ENTOURÉ

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Des rayons entiers de crayons, de stylos, de feutres, de carnets, d'encres de Chine, d'ustensiles de poterie, de papeteries en tout genre mais je suis là, désespérée à chercher une gomme mie de pain Faber-Castell. Je veux absolument celle-ci car les autres se désagrègent trop facilement lorsqu'on gomme un peu trop rapidement. Ça froisse la feuille et laisse un trait noir. Ignoble et super rageant quand tu as autant l'esprit perfectionniste que moi.

Dès que je me rends chez Rougier et Plé, je ressors avec plein de nouveaux matos pour combler mon âme d'artiste. Là, en plus de ma gomme mie de pain, j'ai besoin de certaines couleurs pour ma toile à rendre avant la fin de l'année. Il me faut des crayons légèrement gras ou effet crème et des estompes. Il me manque un marron noisette. Je sais exactement le marron qu'il me faut, il est imprégné dans mon esprit. Alors, ça fait bien cinq minutes que je suis accroupie face aux étales de crayon Lyra, Derwent ou encore Faber-Castell. Je n'en veux pas un autre que la teinte exacte que j'ai enregistré dans mon cerveau à force de l'avoir fixée.

Si je veux réussir à transmettre des émotions à travers mes créations, je dois faire en sorte de retranscrire parfaitement la réalité et ça passe par le choix des couleurs exactes dont j'aurai besoin. Palmo dirait que j'abuse parce que chez moi, j'ai des mallettes en bois remplies de crayons de couleur en tout genre. Des crayons pastels, aquarelles, fusains, à l'aniline, gras, liquides, HB, 5H, 2B. Probablement toutes les couleurs du monde, selon lui.

Mais, personnellement, je n'avais jamais croisé un marron noisette comme celui-ci alors je suis persuadée de ne pas l'avoir parmi mes centaines de crayons. Parce que, lorsque je l'ai eu sous les yeux, j'en ai trouvé tellement de singularité que je peux jurer ne jamais avoir été transpercé par une couleur autant qu'en cet instant. Et je ne veux pas avoir à le mélanger à du blanc ou du noir pour intensifier ou atténuer le rendu sur toile.

Je veux que la teinte soit authentique et surtout extrêmement réaliste. Que lorsque je regarde le rendu, je me rappelle d'où elle vient et par quelles émotions elle me fait passer. C'est pourquoi, mes jambes sont légèrement endolories à force d'être accroupie dans ce rayon interminable à la recherche du crayon parfait.

Bon, finalement, j'en ai acheté trois différents. Je veux être sûre de mon choix. Peut-être que j'ai encore un doute quant à cette couleur et qu'il me faudrait de nouveau le modèle sous les yeux.

Au-delà d'être un travail à rendre, le thème me tient particulièrement à cœur parce que Paris est l'une de mes muses. La beauté des grandes villes. Béber nous a fait tirer au sort la ville dont nous devons nous inspirer. J'ai eu la ville lumière. Evi a pioché Séoul et Simon s'est vu attribuer Manille. Ensuite, je ne sais plus trop car j'étais déjà loin dans mes pensées. Je ne compte pas le rendre en retard et perdre du temps de travail précieux, cette fois-ci.

Avant d'embaucher à seize heures trente, je compte revêtir mon trench en tweed quadrillé, ma loupe et mon chapeau à bords. Ça suffit, Alphawann me voilà. Et tes mille trois cents abonnements aussi. La fête et le suspens ont assez duré. Je vais tout épier, à la recherche du moindre détail, comme Sherlock l'aurait fait.

J'en sais déjà pas mal sur toi, Shiznit alias Philly Flingue, mais à croire que je n'aurais pas dû limiter mes recherches à ta simple personne lorsque j'ai découvert ton rap, mais plutôt m'aventurer dans ta longue liste d'amis. J'aurais peut-être même flashé sur ton pote l'anonyme avant même qu'il ne me connaisse. Après, il n'y avait pas grand chose sur toi à part une interview retranscrite dans un article. Ça parle de tes potes, ouais mais sans plus, dans mes souvenirs.

J'enfile enfin mes écouteurs après avoir passé un tiers de mon trajet en métro à les démêler et active en aléatoire mes titres téléchargés. Summer of love de Cascada retentit. Je suis sûre que j'ai un air grave fermé extérieurement, alors qu'à l'intérieur, je pourrais me déhancher sur le dance floor tellement ça me met dans un bon mood. It makes me feel alive, c'est le cas de le chanter.

Filer à l'anglaiseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant