ECLAIRÉ

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Il n'a pas mytho, son sandwich imbattable était incroyable. Je n'aurai jamais pensé apprécier le pain avoine et miel et pourtant c'est indécent comme c'est bon.

J'étais la seule à manger sur le chemin. Il n'a rien pris et me posait trente mille questions alors je n'osais même pas croquer de trop grosse bouchée de mon sandwich parce qu'ici on parle pas la bouche pleine à craquer.
C'était de la torture. Mais d'un autre côté c'était kiffant cette façon qu'il a eu de s'intéresser à moi.

On doit être quinze à tout casser dans le Palais de Tokyo. C'est grand. Gigantesque. Haut sous plafond. L'extérieur aux apparences d'un temple grec ne se confond même pas avec la nuit grâce aux lampions tout autour. C'est stylé le reflet des lumières dans l'eau des fontaines. Je ne m'y étais jamais rendue de nuit. Pourtant, tout le monde peut se douter que j'écume les musées et les expos donc j'aurai pu en avoir eu l'occasion. Là, je me rends compte que ça a une toute autre saveur. Surtout avec lui. Il a toujours une petite observation ou réflexion à faire sur les œuvres qui s'offrent à nous.

— regarde, ce peintre là, il est grec. J'ai déjà été à l'une de ses expos avec ma miff à Corinthe. Il peint à la spatule, c'est beaucoup trop stylé les lignes tranchantes démunies de couleur que ça donne au milieu là, me pointe-t-il du doigt la toile

— de fou on dirait des griffures de lion. Par contre t'as été en Grèce, t'es chanceux ! T'as dû kiffer !

— ouais, ça fait partie de moi la Grèce hein.

Je ne sais pas s'il a fait un jeu de mot par rapport au mot « graisse » ou s'il fait référence à autre chose mais il a rigolé.

— t'as déjà voyagé autre part ?

— ouep. Mais toujours en Europe. Mes darons sont pas pétés de thune mais on économisait pour les voyages. Ça partait avec un sac-à-dos tels des globe-trotter, c'était le feu.

Je l'écoute parler tout en m'attardant sur les tableaux. Franchement, il attise autant ma curiosité que la fresque dégorgeant de couleur qui se dépeint sous nos yeux.
C'est devant cette fresque que je m'arrête, bras dans le dos mais en réalité, ma concentration est happée par une toute autre œuvre, mais, cette fois de mère-nature et non d'un artiste exposé.

Je savais qu'il aime lire, écrire des textes, faire du rap, détailler Paris. J'avais compris que c'était un fin observateur mais il se révèle finalement aussi sensible aux belles phrases, à l'art contemporain et sous toutes ses formes. Ça fait plaisir de rencontrer des personnes comme ça. Je n'aurai jamais deviné tout ça en le voyant la première fois.

— j'suis un ouf, j't'ai même pas demandé. T'as voyagé toi aussi ?

— beaucoup. Mon père acceptait toutes sortes de mutations donc on vagabondait plus qu'autre chose avec mon reuf. J'ai vécu à Djibouti, en Martinique, en Tunisie et même au  Mali, par exemple, quand j'étais en primaire-collège avant de me stabiliser à Paris. Ça envoie du rêve, pouffe-je, mais bon c'est à double tranchant. J'ai dû trouver des moyens de ne pas trop m'attacher aux gens. Et maintenant, j'y arrive presque plus.

J'amorce.

— stylé wesh. Ça te fait des pieds à terre toupar. C'est grave enrichissant. Après avec Facebook, maintenant, tu peux retrouver n'importe qui. Donc tu peux toujours leur parler, nan ?

Filer à l'anglaiseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant