Prologue

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Prologue ~ 10 plus tôt

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Une lueur se balance, oscillant de gauche à droite, de droite à gauche, et ainsi de suite, sans interruption, rythmée par la marche d'Isabella jusqu'au portail de Grace Field. La lanterne éclaire un instant le chemin avant qu'il ne redisparaisse dans l'obscurité, mais éclaire également le visage de la jeune femme qui, comme toujours, exécute ce pour quoi elle s'est formée : jouer à être mère dans un orphelinat depuis qu'elle a donné la vie.

Dans l'obscurité, Isabella contemple ses vieux souvenirs, instants fugaces d'une même routine rythmée par peu de choses : l'arrivée de nouveaux bébés à élever entre les murs de Grace Field et le départ d'enfants qui sourient en pensant aux parents qui les attendent de l'autre côté du portail.

Une larme roule le long de sa joue, elle l'essuie d'un geste de la main. Pas le temps pour la vague de nostalgie, pas le temps pour les vieux souvenirs qui en appellent de plus anciens. On n'a jamais le temps, surtout quand un bébé nous attend dans l'ombre du portail, dans les bras d'une Sœur ou dans ceux d'une supérieure hiérarchique.

Enfin, Isabella arrive au portail, ombre immense d'un vieux monde et d'un passé si ancien qu'il s'est perdu dans les méandres du temps en s'effaçant des mémoires. Lentement, la Maman de l'orphelinat ouvre la grille du portail, lâchant un soupir, espérant ne pas s'attacher à l'enfant qu'on lui amène. C'est cela le plus dur, peut-être, dans sa vie : essayer de ne pas s'attacher aux enfants qui lui sourient constamment, qui lui offrent leur confiance sans jamais se douter de quelque chose. Ces enfants qui ne se doutent pas que leur vie sera courte et aussi éphémère que celle d'un papillon.

Une femme s'avance, un paquet de couvertures dans les bras. Sans un mot, l'inconnue tend le paquet à Isabella qui découvre alors le visage de la petite fille qui intègre Grace Field. Des cheveux violets et bouclés, avec quelques mèches qui tombent sur le front de l'enfant endormie, et une peau légèrement pâle, rappelant celle de l'enfant qu'Isabella a eu à peine le temps de voir lors de sa naissance. A la vue des cheveux violets, les larmes montent aux yeux de la Maman de l'orphelinat ; ils lui rappellent tellement ceux de celui qui fut jadis un bon ami dans son enfance.

La petite fille semble sentir l'agitation d'Isabella et ouvre les yeux avant de rire doucement, emplissant le silence de ses gazouillis, arrachant un début de sourire aux deux femmes qui observent l'enfant.

- Je vais y aller, Isabella. Prends bien soin d'elle.

L'inconnue s'incline avant de se tourner pour disparaitre dans l'ombre. En la voyant partir, Isabella se rappelle d'une chose, d'une chose essentielle. Elle fait un pas en avant, serrant la petite contre elle qui émet une faible plainte, protestant contre le geste légèrement brusque de la jeune femme.

- Attends ! Et son nom ? Dis moi son nom, April !

- Ma fille se nomme comme ma fleur préférée : Violet. Prends soin d'elle, Isabella, autant que tu le pourras. Elle représente un début de ce futur que je ne verrai pas...

April entoure son maigre corps de ses bras, comme pour se protéger d'une chose qui serait cachée dans l'ombre, attendant son heure pour attaquer la jeune femme. Un démon s'avance, une fleur à la main, et fait signe à Isabella de partir maintenant que la livraison a été faite.

A contre cœur, Isabella reprend sa lanterne et fait demi-tour, jetant un rapide regard vers April qui garde les yeux baissés, rentrant à l'orphelinat où l'attendent trois autres bébés, livrés à quelques semaines d'intervalle avant Violet.

La petite s'agite contre le giron d'Isabella et agrippe le tablier de la jeune femme, se rendormant lentement contre celle qui, d'après ses souvenirs quand elle sera plus âgée, a toujours été sa mère, même si aucun lien de sang ne les relie. Des larmes coulent le long des joues d'Isabella tandis qu'elle s'imagine la scène de la mort d'April. April qui, pour toute héritage, n'a laissé qu'un nom et un pendentif avec sa photo à sa fille.

Sur le chemin, Isabella hésite à enlever la photo d'April du pendentif, puis elle se dit que ce serait privé une enfant de ses racines, alors elle décide de laisser la photo dans le pendentif que Violet serre dans son minuscule poing.

- Ma... ma... Mama...

Violet, inconsciemment, appelle sa mère dans son sommeil sans savoir que cette dernière n'est déjà plus de ce monde...

Et à la fin, une fleur... || TpnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant