INDÉCIS

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Octobre 2012

Heureusement que tous les clients ne sont pas comme le vieux insupportable qui n'était ni satisfait de la fraîcheur de son Perrier, ni content des montants exorbitants de nos produits selon ses mots. J'ai dû lui dire qu'il n'était pas obligé de me crier dessus, que je remonterais les problèmes à la direction et qu'il peut aller se faire foutre.

Bon. Ok, pour mon intégrité, je n'ai bien évidemment pas dit ces trois derniers mots. L'image de l'entreprise quand même. Je lui ai seulement souhaité une bonne séance avec un brin d'hypocrisie dans la voix.

Le type devant moi est déjà bien plus souriant et rapide. Un coca, des pops-corns salés et c'est plié.

— six euros cinquante s'il vous plaît, réclame-je souriante

— tenez.

Capuché supplément bonnet, lunette de soleil, sweat bien de trop grand brodé d'un logo de rap et un cache cou qu'il vient tout juste de réajuster.
Ma main à couper qu'il cherche à se dissimuler.

— votre monnaie, lui tends-je ses trois euros cinquante.

Voyant qu'il ne reprend pas ses sous et qu'il reste planté là, je réitère–« votre monnaie monsieur. »

— il manque, affirme-t-il sournoisement

Je fronce les sourcils. Purée, Nadine va me buter si je continue au bout de trois semaines à me tromper sur le rendu. Je tente de reprendre ses sous qu'il tient toujours dans sa main pour savoir combien je lui dois encore. Mais ce n'est sans compter la résistance du mec mystère qui ne lâche pas les pièces.

— nan mais, genre il manque votre numéro par exemple ...

Je pouffe de rire. Belle technique. Satisfait de ma réaction, il regarde derrière lui pour jauger le nombre de personnes qui souhaitent également prendre une formule boisson et sachet de pop corn taille L.
Chance pour lui ou pour moi, il n'y a qu'une dame plutôt âgée derrière lui donc le coin de ses lèvres semble s'étirer subtilement vu que son nez se retrousse et ses pommettes s'arrondissent. Le visage de Nadine–ma responsable pull up dans ma tête et me ramène vite à la réalité.

— je suis désolée, je vais devoir passer à la cliente suivante, s'il vous plaît.

Capuche–cargo noir se déplace sur le côté avec son sachet de pop-corn plein à craquer et semble attendre. Sa séance assurément. Finalement, prise dans ma transaction avec une peut-être Simone, je ne prête plus attention à quiconque.

— merci beaucoup Mademoiselle. Bonne soirée.

— merci à vous, bonne séance, réponds-je à la charmante dame

Je remue les pop-corns dans l'énorme bac de la vitrine afin de les décoller les uns des autres et j'en fais finalement tomber par terre, côté comptoir. J'entends un souffle du nez qui traduit un rire, à ma gauche.

— t'es encore là toi ?

Le tutoiement échappe de mes lèvres et je retrousse instantanément mon nez, ne trouvant pas ça professionnel de ma part. Mais c'est compliqué aussi d'employer le vouvoiement lorsque la personne à ton âge en face.

— la vie d'ma mère t'es grave pas douée. T'es là t'as deux mains gauches ?

— c'est toi qui m'a déstabilisé.

Filer à l'anglaiseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant