Chapitre 2

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Chapitre 2 ~ Échec et mat

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Emma cherche mon regard tandis que Gilda essaye de ne pas le croiser. Les deux s'inquiètent mais je n'ai pas envie de parler ou je risque de devenir violente. Et je n'ai pas envie qu'on se mette à me détester...

Je lève les yeux en voyant du mouvement à la porte de la nurserie. Mon regard plonge dans celui de Ray qui me regarde avec... inquiétude ? Je remarque alors que, perdue dans mes pensées, je n'ai pas dû entendre Emma me dire que nous avions fini avec les bébés. Pour éviter la discussion, je me mets à ranger les vêtements pour bébé dans les armoires, tournant le dos à mon ami aux cheveux noirs.

Une présence dans mon dos et un parfum que je connais bien m'empêchent de m'éloigner, de bouger. Je lâche un soupir et finis par me retourner pour faire face à Ray qui me prend dans ses bras. Sans bouger, sans protester, je le laisse faire, surprise qu'il me prenne dans ses bras, lui qui n'est pas vraiment tactile.

- Pourquoi ?

- Parce que tu ne vas pas bien. Et ne mens pas, je l'ai vu, moi...

Les larmes me piquent les yeux et je niche mon visage dans le creux de son cou, m'accrochant à lui comme à une bouée de sauvetage. Il me laisse faire et caresse doucement mon dos pour me faire comprendre que ce n'est rien, que personne ne m'en veut, sauf peut-être Maman, mais on s'en fout de Maman.

- Violet, franchement, ce n'est pas ta faute, ces tests sont normalement irréalisables pour des enfants.

- Alors pourquoi toi, Emma et Norman avez des résultats parfaits ?! Arrête de raconter n'importe quoi, c'est juste moi qui ne suis pas à la hauteur...

Il reste silencieux et me fait un bisou dans les cheveux pour me calmer avant de me faire reculer pour essuyer mes larmes, me regardant comme si je valais vraiment quelque chose.

- Si tu n'étais pas à la hauteur, pourquoi est-ce que tu me bats une fois sur trois aux échecs ? C'est déjà plus que d'autres de l'orphelinat.

- Ça, c'est parce que tu me laisses gagner...

- Pas du tout ! Allez, viens, on va aller jouer aux échecs comme tu me l'as demandé ce matin.

Je hoche la tête et lui attrape la main pendant que nous allons chercher le jeu d'échec dans la salle de jeux avant d'aller dans mon dortoir. En serrant mon oreiller contre moi, comme si c'était un doudou, j'observe les mains de mon ami mettre les pièces en place. Il reste un certain temps à observer la reine blanche avant de finalement la poser sur l'échiquier.

- Il y a un proverbe que j'aime bien, il est un peu lié aux échecs...

- Mh...

- "Comme aux échecs, la reine protège son roi." Même s'il n'a pas pu être vérifié vu que c'est toujours toi qui m'aide et me protège de mes mauvaises passes...

- Violet, tu devrais jouer au lieu de philosopher.

Je le regarde avant de m'exécuter, essayant de réfléchir à mes prochains coups, aux coups de Ray, tout en essayant de suivre, parfois, mes pulsions et mon instinct.

La partie se déroule lentement car Ray met plus de temps que d'habitude à jouer, mais je ne m'en formalise pas, ça me laisse plus de temps pour réfléchir au déroulement de la partie. Après quelques minutes, j'arrive à faire à ce qu'il mette sa reine noire là où je voulais qu'elle soit. Ce qui me permet de faire tomber son roi.

- Échec et mat, Ray.

Bien qu'heureuse de l'avoir battu, cette victoire me laisse un goût amer dans la bouche. D'un geste, je renverse toutes les pièces par terre avant de regarder mon ami qui baisse les yeux.

- Tu m'as laissé gagner ! T'espérais quoi ?! Que ça me redonne confiance en moi ?!

Les larmes coulent le long de mes joues tandis que je me recroqueville, blessée par son acte.

- Cette victoire ne vaut rien... si ce n'est la honte que tu viens de m'infliger...

Il ne me répond pas, non, il décide de ramasser les pièces pour les ranger dans leur boite avant de venir s'asseoir à côté de moi. Je ne bouge pas, je n'ai pas envie, je suis bien comme ça, roulée en boule avec la honte qui me glace les veines.

- Violet, je pensais bien faire, mais je me rends compte que j'ai agi comme le dernier des crétins... Pardonne moi, Vi... s'il te plait...

Je reste silencieuse et me laisse basculer sur le côté pour poser ma tête sur ses genoux, gardant mon visage caché dans l'oreiller.

- Si tu recommences, je ne te parlerais plus...

Sa main passe dans mes cheveux, il dégage doucement ma tempe pour me faire un bisou. Lentement, je me redresse pour me blottir contre lui afin de recevoir un câlin. Ses bras m'entourent, j'ai l'impression d'être dans un cocon, comme quand...

Comme quand...

Je ne me souviens plus, mais un souvenir fugace traverse mon esprit avant que je n'ai pu savoir de quoi il s'agissait. C'était peut-être un souvenir de mes premiers pas dans la vie...

- A quoi tu penses ?

- A rien d'important.

- J'ai l'impression que tu me mens...

- Pourquoi je mentirais, Ray ?

Il hausse les épaules et j'écarte doucement la mèche qui cache son œil pour pouvoir lui faire un bisou sur la joue, humant son odeur au passage. Ray sent le papier, le bois poli, la poussière qui recouvre les livres. Il sent la bibliothèque, il sent l'orphelinat. Il sent la maison.

Je souris, me sentant bien, me sentant mieux. C'est en gardant mon regard dans le sien que je me décide à faire à ce que nos moments à l'orphelinat soient remplis de beaux moments et plus d'inquiétude. L'inquiétude ne va pas sur les visages des enfants, le souci n'est pas fait pour nous.

Alors, en attendant que je me fasse adoptée, je souhaite vivre pleinement sans que l'inquiétude n'assombrisse le regard de mes amis et de Ray, surtout pas son regard déjà fort sombre depuis que nous sommes petits. Heureusement, ses yeux noirs s'éclairent lorsqu'il me regarde, regarde Emma et regarde Norman. Comme si on était tout ce qu'il avait. C'est peut-être le cas.

Et à la fin, une fleur... || TpnOù les histoires vivent. Découvrez maintenant