chapitre 43 : regardes...

495 43 1
                                    

- Ce n'est pas grave, gura...

- Si, je... ça l'est. Je ne suis pas assez bien...

- Mais qu'est-ce que vous dites... Fuarre ne pu croire qu'Elec pensa quelque chose de telle sur lui.

- Peut-être aurais-tu voulu que je sois une femme ? Alors peut-être aurais-tu fini par m'aimer... Je te dégoûte tant que cela ?

- Plaît-il ?

Alors ça, c'était pour le moins surprenant quand on savait que le sparte passait toutes ses nuits à rêver de sa Gura depuis qu'il l'évitait délibérément.

Mais Elec éclata en sanglots. Il pleurait  douloureusement, convaincu de ses affirmations.

Fuarre ne comprit pas, mais lâcha son déjeuner pour serrer l'oméga dans ses bras, relâchant des phéromones réconfortantes autour de lui pour le calmer.

- Je ne comprends pas tout, mais je ne vous déteste pas, et vous ne me dégoûtez pas, tenta de le réconforter l'alpha. C'est de ma faute, j'ai relâché trop de phéromones...

- Vous n'êtes plus fâché ? demanda Elec au bout d'un moment.

- Je l'ai été sur le moment, mais je ne le suis plus. C'est moi qui vous demande pardon. Je ne voulais pas vous effrayer...

Elec renifla, le regard distrait. Il voulait se confier, mais hésitait.

- Je... je ne peux plus...

- Quoi donc ?

- Vivre, comme cela... je... je ne peux pas, murmura-t-il. J'ai besoin d'attention... j'ai besoin d'amour, mais au lieu de cela je vis dans la peur et le manque...

Fuarre ne dit rien, méditant sur les paroles de l'oméga. Lui faisait-il ressentir cela ?

Elec pleura encore un peu, pris de soubresauts par moments et jetant des coups d'œil à l'alpha de temps à autre. Il craignait que ce dernier ne disparaisse quelque part.

- Je n'irai nulle part, lui dit-il, mettant fin à ses inquiétudes.

- Y a-t-il quelque chose que vous voulez que je fasse pour calmer vos inquiétudes ? lui demanda-t-il.

Le plus jeune ne dit rien un moment et réfléchit.

- Laissez-moi plus de liberté, dit-il au bout d'un moment.

L'alpha ne répondit pas, en attente de davantage d'informations.

- Si vous n'avez pas l'intention de me donner de l'affection, j'aimerais pouvoir la trouver ailleurs... ici, je n'ai pas beaucoup de droits en tant qu'oméga, pourtant tout ce que je demande, c'est de me confier... j'ai un... cadet. Il est resté en Beremie lors du voyage vers la capitale et je pense qu'il s'est marié à quelqu'un là-bas. J'aimerais le revoir...

- Un cadet, vous dites ? En Beremie... je devrais m'y rendre dans pas longtemps pour des négociations, si vous le souhaitez, vous pourrez venir, mais je ne vous garantis pas que vous le trouverez. A-t-il un nom ?

Elec sourit légèrement. Et le coeur du sparte ratta un battement.

- J'adorerais venir avec vous ! Oui, il en a un, enfin en avait un. Maintenant, je ne suis plus sûr de rien. Tout a tellement changé depuis le Raft que je ne sais plus vraiment si je suis toujours moi-même.

Fuarre ne dit rien. Il aurait aimé réconforter l'oméga quant à cela, mais il comprenait trop bien les répercussions d'un Raft sur une population d'oméga. Il ne pouvait pour sa part qu'espérer qu'il n'y ait pas de grande période de "dépression" suite à ce Raft.

---

Cela faisait deux jours que Galard et Den avaient emménagé dans le manoir familial et soudainement Den comprenait beaucoup plus pourquoi l'alpha n'avait pas hâte qu'il s'y installe.

Le manoir était en réalité un ensemble de demeures alignées et encerclées par un mur de brique. Dans ce petit village familial, tout le monde vivait. Tous les Orvan surtout. De l'arrière-grand-père aux petits-enfants, tous partageaient ces manoirs beremois sur ces terres s'étalant sur un territoire immense. Eden put faire la connaissance des parents de l'alpha, deux vieux spartiates encore très lucides qui dirigeaient la maisonnée d'une main de fer.

Eden maîtrisait alors presque parfaitement le beremois et n'avait pas de mal à se faire comprendre.

Et si, à son arrivée, les sœurs et frères de Galard n'avaient pas semblé ravis de le voir empiéter sur le territoire familial, les quelques ressentiments nourris à son égard étaient morts au profit d'un agacement profond.

De ce qu'il avait compris (ou plutôt ce que sa belle-sœur lui avait expliqué), les Orvan avaient un statut important auprès de la noblesse beremoise. Cela dit, ils obéissaient également à de nombreuses règles et traditions telles que le fait d'accueillir au sein de la famille uniquement des membres beremois de souche. L'existence d'Eden en tant qu'oméga de Raft ne devait donc pas se faire savoir.

Une stratégie devait être échafaudée pour cacher cette union, ou du moins pour la justifier. Eden comprenait mieux les inquiétudes de Galard mais ne pouvait pas s'empêcher de vouloir en finir avec l'attente.

Faute de pouvoir retourner en arrière et Eden ayant déjà été marqué par Galard, ni ce dernier ni Eden ne pouvaient revenir sur leur union comme l'auraient souhaité les Orvan. Une cérémonie officielle avait donc été organisée pour fêter les noces du jeune couple. Après quoi seulement, ils pourraient s'unir proprement. En attendant, ils faisaient chambre à part, et Eden devait se familiariser au maximum avec les omégas de la maisonnée ainsi que les tâches dont il devra désormais s'acquitter.

Les dieux savaient à quel point ces tâches semblaient compliquées. Pour entrer dans une famille de commerçants, il fallait bien qu'il ait quelques compétences en calcul ou en négociations, et ça, Eden en était dépourvu. En réalité, cela ne l'intéressait même pas. Trop honteux d'afficher son ignorance, Eden ne pipait mot et se contentait de faire les exercices qu'on lui donnait.

Lui qui avait jusque-là vécu sans avoir besoin d'apprendre ces choses-là était confronté à l'ampleur de sa naïveté sur les sciences mathématiques.

Mais ce n'était pas sa faute. Et dieu merci, Galard et sa belle-sœur avaient pris sa défense. À Érèth, bon nombre de parents enlevaient leur enfant de l'école tôt lorsqu'il s'agissait d'oméga, pour ensuite les mettre au couvent ou chez un parent formateur qui pourrait leur apprendre la pêche, la culture ou l'agriculture.

Rien ne le destinait donc à un jour devenir comptable ou commerçant.

- Mais et puis quoi encore ? On ne le laissera pas faire des tâches aussi sérieuses, qu'il se contente de faire des inventaires, cela suffira. Apprenez-le donc à compter, qu'il ne se fasse pas leurrer durant son travail. Et toi, mon fils, comme tu as tellement insisté pour le garder dans ma famille, tu lui montreras les B.A.-BA du métier, avait ajouté le père de famille sarcastique lors d'un dîner.

Guram  Tome1 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant