Chapitre 8

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Corentin de Calésie attendait Hermione Savrodec depuis cinq minutes. Irrité par le manque de sérieux de la jeune femme, il s'était décidé de l'attendre dans son bureau, une occasion réjouissante pour lui remonter encore une fois les bretelles. Depuis l'âge de cinq ans, il n'avait jamais eu aucun retard et on lui reprochait souvent d'être trop ponctuel. Pourquoi fallait-il que les femmes soient plus lentes que les hommes ? se demandait sans cesse Corentin. Ah oui, se pimplocher, s'habiller, choisir sa tenue requérait du temps. Lui, il préparait ses vêtements la veille afin de ne pas faire attendre ses amis.

Le pied à peine sorti de la voiture, le secrétaire du commissaire se précipita vers lui.

-Monsieur, monsieur, oh mon dieu, c'est horrible !

-Calmez-vous mon cher, inspirez profondément et racontez-moi.

L'homme d'une trentaine d'années obéit à la consigne et lui déblatéra une terrible nouvelle.

-Vous devez absolument vous rendre à la maison close « La Belle Coquette » ! On nous a signalé un meurtre...

Incapable de connaître son état d'esprit actuel, Corentin remercia le bonhomme et s'engouffra dans le fiacre qui démarra en trombe. Tant pis pour Hermione, elle le rejoindrait là-bas.

*

Jamais l'inspecteur n'avait pénétré dans une maison close. L'odeur rance de transpiration, de sexes excités et de ces hommes et femmes réunis dans le manque...Il fallait payer des sommes folles pour s'octroyer les services de ces prostituées. Il n'ignorait pas qu'il y avait une maison close clandestine au sein du village – qui ne faisait pas tâche d'ailleurs – et que pas mal d'habitants venaient fréquenter des jeunes filles. Corentin ne les plaignait pas. C'était à elles de se créer une situation stable, de se forger une éducation au lieu de moisir en ces lieux hostiles.

Il passa entre les femmes à moitié dévêtues et affolées, monta les étroits escaliers qui menaient aux chambres. Personne n'avait encore remarqué sa présence à cause du brouhaha qui régnait dans la maison close. On criait, s'exclamait en s'attroupant près de la chambre de la défunte. Corentin de Calésie leur ordonna de partir, que c'était une scène de crime. Mécontent, il cria au groupe de curieuses de s'éloigner et de se mettre quelque chose sur le dos au lieu de jacasser. Il entra dans la chambre. L'espace était spacieux, décoré au goût de la prostituée. Dans un coin, la coiffeuse couverte de matériel de maquillage puis le lit deux places qui prenait mal d'espace. La seule fenêtre donnait sur un cul-de-sac et il y avait bien cinq mètres qui la séparait du sol. L'inspecteur serra la main du médecin légiste occupé à observer la scène de crime. Le corps de la jeune fille reposait sur le lit dans une position bizarre, les jambes tordues, la bouche et les yeux ouverts comme si elle avait subi un choc. Un liquide blanchâtre avait coulé de ses lèvres mais ne s'était pas répandu sur le reste du corps. Aucune trace de sang n'était visible.

-Alors docteur, que pouvez-vous me dire ?

-Cette jeune femme a subi un calvaire. On lui administré un poison mais lequel, je ne saurais vous le dire. Du cyanure peut-être vu les lèvres bleues et la mousse qui est ressortie de ses lèvres.

Corentin se sentit soudainement épié. En effet, à l'entrée de la chambre, patientait un homme aux allures peu scrupuleuses. Il portait une chemise dont la couleur tournait plus au marron qu'au blanc, des chaussures usées et un pantalon froissé. Coiffé d'un chapeau melon, il fumait la pipe et tentait de se faire discret mais c'était peine perdue, l'inspecteur le tira dans un coin afin de lui demander ce qu'il fichait ici.

-J'suis le propriétaire des lieux, vous allez pas me dire c'que je dois faire, si ?

-Excusez-moi, monsieur... ?

Le sang du bonheurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant