Chapitre 17 ~ Dans ce monde, suis-je Violet ou mon matricule ?
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Ray s'approche de moi en voyant que je suis totalement figée suite à l'annonce des résultats des tests. Sa main attrape la mienne tandis que j'ai l'impression d'être sous l'eau et que les autres ne comprennent pas ma réaction. J'ai l'impression que mon corps est déjà dans cette rigidité cadavérique qui accompagnera ma mort.
Maman s'avance vers moi et me caresse les cheveux, me remettant une mèche bouclée violette derrière l'oreille, je réprime un frisson. Je déteste son regard, son sourire, son attitude, mais je ne peux ignorer sa tristesse, ses larmes, son manque de courage de faire comme nous.
- Violet, félicitations, nous avons enfin une famille pour t'accueillir ! lâche-t-elle en posant une main sur ma joue.
Derrière elle, Emma et Norman se figent et me fixent du regard tandis que je baisse légèrement la tête, ne pouvant supporter tous les regards scrutateurs ou tristes qui se posent sur ma petite personne. Ray se crispe et serre ma main avec plus force tandis que mes yeux restent secs malgré l'envie de pleurer, de crier, de hurler, de fuir, qui me submerge.
- Je suis si heureuse d'être enfin adoptée ! fais-je en souriant.
Il n'y a pas à mentir comme ça...
- Je suis trop content pour toi, Violet ! me dit Phil.
- Moi aussi ! ajoute Jemima.
Taisez-vous. Vous n'avez pas à être heureux pour moi... C'est vers la Mort qu'on m'envoie !
- Viens, Vi... murmure Ray pour me sortir de ma transe.
Je le laisse m'emmener loin, sans que je sache où car cela m'importe peu. Emma et Norman nous suivent en silence, ainsi que Don et Gilda qui ont été mis au courant pour les démons un peu après le départ de Conny.
On sort de la salle des tests et traversons l'orphelinat pour aller dehors, l'air frais me fait du bien en me caressant le visage, me sortant encore davantage de ma transe. Un timide sourire étire mes lèvres tandis que Ray serre un peu plus fortement ma main. Je caresse sa main avec mon pouce pour lui montrer que ça va, que je vais bien, que le monde continuera de tourner même si je ne suis plus là. Que tout ira bien. Que je ne les oublierai pas. Qu'ils ne m'oublieront pas.
- Tout va bien ? me demande Gilda avec douceur.
- Gilda, il y a des questions débiles qu'il faut parfois éviter de poser, répond Ray.
- Ray ! fait Emma que Norman retient par le poignet tandis que Don passe un bras autour des épaules de Gilda qui se laisse faire, comprenant qu'elle aurait mieux fait de se taire pour l'instant.
Je ne réponds pas à ma petite sœur et continue de marcher vers la forêt qui entoure Grace Field afin de m'éloigner de ma prison - non -, de notre prison. Cet orphelinat est une prison dorée pour tous les enfants qui y ont grandi, grandissent ou grandiront entre ces murs, même si personne n'en a véritablement conscience.
Une fois dans une clairière, je grimpe dans un arbre, lâchant la main de mon noiraud et laissant les autres au sol, ils comprennent que j'ai besoin d'un peu d'air mais qu'ils peuvent rester au pied de l'arbre.
- Je vais bien... dis-je dans un souffle, le vent emportant mes paroles ailleurs, peut-être jusqu'aux étoiles.
- Non, tu mens ! crie Ray avant de grimper pour me rejoindre malgré mon besoin d'air.
Je pose mon regard sur lui tandis qu'il pose une main sur ma branche pour se hisser afin de me rejoindre. Des larmes embuent ses beaux yeux noirs et je finis par l'aider à s'installer à côté de moi, me donnant une étrange impression de déjà-vu.
- Si je mens, est-ce que c'est vraiment un problème ? Je mourrai de toute façon, on ne peut rien y changer, tu le sais, si on ne veut pas faire échouer votre évasion.
- Arrête... Si tu meurs, moi aussi je mettrai fin à mes jours. Ta résignation ressemble un peu trop à un suicide... murmure-t-il en posant sa tête sur mon épaule.
- Violet, depuis combien de temps savais-tu que tu allais être livrée ? me questionne Emma. On voyait bien, à ta réaction, que tu savais que tu allais mourir sans savoir quel jour exactement...
- Depuis plusieurs semaines, ou mois, je ne sais plus. Je n'ai rien dit pour éviter que vous vous précipitiez afin que je puisse m'évader sans problème.
- Je m'en veux de t'avoir laissé seule avec cette épée de Damoclès au-dessus de la tête, lâche Norman en baissant la tête.
Notre rouquine adorée le prend dans ses bras pour le réconforter et lui frotte tendrement le dos. Gilda porte ses mains devant sa bouche, à la fois de surprise et de choc, suite à ma réponse pendant que les larmes coulent le long de ses petites joues pâles ; Don la serre contre lui pour éviter qu'elle ne s'effondre ou tombe à genoux de tristesse ou d'épuisement.
- Tout ira bien. Tout ira bien car vous êtes forts et continuerez à changer les choses ici-bas pour les enfants de toutes les fermes. Tous méritent un bel avenir construit grâce à vous.
Je fais une pause dans mon monologue, mes amis respectent mon silence, puis je reprends en fermant les yeux et en attrapant la main de Ray pour la serrer doucement.
- Je ne serai jamais loin. Fermez les yeux, je serai dans vos souvenirs, dans vos rêves. Regardez dans votre cœur, je prendrai soin de vous. N'ayez pas honte de vos larmes, je serai là pour vous accompagner dans votre chagrin. Dans votre joie. Dans tout le reste de votre vie. Je ne serai jamais loin... dis-je lentement.
Personne ne parle, personne ne bouge. Au loin, nous entendons les rires des enfants qui jouent près de l'orphelinat. Un sourire discret apparait sur mon visage.
Ray lève la tête et pose ses lèvres sur les miennes avec douceur et tendresse pour qu'on s'embrasse tant qu'on a encore le temps. Les autres détournent le regard en souriant.
- On ne t'oubliera pas... me promet mon amoureux dans un murmure avant de reposer ses lèvres sur les miennes.
Je l'aime à l'infini et plus loin encore.
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Et à la fin, une fleur... || Tpn
Hayran KurguViolet vit à l'orphelinat de Grace Field, comme ses amis Emma, Norman et Ray. Elle porte le matricule 87194, mais elle est bien plus que son matricule. Elle est une amie, une soeur, une fille amoureuse. Elle est l'infinité des possibles et les regre...