quinze.

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MARS 2022


Nina avait passé la journée assise sur les marches de la terrasse en bois de la grande maison qu'elle partageait avec ses colocataires. Elle avait le regard dans le vide, quelques larmes avaient séchées sur ses joues. Ses yeux étaient rouges et sa tête allait exploser. Elle avait envie de se blottir dans le fond de son lit, sous sa grosse couette, et ne plus en sortir. Pourtant, elle n'arriva pas à se résigner à se lever. Elle entendit du bruit derrière elle. L'espace d'un instant, elle cru que c'était Joe qui la rejoignait. Il allait sûrement lui lécher l'oreille et poser sa tête au museau allongé sur ses genoux. Elle secoua la tête quand elle se rendit compte de sa bêtise. Joe ne risquait pas de la rejoindre car il était décédé au petit matin, après une nuit difficile. La blonde était restée près de lui pendant de longues heures, jusqu'à son dernier soupir. Depuis, elle n'avait pas quitté les marches de cette terrasse. Elle avait le cœur brisé et l'estomac noué.


Joe allait lui manquer, indéniablement. Les balades tôt le matin ou tard le soir, les heures passées à jouer avec lui dans le jardin, sa présence au pied de son lit tous les soirs. Le berger allemand, depuis presque cinq ans, faisait partie intégrante de sa vie. Elle s'était tellement attachée à ce chien, sa présence rassurante, son calme légendaire. Evidemment, Joe la ramenait aussi à tout ce qu'elle avait perdu, Otto, Marseille, Julien. Mais c'était aussi pour ça qu'elle aimait autant ce chien, c'était comme le dernier lien qui existait avec sa vie marseillaise. Thomas avait essayé de la réconforter.


— Dis-toi qu'il a rejoint Otto, ça doit être le plus heureux des chiens.


Nina avait esquissé un sourire et avait essayé d'imaginer les retrouvailles entre le vieux chien et Otto. Son ami aurait surement dit quelque chose du genre:


— Alors vieux sac à puce, c'est maintenant qu'on arrive ? Tu t'es accroché hein, vieux loup !


Et Joe aurait assurément sauté de joie pendant des heures, fait le tour d'Otto une bonne centaine de fois et remué la queue à toute vitesse. Mais les larmes de la blonde n'avaient pas tardé à couler de nouveau. Théo lui avait alors apporté une grande assiette avec une énorme part de lasagne. Il savait que c'était le plat préféré de sa coloc et il espérait lui donner un peu de réconfort. Mais elle n'y avait pas touché, son estomac était trop noué pour avaler quoi que ce soit. Alors il avait repris l'assiette et les lasagnes froides et avait déposé un bisous sur le crâne de son amie, démuni devant sa peine.


La blonde fut parcouru d'un long frisson. Elle commença à se dire qu'elle ne pouvait pas rester sur ses marches plus longtemps quand un parfum arriva jusqu'à elle. Son cœur s'emballa. Ses mains devinrent moites. Elle devait encore rêver, ça ne pouvait pas être lui. Pourtant, elle sentit une présence derrière elle. Elle se tourna brusquement vers la baie vitrée qui donnait accès à la maison. Il était là, l'épaule posée sur l'encadrure de la grande fenêtre. Julien. Il affichait un air triste mais aussi perplexe. Il avait l'air de ne pas savoir vraiment ce qu'il faisait là. Mais il était venu. Quand Thomas avait pris contact avec lui la nuit dernière pour lui dire que ce putain de Joe était en train de passer l'arme à gauche et que Nina était triste et bouleversée, il n'avait pas eu à réfléchir longtemps avant de changer ses plans et prendre la direction de Toulouse. Le rappeur avança de quelques pas et vint s'assoir près de la jeune-femme. Elle le regardait toujours, surprise et presque choquée de le voir là. Il attrapa sa main qui était posée sur sa cuisse et embrassa le bout de ses doigts. Nina se sentit malgré elle, plus légère et moins triste. Elle ne le lâcha pas du regard et posa la question lui brûlait les lèvres:


— Qu'est-ce que tu fais là Julien ?


Le rappeur arbora un léger sourire, presque timide. La question le perturba un peu, il n'arrivait pas à lire dans les yeux verts de la blonde si elle était heureuse ou pas de le voir. C'est vrai qu'il n'avait pas respecté le deal, mais en même temps, quelle idée de merde. Il pensait à elle tellement souvent, il avait envie de l'avoir près de lui à chaque instant. Il était malade de la savoir triste et de ne rien faire. Voilà pourquoi il était là. Et en même temps, c'était la raison parfaite pour reprendre contact avec elle. Une nouvelle fois.

Et cette fois, il ne laisserait pas leurs chemins se séparer de nouveau.



Cœur de mômeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant