APAISANT

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Béber, je la préfère quand elle juge d'un regard désapprobateur de son pupitre plutôt que lorsqu'elle félicite devant toute la classe ton travail même pas encore abouti.

J'ai envie de me faire toute petite. Des fois, j'envie mimi mathy. Là, j'aimerai vraiment claquer des doigts et disparaître. C'est trop embarrassant. Tout le monde regarde mon début de toile avec intérêt en plus. Elle arrive trop à mettre les gens dans des positions non souhaitées.

— nan, franchement, je me hâte de savoir ce qui se cache derrière cette profondeur de toile. J'vois votre bonne maîtrise des ombres. Beaucoup de noirceur à droite mais ce qui semble être de la douceur sur la gauche. Je ne me trompe ? C'est nouveau dans votre façon de procéder ?

Batard. Il y a vingt paires d'yeux qui me font face et je dois répondre à cette question ? Laisse ma douceur et ma noirceur tranquille Bérangère. S'il te plaît.

Elle le voit dans mon regard implorant que je n'ai clairement pas envie de développer ce terrain là. Je sais très bien que mes couleurs sont moins sèches et tranchées que d'habitude. Pas besoin de le souligner.

— d'la douceur, se moque Evi, c'est marrant ça. D'habitude, tes travaux sont bien plus mélancoliques, elle a raison. On se demande qui apporte de la douceur à ta vie, ces derniers temps.

— Evi, j'te jure que si tu fais une partie deux d'avant-hier, j'me fous à côté de Simon.

Elle lève les mains en l'air et pivote sur elle-même pour rejoindre sa toile, posée sur un chevalet plus grand qu'elle. Dans la sienne, je vois beaucoup de douceur aussi. Bérangère en fait juste tout un plat avec moi car j'ai quelque chose de différent à raconter qu'à l'accoutumée. C'est une fouine. Autant que Palmyr. C'est pour dire.

Si vous pensez que les artistes se nourrissent des histoires des autres, de l'environnement qui les entourent, vous êtes grave dans le vrai. Preuve à l'appui–ma prof.

Je tente de sortir ma pochette cartonnée de mon sac mais le rabat élastique de l'un de ses rebords est bloqué par le livre de Cache-cou. Ça aussi c'est un truc de fou. Il me matrixe ce type. Depuis quand on se montre aussi attentionné envers moi ? Tout ce temps je me suis complue dans des relations limitées à ce point ou quoi ? J'en ai rien à faire de si chaque annotation est visée à cent-pour-cent ou si c'est uniquement un moyen de me draguer lourdement, mais ça me plaît plutôt bien.

Il a même réussi à me faire sourire ce matin, dans le métro. Je pensais débuter ma journée dans le même état d'esprit que la veille mais j'ai été agréablement surprise. Élise était loin dans mes pensées lorsque je tentais d'analyser les marques de couleur laissées par mon pote le rat de bibliothèque.

Alors, j'ai trouvé ça pertinent d'utiliser un pastel jaune pour ma création du mois. D'habitude, j'utilise la couleur de la joie uniquement pour représenter les lumières, surtout celles de la Tour Eiffel que j'ai ébauché au second plan de mon projet. Là, il n'y en aura pas que sur elle.

Je me devais bien de lui faire un clin d'œil pour ça aussi, ça rend bien, je peux le jurer. J'ai fait des formes linéaires horizontales sur le premier raisin de ma toile.
Ça fait beaucoup mais quand je suis inspirée,j'ai du mal à me limiter. Il n'y a que moi qui aura la référence, c'est ma toile, j'en fais ce que je veux. Il surligne certains passages de son livre d'une certaine couleur, je peins quelques éléments de ma toile de cette même couleur. Ça pourrait être un échange de bons procédés s'il était au courant. Mais il ne le sera pas.

Peut-être que je veux vraiment faire passer des émotions à travers elle. C'est toujours le cas, mais là, j'en dépeins nettement plus que d'ordinaire. Parce que plus d'émotions me traversent en ce moment que de base. Ça corrèle.

Filer à l'anglaiseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant