Chapitre VII

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Le silence dans la chaumière s’étendit après les révélations de Dalir. Tous les regards étaient tournés vers Denzal, figé sur sa chaise avec une expression neutre qui ne laissait pas deviner la tempête qui agitait ses pensées.
Il n’était pas un elfe. Il ne l’avait jamais été. Son père lui avait menti toute sa vie. Une colère sourde monta en lui. Toutes ces années où il s’était senti différent, inutile, où il avait souffert des moqueries et des regards des autres villageois… Tout cela à cause du mensonge de son père. Une boule se forma dans sa gorge, l’empêchant presque de respirer. Sa jambe commença à s’agiter nerveusement, alors que tous les souvenirs de brimades affluaient dans son esprit.

— Pourquoi, finit-il par demander d’une voix étranglée, pourquoi tu m’as caché ça ?
— Parce que… tu n’as pas à avoir ce poids sur les épaules, Denzal…
— Je me suis senti… inutile… et tout le monde m’a regardé étrangement pendant des années… à cause de ta décision…
— Denzal, c’était pour te protéger. Nounaïa se serait déchirée, beaucoup auraient essayé de te tuer et d’autres de t’utiliser pour tes pouvoirs… Tu n’as pas à prendre la décision de sauver ou de détruire ce continent. La Fôret Sacrée était le seul endroit assez éloigné de Nounaïa où je pouvais nous cacher et m’assurer que personne ne te fasse de mal.
— C’est loupé, s’écria soudainement Denzal en se redressant.

Ses poings étaient serrés au point que ses jointure s’étaient éclaircies et ses yeux brillaient de fureur et de tristesse mêlée. Le mensonge était dur à avaler, même s’il pouvait comprendre les raisons qui avaient poussé Dalir à faire tout ça. Pourtant, il ne pouvait s’empêcher de se sentir en colère. Toute sa vie, il avait cherché un but, à savoir qui il était vraiment, et ces questions lui avaient torturé l’esprit. Quand il s’était confié à son père, ce dernier ne lui avait rien dit, ne lui avait pas avoué la vérité pour apaiser ses tourments, et malgré son souhait de le protéger il avait échoué. Il n’avait pas su le protéger contre lui-même.

— Je voulais juste des réponses, papa… et toi… tu les avais… pendant tout ce temps…

Dalir baissa la tête. Il avait encaissé les reproches de son fils sans rien dire, parce qu’il savait qu’ils étaient fondés. Il serra les dents, se rappelant de la menace imminente qui pesaient sur eux. Il inspira profondément, tenta de reprendre ses esprits. Il avait déjà un plan et il allait devoir le mettre en place au plus vite.

— Je suis désolé, Denzal. Je n’ai pas été le meilleur des pères, et j’ai fait des erreurs. Mes mensonges t’ont blessé. Mais je t’aime, fils. Alors je vais te protéger de ces Dragons, et on en rediscutera ensemble ensuite. D’accord ?

Denzal marqua une hésitation, avant d’observer les autres personnes dans la chaumière. Alessia s'était approchée de lui pour poser la main sur son épaule et un sourire rassurant ornait son visage aux joues rondes, lui signifiant que tout irait bien. Zale et Merrigan étaient toujours dans leur coin de la pièce, près de la table où était allongé leur ami blessé mais leur expression étaient plus fermées que celle de son amie et il pouvait y lire une certaine crainte du danger à venir. Son regard se posa enfin sur Seelay, et la brûlure que son père avait délaissée après son coup de colère. L'Aegirien avait un visage neutre, comme si son existence ne lui faisait ni chaud ni froid, mais il avait fini par lâcher son sabre.

— C’est d’accord, finit-il par céder, comment tu comptes faire contre ces Dragons ?
— Pour le moment, j’aurais besoin que Alessia surveille l'avancée des villageois. Pendant ce temps, nous allons finir de soigner cette jeune personne et de préparer nos affaires.

Denzal hocha la tête et tous se mirent en mouvement, obéissant aux consignes du Mage. Alessia posa la main sur le sol en bois de la chaumière. Comme toutes les maisons d'elfes, cette dernière avait été construite au-dessus d'un vaste réseau de racine et elle s'en servir pour projeter son esprit dans les arbres qui entouraient le village. L'exercice lui pris un peu plus de temps qu'habituellement car elle était encore sous le choc. Mais elle avait choisi de faire confiance à Dalir. Elle savait que son peuple était intolérant et que s'il voulait protéger Denzal, il n'avait pas eu d'autres choix. Elle inspira profondément et se concentra. Elle aiderait son meilleur ami à fuir, et elle le suivrait n'importe où, parce qu'elle n'était de toute façon pas la bienvenue ici.
Elle réussit enfin à se connecter à un arbre proche de la place du village. Elle y vit les elfes en train de préparer leurs armes, alors que le chef leur expliquait leur plan d'attaque. Elle observait la scène, l'estomac serré. Elle détestait vraiment son peuple.

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La petite barque accosta sur la plage et le Dragon en descendit, suivi de ses soldats. Vêtu d’un ample pantalon noir, retenu à la taille par une ceinture de tissu de la même couleur, et d’une veste de kimono rouge aux motifs dorés, le Lieutenant n’avait pas pris la peine de revetir les éléments de son armure. Il le trouvait trop encombrante de toute façon. Seul le fourreau de son sabre, sur lequel était gravé des camélias dans les pétales desquels se cachait une délicate vague, tapait son flanc au rythme régulier de son pas alors qu’il s’approchait du deux mâts abandonné sur la baie. La coque était brûlée et il dut retenir une grimace en observant son œuvre. Derrière lui, il entendait ses hommes investiguer autour des traces d’un feu de camp éteint depuis peu de temps.

— Lieutenant, les traces de pas nous mènent vers les hauteurs de l’île.
— Très bien. Cette île ne semble pas habitée, je dois pouvoir les attraper seul.
— Vous êtes sûr de vous, Lieutenant ?
— Parfaitement. Continuez vos recherches ici. Je vous enverrai un signal quand je les aurai trouvés.

Son second hocha la tête et après un salut militaire, il lança les ordres aux autres soldats. Le Dragon posa ses yeux rouges sur le petit chemin qui montait la falaise et retient un soupir de soulagement. Son petit coup d'éclat en attaquant le navire des pirates lui avait valu la confiance des hommes de l'Empereur. Assez en tout cas pour qu'il puisse explorer l'île seul. Il allait retrouver Seelay et lui faire lui-même la peau, il se l'était promis.

L'Espoir de Nounaïa : Denzal (T1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant