Filer à l'anglaise

ADÉQUAT

— Après voilà, on est pas tous équipier macdo, pour pouvoir faire des potatoes croustillantes à souhait.

Il aurait jamais dû lui dire qu'il y taffait vingt heures par semaine. Palmyr a trop matière à le chambrer maintenant. Alors qu'au moins, lui, a de quoi se payer un loyer.

... et ne vit pas chez sa petite sœur à presque vingt-quatre piges parce qu'il ne connaît pas la stabilité.

Bon pour la stabilité, c'est à revoir des deux côtés, certes.

— anh, ça tacle comme ça, ricane le concerné

— bon-enfant, t'inquiète.

Je me charge de m'inquiéter pour lui alors, pas de problème.

— et toi du coup, t'as pas dit c'que tu faisais dans la vie ? Parce que tu tailles hein, mais depuis qu'on a passé la tepor, on connait rien de plus sur toi, enchérit mon voisin de place

— j'gère ma famille à bout de bras, j'me tue à la tache en trois fois huit et j'passe le reste de mes journées à la lavomatique et en cuisine, pour faire tourner le foyer. Quoi d'autre ?

On explose tous de rire. Je l'adore quand il est comme ça, excessif et ironique. Entre deux tacles, il arrive quand même à lui soutirer des vrais rires également.

— t'oublies que tu paies les factures et que t'enlèves tes chaussures à la porte pour pas me réveiller dans la nuit, rentre-je dans le jeu

Élise n'arrive pas à reprendre sa respiration, ça fait grandement sourire Palmyr qui la regarde rire, bras croisés.

Ça ne se nie plus, ils sont mignons. C'est louche mais on s'y fait encore mieux.

— après voilà c'est pas une compète, on est pas là pour prouver ... mais c'est mon éprouvant quotidien, reprend-il

Quotidien ne rime pas avec baratin pour rien, en tout cas.

Ils se font des tours de passepasse depuis tout à l'heure, c'est un pur plaisir. Même Ken reste bon joueur, alors que c'est celui des deux qui prend le plus cher.

Soi-disant, a t-il plus à prouver que mon frère, donc il veut bien encaisser sans trop broncher, quand ça reste permissible. Histoire de maximiser ses chances auprès de mon entourage ou un truc du genre.

Le mec lâche des phrases déroutantes avec tant de facilité, c'est dingue.

— t'as rien à envier du macdo, c'est clair, rit Sama, même si pour moi, la seule chose tangible dans ton histoire, c'est que tu rentres dans la nuit. Sûrement autant bourré que lorsque j't'aurais mis au tapis dans quelques verres.

C'est vrai que mon frère ne donne pas l'image du jeune homme abstème du matin au soir, maintenant qu'on s'est descendus des verres de rhum.

Il plie les lèvres en piquant dans ses potatoes. Je crois qu'il estime avoir un joueur plus ou moins à sa taille en face.

Il n'a même pas riposter, peut-être qu'il se voit déjà au tapis aussi.

Je sens Sama se pencher vers moi. J'y prête attention lorsque je l'entends parler un peu plus bas, près de mon oreille.

— S'il savait que c'était sa sœur que je souhaite hot et spicy plutôt qu'les pringles, il ferait moins l'malin.

Je loupe battement et respiration, ne retenant pas ma surprise, qui doit probablement se lire en caractère trente-deux sur mon visage.

— Ken ça va pas d'dire ça !

Mon frère nous regarde de biais pendant que le mec trop à l'aise à ma gauche se replace contre le dossier de sa chaise.