtements les plus confortables pour se détendre avant la prochaine passe. Puis, sans qu'Hermione ne les questionne, les filles commencèrent à parler d'Amélie dont une qui se prénommait Axelle. Âgée de vingt-trois ans, c'était une belle jeune femme, brune et bien formée.
-Quand on s'est rencontrées, on était encore gamines, dit-elle.
Elle avait une voix rauque et fumait la cigarette en tirant lentement chaque bouffée.
-J'suis arrivée ici, j'avais quatorze ans. Mon père, ce salaud me donnait à ses amis pour que je leur fasse...enfin, vous voyez quoi. Finalement, j'me suis cassée, j'en avais marre des clodos et de leurs vieilles bites molles. C'est trop difficile de les faire lever.
Les filles autour d'elle ricanèrent. Hermione eut un sourire gêné et pensa secrètement à la face choquée de l'inspecteur s'il avait entendu ces mots d'un vocabulaire plutôt cru. Seule Axelle semblait connaître un peu plus la vie de la victime. Alors que les autres prostituées avaient des clients, les deux jeunes femmes restèrent seules.
-Vous voulez que j'ouvre la fenêtre ? demanda Axelle. Une femme qui n'aime pas la cigarette, ça se voit.
Elle se leva et ouvrit les deux battants. Un vent glacé pénétra dans la pièce et fit trembler les bibelots pendant un court instant.
-Vous étiez proches avec Amélie ?
-On se confiait des choses. J'ai eu une enfance pourrie moi aussi. Elle ne parlait pas beaucoup d'elle et c'était bien la seule à ne pas se plaindre ! Toutes les filles que vous avez vu viennent pleurer dans les jupes de M'sieur Poulally en disant qu'elles ne sont pas assez payées. Amélie avait l'art de satisfaire, elle gagnait plus. Je sais juste qu'elle a été abusée par son père et par d'autres hommes mais lesquels, j'pourrais pas vous dire.
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Le sang du bonheur
Mystery / ThrillerBleunoie. Un village anciennement célèbre pour son magnifique ciel bleu roi devient le théâtre de meurtres macabres. Le bras droit de Satan lui-même rôderait dans les rues, épierait les jeunes femmes et les assassinerait de manière effroyable. L'arr...