Chapitre 27 : PDV Kristen : Fugitifs

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De retour en ville et alors que je suis à bout de souffle après ce « jogging » qui, pour moi, ressemblait plus à un sprint, Kylian reste de marbre, légèrement essoufflé. Je me doute qu'il a fait pire à l'armée et que, à côté, mon entraînement n'est qu'une simple routine, mais j'avoue être vexée par ses capacités physiques.

J'étais dans les forces spéciales pendant 5 ans.

Sa remarque me revient en tête et je ne peux m'empêcher de lui lancer un regard à la dérobée. Alors qu'il sort une bouteille d'eau pour me la tendre, il se stoppe lorsqu'il voit que je ne le quitte pas des yeux, essoufflée par mon effort physique passé.

Je prends tout de même l'eau qu'il me propose et boit pratiquement la moitié de la bouteille puis laisse mon regard se balader autour de moi. Le vide de cette usine abandonnée a toujours le même effet sur moi. Je me sens toujours affreusement gênée de ce grand espace poussiéreux autour de moi.

- On y va avant de se faire repérer.

- Je pensais que l'endroit était sûr.

Je réponds à mon garde du corps tout en le suivant jusqu'à l'entrée menant à cette habitation si particulière. La lumière bleue émanant du mur à ma droite m'aveugle tout autant à chaque fois et je me dirige rapidement vers la salle de bain pendant que Kylian se dirige vers la cuisine pour boire un coup.

Je prends littéralement une douche froide pour calmer les battements encore affolés de mon cœur et sors rapidement pour me sécher et m'habiller avec un jean slim noir à moi, un de mes t-shirt mais enfile un pull à Kylian. Vu qu'on a dû partir en vitesse de l'appartement, je n'ai pas assez d'affaires et c'est risqué pour nous d'aller en acheter. Heureusement, K, s'est arrangée pour que je trouve quelques habits devant l'entrepôt hier matin.

Une fois sortie, et pendant que Kylian va prendre sa douche, je me connecte sur internet et regarde les dernières actualités. Seulement, la majorité des journaux, et y compris celui d'Amélie, parlent tous de la nouvelle élection de mon père.

Je serre les dents en lisant toutes ses âneries et me retiens d'envoyer maintenant mon article. Mais avant de faire la connerie d'envoyer ces lignes, je reviens à la raison et me rappelle que ce n'est pas le bon moment. Parce que si on veut faire plier mon père, il faudra avant tout le faire au moment propice. Et ce n'est pas le cas maintenant.

Je vois mon garde du corps sortir de la salle de bain en jogging et sweat noir avant qu'il ne m'invite à m'assoir sur le canapé avec lui, face à l'écran plat, éteint. Je m'assois sur ses genoux et cale ma tête contre son torse pendant qu'il me caresse doucement les cheveux. On a déjà parlé de la situation. Oui, on est des fugitifs. Et ce n'est pas comme dans les films. C'est bien plus terrifiant de le vivre pour de vrai. Parce qu'on prend conscience qu'à la moindre erreur, notre cavale est finie, et notre vie avec. Et je refuse de perdre face à mon père. Pas après ce qu'il a fait à ma mère.

- Kylian ?

- Hmmm.

- Tu crois qu'un jour, tout sera fini ?

Il redresse la tête. Je suis fatiguée de devoir me battre contre ma propre famille. Mais je ne dois surtout pas le montrer à mon père, sinon, j'ai déjà perdu. C'est ce que j'ai compris. Seulement, la bataille commence à se transformer en guerre et j'ai peur que cela dure beaucoup plus longtemps que ce à quoi j'étais préparée.

- Oui. On trouvera un moyen. Et si notre plan fonctionne, ce sera bientôt le cas.

Je hoche la tête. Une nouvelle fois, il est calme et posé alors que la situation est loin d'être à notre avantage. Alors, inévitablement, je repense à son passé. Il m'a simplement dit qu'il faisait partie des forces spéciales, pas ce qu'il a dû faire pour en arriver à ce degré de self-control.

- Kylian ?

- Qu'est-ce qui te travaille Kris ?

- Tu te rappelles quand tu m'as dit que tu étais dans les forces spéciales pendant 5 ans ?

- Hmmm. C'était dans les premiers jours de ta protection rapprochée avec moi.

- Depuis que je me suis rendue compte de ce dont tu faisais partie, j'ai plusieurs questions que j'aimerai te poser. Tu veux bien ?

Je me tourne légèrement vers lui pour m'assurer de la sincérité de sa réponse lorsqu'il prend la parole.

- Vas-y.

- Qu'est-ce que tu devais faire ? Je veux dire, quel genre de missions ?

- Ça... On avait pas mal de missions. On pouvait nous envoyer en renfort ou équipe spéciale lors de catastrophes naturelles, comme on pouvait aussi être appelé pour des négociations lors de prises d'otage, ou en renfort au RAID. Parfois, notre équipe était appelée pour des missions conjointes avec l'ONU. C'est-à-dire qu'on opérait interarmées pour effectuer certaines actions en Afghanistan, ou en Irak par exemple.

- L'affaire sur laquelle tu enquêtes...

Je n'arrive pas à terminer ma phrase. Je sais que les fois où j'ai tenté d'en savoir plus sur cette mission, il ne voulait pas m'en parler. Mais étonnamment, cette fois, c'est lui qui prend la parole.

- Je sais que tu te poses beaucoup de questions. Et je sais que pour que tu te sentes en paix, tu dois absolument obtenir des réponses. Alors je vais t'en parler, mais inutile de te dire de ne jamais en répéter le moindre mot.

Je hoche vigoureusement la tête, touchée qu'il soit aussi attentif et qu'il s'ouvre enfin à moi.

- C'était une mission à caractère prioritaire. Alors que mon équipe et moi, on était en permission, on nous a appelé pour une de ces fameuses opérations interarmées. On devait collaborer avec l'armée américaine et quelques autres soldats d'unités spéciales. On s'est entraînés pendant plusieurs jours pour répéter des actions bien précises et pouvoir secourir des otages qui avaient été kidnappés par les islamistes en travaillant pour l'ONU. Seulement, quand on est arrivés sur les lieux, on a interrompu une transaction d'armes à feu pour les islamistes, et tout à très vite dégénéré. Une des otages qui était la sœur d'un de mes anciens camarades de combat s'est fait tuer, tout comme un de mes coéquipier qui s'est sacrifier pour sauver le deuxième otage. Le dernier mort de cette mission était aussi dans notre camp, parce que je n'ai pas réussi à le sauver d'une mine anti-personnel. Même avec l'aide des américains, ça n'a rien changé. Et tout ça parce qu'on a été mal renseigné pour la fenêtre d'opération de la mission. On a interrompu un trafic d'arme important entre notre pays et l'Irak.

- Et à ta tête de ce trafic, tu as un suspect.

Le brun plonge son regard dans le mien avant de me répondre.

- Oui, ton père, pour financer son élection.

Même si j'ai encore une fois l'impression de tomber de haut, je comprends l'attitude de Kylian face à mon père dès son arrivée dans nos vies. Je me remémore les regards qu'il lançait à mon paternel et je ne peux m'empêcher de vouloir connaître cette foutue vérité. J'espère au fond de moi que mon père n'y est pas mêlé, que Kylian se trompe et qu'il reste encore une once d'humanité à mon géniteur mais j'ai le sentiment que c'est loin d'être aussi facile.

Et Kylian se trompe rarement.

Comment je réagirais si trois de mes proches avaient été tués à cause d'un homme que je dois protéger ? J'avoue que mon garde du corps m'impressionne toujours autant. Même si maintenant, il y a plus que ça. Kylian représente bien plus que ça à présent. Et même si on a tous les deux mis du temps pour s'en rendre compte, et que c'est loin de rendre les choses plus faciles, on ne se laissera pas battre aussi aisément.

Et si pour ça, je dois dénoncer mon père, je le ferai... Pour ma mère, pour la famille de Tony et pour celui qui est avec moi aujourd'hui.

Protection rapprochéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant