ATTENTIONNÉ

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Maintenant posés côte à côte sur les marches du ciné, mon corps entier emmitouflé dans ma doudoune trop large et mon pantalon trop ample, je tente de lutter contre le froid.

En plus, c'est un combat à mains nues puisque j'ai oublié mes gants.

Mon collègue pour la soirée sort son tabac et des feuilles alors que je me demande réellement comment il peut trouver la force de vouloir rouler de ce temps-là.

Je le regarde de biais, ma tête posée dans mes mains. Il est beau comme ça, avec son cache-cou relevé jusqu'au nez.

La nostalgie des premiers dimanches.

— quoi ?

Mes yeux s'arrondissent de surprise lorsque je remarque qu'il m'a cramé. Mais crame-moi autant que tu veux, j'accepte volontiers. Mes joues qui se font gifler par le froid depuis qu'on a quitté l'intérieur te l'implorent.

File-leur la douce chaleur que tu répands parfois dans tout mon être sans le toucher.

— rien, souris-je

Il hausse les sourcils avant de sortir un filtre et de le coincer entre ses lèvres.

— alors me regarde pas comme ça.

Sans bouger la tête, toujours focus sur sa clope, il fait seulement tourner ses prunelles et me regarde, à son tour de biais. J'ai envie de le bouffer pour ses yeux noisettes et sa cigarette qui a pris la place du filtre.

Même Alain Delon est moins charismatique avec alors qu'il a carrément des paquets de clope à son nom.

Il en allume maintenant le bout et semble attendre que je lui réponde mais je n'en fais rien. Je replace seulement mon menton entre mes mains.

C'était sportif ce soir. Dans un sens, sa présence était une aubaine. Nadine, trop refaite, lui a même filé un forfait cinéma tellement il nous a mis bien. On a eu le droit aux sérénades de tout plein de gosses qui auraient soi-disant été sages trois cent soixante-cinq jours dans l'année.

À la fin, en plus de ne plus avoir de papillotes, on n'avait plus de jambes non plus. La soirée d'hier contribue sûrement. Du coup, là, on squatte le porche du ciné comme deux glandeurs parce qu'on est hs.

Comme ma batterie d'ailleurs, ça ne changera jamais ça.

Il frictionne mon genou avec l'une de ses paumes. Ça me secoue légèrement alors je décide de m'appuyer sur lui, en posant ma tête contre son épaule.

— ça t'a mis ko ou quoi ?

— t'as pas vécu le même week-end que moi ou quoi ? ris-je en remontant la fermeture de ma doudoune à son max

— ouais, mais tranquille, t'es juste une petite joueuse.

Fait trop le mec.

J'aplatis ma main sur sa cuisse avant de l'obliger à tourner son visage vers moi une fois que je me suis remise droite. Il me scrute, j'ai l'impression de passer au scanner.

— elle va me parler de toi non-stop maintenant, souffle-je finalement, j'suis fichue.

— j'ai toutes les employées d'ici dans la poche en fait !

Il recrache sa fumée à l'opposé de mon visage et ses yeux finissent par regagner les miens.

Je ne sais pas comment me comporter, on dirait qu'il croit je lui suis acquise. Je viens de le penser aussi, ça me dérange.

J'espère qu'il dit ça seulement pour me taquiner comme il le fait si souvent. Sinon, trop honteux qu'il sache qu'il m'a, en effet, presque déjà dans sa poche. Faut garder le mystère.

Filer à l'anglaiseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant