Chapitre XIII

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Le reste de la journée se déroula calmement. Chacun préparait le départ, qui avait été fixé le lendemain matin à l'aube pour leur laisser le temps de se reposer. Seelay avait pris les commandes du petit groupe, sans que personne ne proteste son autorité, et il avait assigné une tâche à chacun pendant qu'il discutait des détails de leur voyage avec Delaram. C'est ainsi que Adel avait dû aider Denzal et Merrigan à trouver des vêtements adaptés à la traversée du Désert ; que Bian, après moultes grognements agacés, avait été chargé de leur procurer des armes adaptées ; et que Alessia s'était retrouvée avec Zale à ranger des vivres dans des sacs. 
La jeune elfe lança un regard en coin à sa coéquipière, qui glissait des fruits secs dans un petit sachet pour les conserver. Ses gestes étaient empreints d'une grâce saisissante, sûrement due au calme avec lequel elle les exécutait. Ses écailles marines jouaient avec les rayons du soleil qui entraient dans la maison, créant des reflets hypnotisants sur ses bras à chaque mouvement. Elle avait d'ailleurs troqué sa chemise de coton contre les justaucorps en tissus léger que portaient les Mages et qui ne couvraient que le haut du torse afin de ne pas avoir trop chaud, ce qui révélait son ventre plat aux fins abdominaux. Elle était réellement magnifique.
Alessia sentit sa peau la chauffer. Elle bénit mentalement sa carnation sombre, qui masquait les rougeurs, et détourna le regard avant de paraître suspecte. La dernière chose qu'elle voulait, c'était bien être surprise en train de dévisager la belle Aegirienne à ses côtés.
Ce n'était pas la première fois que son regard s'arrêtait sur une demoiselle. C'était d'ailleurs quelque chose de très accepté au village, puisque les elfes naissaient des bourgeons de l'Arbre Sacré à la suite d'une union charnelle, peu importe le sexe ou le genre des parents. Cela dit, elle n'avait jamais osé sauter le pas, parce que les villageois ne se retenaient pas de lui faire remarquer que ses rondeurs étaient disgracieuses. Alors elle s'imaginait mal attirer l'attention de Zale, si belle et si gracieuse, avec ce corps qui avait été moqué depuis tant d'années. Elle soupira longuement à cette pensée tout en ajoutant un petit paquet de viande séchée dans un des baluchons.
L'attention de la pirate fut attirée par son soupir. Elle pencha la tête dans sa direction mais Alessia ne la remarqua pas, trop occupée à essayer de faire autre chose que la regarder. Elle était adorable avec ses joues légèrement rouges. Ses yeux tombèrent sur ses lèvres pulpeuses et elle sourit alors qu'une idée lui traversait l'esprit.

— Alessia, tu veux goûter ?

Alessia releva vivement la tête, surprise. Elle ne s'attendait pas à ce que l'Aegirienne lui adresse la parole. Zale la regardait avec un sourire amusé, un petit fruit sec dans les mains. Ses yeux presque translucides la transperçaient comme s'ils pouvaient lire en elle. Elle sentit ses joues rougir à nouveau, sans qu'elle ne puisse rien contrôler, et la guerrière en elle disparut dans un coin pour la planter là, bouche à moitié ouverte, sans savoir quoi répondre. 
Zale rigola. C'était un son léger, doux comme la caresse des vagues sur le sable. Elle posa le fruit sur ses lèvres, le poussant un peu pour qu'elle l'avale. Elle croqua dedans, hypnotisée par le visage qui était penché sur le sien. Les doigts de Zale caressèrent doucement sa joue avant de chuchoter, les yeux plantés dans les siens :

— Je parlais du fruit… mais nous avons un long voyage, alors peut-être que tu pourras goûter mes lèvres plus tard…

Elle se leva sur ses mots et embarqua le sac qu'elle avait fini de remplir, laissant l'elfe plantée là, les joues rouges et le souffle court avec l'affreuse envie de découvrir le goût de la bouche qui lui avait murmuré ses mots. La pirate sourit largement en sortant à l'extérieur. Elle adorait déjà Alessia.

~~~

— Sois prudent, Adel… 

Blottit dans l’étreinte de Delaram, le Mage hocha la tête. Il tentait de ne rien laisser paraître pour ne pas inquiéter sa mère, mais sa gorge s’était de plus en plus serrée à mesure que le départ approchait. Il serra plus étroitement le corps de la petite femme entre ses bras, et enfonça le nez dans son cou pour se gorger de son odeur. Il était effrayé à l’idée de quitter tout ce qu’il connaissait, mais il était un des seuls à pouvoir faire le voyage jusqu’à la Faille et revenir en se téléportant sans perdre la totalité de sa magie. Et comme il l’avait expliqué, Denzal aurait besoin de quelqu’un pour lui apprendre à utiliser ses pouvoirs. 
Il se redressa et renifla, détournant le regard pour ne pas avoir à croiser celui de sa mère. Delaram s’amusa de cette réaction et lui pinça affectueusement la joue avant de poser la main sur son cœur, où se trouvait le tatouage que Adel lui avait dessiné avec sa magie, et sur celui de son fils qui en avait l’exact réplique avec la magie de sa mère. Il se consola de ce geste, se disant qu’il pourrait toujours se rassurer en le regardant, et elle lui adressa un sourire affectueux avant d’embrasser une dernière fois son front. Elle se tourna ensuite vers le reste de la petite troupe, emmitouflés dans les capes et les keffiehs que la Tribu leur avait fournies pour se protéger du vent du Désert. 

— Je vous souhaite bon voyage. Puisse les Dieux vous protéger. Denzal, sois assuré que ma Tribu ne parlera de toi à personne, puisque cela semble être la volonté de mon frère. Toutefois, ce ne sera sûrement pas le cas ailleurs. Alors veille à bien te cacher, mon petit. Adel t’apprendra tout ça. 
— Merci pour votre aide, Delaram… 
— Tu n’as pas à me remercier, c’est normal d’aider quelqu’un de la Tribu. Retrouve ton père, c’est tout ce que je te souhaite. 

Denzal hocha la tête avec un léger sourire et la cheffe lui répondit avec tendresse. 

— N’oubliez pas de veiller les uns sur les autres, poursuivit-elle. 

Elle embrassa une dernière fois le front de son fils avant de reculer de quelques pas. Adel attrapa un des sacs de vivres et le chargea sur son épaule puis s’avança vers Denzal. Il lança un dernier regard en arrière, fit un mouvement de tête en guise de salut, et commença à marcher vers la sortie du petit village. 

Le voyage pouvait commencer.

L'Espoir de Nounaïa : Denzal (T1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant