Chapitre 11

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Le lendemain de son entrevue avec Ernest, l'inspecteur de police eut la surprise de recevoir une missive de madame Volffret. Cette dernière vantait le sérieux du garde et son professionnalisme envers sa fille. Elle le remerciait d'avoir conseillé son mari et le suppliait de venir dîner lorsqu'il serait disponible. Ce jour n'arriverait probablement pas, Corentin détestait trimbaler sa femme dans les fêtes mondaines. Il en avait assez vu. Il répondit à madame Volffret qu'elle devait faire attention à chaque petit détail de la part du garde et de l'avertir dans l'immédiat si quelque chose d'anormal se produisait.

Françoise ne lui posa de questions sur le déroulement de l'enquête et cela le rassura. Il lui proposa d'aller faire un tour à l'église pour regarder la rénovation et rendre hommage aux victimes. Il dut se faire violence car il détestait prier et pleurer. Une fois sa femme prête, ils s'y rendirent en fiacre.

*

Corentin de Calésie et Françoise n'avaient jamais vu autant de monde dans un si petit cimetière. Une foule de personnes s'amassait autour des modestes cercueils des victimes de l'église. On oublierait certainement pas ce jour. Les sœurs de Pérille étaient venues rendre hommage à leur compagne disparue et tenaient absolument à ce que le corps leur soit rendu. On ne leur avait pas objection. Le maire de Volffret et sa femme étaient présents dans des tenues sobres et élégantes. Des élus, des proches en petits groupes chuchotaient. Les femmes sanglotaient dans un mouchoir en soie ou en tissu. Je ne dois pas craquer, pas aujourd'hui, se dit Corentin. Cette scène lui était insupportable. Il se rapprocha d'Ernest Volffret et de sa compagne.

—Quelle triste journée, fit le maire.

Une cigarette au bec, il toisa le ciel. Pour accompagner la tristesse des hommes, les nuages versaient eux aussi leurs larmes. Un silence pesant s'installa entre le quatuor. Françoise prit le bras de madame Volffret et toutes les deux se rapprochèrent des corps, laissant leurs maris discuter affaires.

—Éloignons-nous veux-tu ? Je ne supporte pas d'être mêlé à la foule.

Ils se mirent un peu en retrait. Hermione Savrodec se joignit à eux et salua Ernest Volffret. Pendant que le prêtre venu d'un village voisin bénissait les corps, le trio discuta à voix basse.

—Cet événement ne doit pas se reproduire, dit Ernest Volffret. Il y a déjà eu trop de morts. Les habitants ont le cœur brisé en voyant son église détruire. Y-a-t 'il une explication rationnelle à tout cela ?

—Je crains ne pas pouvoir te répondre. Je te promets que nous retrouvons celle qui a fait ça.

Pas très satisfait de la réponse, le maire s'éloigna pour rejoindre son épouse.

—Gardez un œil sur tout ce qui se passe, ordonna Corentin à son assistante. Gestes, mimiques, déplacements suspects, rien ne doit être laissé au hasard, est-ce que je me suis bien fait comprendre ?

—Oui monsieur.

A ce moment-là, Françoise s'approcha. Elle venait pour s'éloigner de la puanteur des bouseux. Si ça continuait, l'odeur allait s'incruster dans ses vêtements et elle ne pourrait plus les porter. Lorsqu'elle vit Hermione Savrodec aux côtés de son mari, elle ne put s'empêcher de dire :

—Ah, vous ici ?

—Toujours présente madame.

—Pas maintenant, dit Corentin.

On bénissait les corps. D'abord, celui de père Jacques qui avait servi plus de quarante ans le petit village de Bleunoie et qui avait largement rempli ses fonctions de curé. Combien de secrets inavouables emportait-il dans sa tombe ? Avait-il eu une femme dans sa modeste vie ? Puis celui de sœur Marie à la vie fracassée par une famille elle-même brisée, mais qui avait réussi à trouver la paix à travers Dieu. Puis les cercueils furent transportés à l'aide de cordes dans les fosses creusées au préalable. Un concert de cris et de pleurs débuta pour les pleureuses. Corentin de Calésie leva les yeux au ciel. Ah qu'il détestait quand ces bonnes femmes exécutaient cette comédie tragique ! Même sa femme, pauvre être sensible pleurait comme une madeleine.

Le sang du bonheurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant