Chapitre XVI

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Denzal fut réveillé par le claquement du vent contre la tente. Ce n’était pas un bruit habituel puisque le Désert était normalement silencieux, en dehors des sons des animaux. Il remarqua bien vite qu’il n’était pas le seul à s’être réveillé. Adel revenait de l’extérieur, une moue inquiète sur le visage. Quand il remarqua que son cousin était debout, il lui adressa un regard désolé en expliquant :

— Il semble qu’une tempête de sable se prépare. On va devoir rester à l’abri dans la tente le temps qu’elle passe.
— On a pas d’autres choix ?

Adel tourna négativement la tête avant de s’asseoir en face de lui. Le sang-mêlé posa une main sur son poignet et inspira profondément pour ne pas laisser la déception l’envahir. C’était Adel qui connaissait le mieux le Désert, alors il devait lui faire confiance. Il sentit la main de son aîné lui presser l’épaule en signe de son soutien.

— Combien de temps va-t-elle durer ?
— Je ne sais pas. J’espère qu’elle sera passée d’ici demain.
— Je réveille les autres pour les prévenir.
— Pas la peine. Tout le monde est épuisé. Vois le positif, on repartira reposé et on avancera sûrement un peu plus rapidement.

Denzal opina. Adel lui conseilla de retourner dormir mais il n’en avait plus envie. Il aurait aimé sortir prendre l’air mais cela ne semblait pas être une excellente idée quand il entendait le bruit venant de l’extérieur. Il soupira et regarda ses mains. Il n’avait pas grand-chose à faire pour s’occuper, à part tenter de réveiller ses pouvoirs de Mage. Son cousin haussa un sourcil en le voyant faire et pencha légèrement la tête.

— Tu préfères t’entraîner ?
— Je n’ai pas envie de retourner dormir. Je vais essayer de faire comme toi ce matin.
— D’accord. Mais n’oublie pas, on a chacun notre manière d’imager notre magie. Tu dois trouver la tienne.

Denzal hocha la tête, sans oser lui dire qu’il savait parfaitement voir la magie et qu’elle ne consistait pas juste en une image abstraite. Il inspira profondément et se concentra. Il devait imaginer les particules dorées former une dague dans sa main. Il se concentra sur cette idée. D’abord, il lui fallait visualiser les paillettes. Les ressentir en lui. Sentir sa magie, entre les battements de son cœur et les fourmillements de ses muscles, dans le flux de sa respiration. Il ferma les yeux pour essayer de l’atteindre plus facilement.
Et les rouvrit subitement.
Adel le détailla avec inquiétude. Il déglutit, hésitant. Il ne savait pas s’il était bon de révéler au Mage ce qu’il avait ressenti en essayant d’atteindre sa magie. 
Parce que sa magie était bien là. Mais elle n’avait pas la beauté de la magie de Adel, ni la chaleur de celle de son père. Elle était cachée sous quelque chose de sombre, froid, inquiétant. Effrayant et destructeur. C’était une boule de rancœur. La rancœur qu’il avait emmagasinée en lui pendant de si longues années, celle qu’il avait ressenti à chaque échec, à chaque brimade, à chaque moquerie. Cette rancœur avait fini par contaminer sa magie, par en voler l’éclat doré.

— Denzal, tout va bien, le questionna Adel en voyant qu’il restait figé avec un air effrayé sur le visage.
— Je crois… j’ai senti quelque chose.
— C’est une excellente nouvelle ! Pourquoi tu fais cette expression ? Tu vas voir, plus tu te familiarisera avec cette sensation, plus ce sera simple de la sentir et tu pourras bientôt lancer des sorts !
— Je… Oui, tu as raison…

Un maigre sourire se dessina sur ses lèvres alors qu’il tentait vainement de se laisser gagner par l’enthousiasme de son cousin. Après tout, il avait raison. Il lui suffisait de prendre le bon dans sa magie et d’ignorer toute la noirceur qui l’entourait. Il ferma les yeux et essaya de se concentrer à nouveau. Il voulut tirer assez de paillettes dorées pour former une dague, écartant difficilement la chose froide qui était collée à elles. Il eut un léger instant de doute, avant de lancer son sort. S’il échouait, Adel se moquerait-il de lui ?
À peine cette pensée l’eut-elle effleuré qu’il sentit la noirceur reprendre le dessus, étouffer les paillettes dorées. Elle rugissait avec fureur, lui ordonnait de la laisser se défouler. Il rouvrit les yeux avec une inspiration paniquée, sans lancer le sort. Il ne pouvait se résoudre à laisser qu’un petit peu de cette rage sortir. La phrase de Delaram tournait en boucle dans son esprit. Il pourrait détruire Nounaïa. Et cela prenait tout son sens, maintenant.

— Ce n’est pas grave si tu n’arrives pas à lancer de sort maintenant, Den’, le rassura Adel quand il croisa son regard, c’est déjà génial que tu puisses enfin la sentir.
— Mm… Je… Je vais aller me recoucher…
— Tu es épuisé rien qu’avec ça ? Tu n’es pas au bout de tes peines, se moqua son cousin.

Denzal tenta de rigoler avec lui mais le cœur n’y était pas. Il retourna à sa couchette et s’enfonça sous les couvertures, paniqué. Un monstre sommeillait en lui, prêt à tout détruire.

Lui qui avait toujours rêvé d’avoir un don quand il était chez les elfes, il ne savait plus si c’était une aussi bonne idée désormais.

L'Espoir de Nounaïa : Denzal (T1)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant