Chapitre 5 : Solution ou piège

332 33 18
                                    

Quelques jours étaient passés depuis le retour d'Hermance à Poudard et les journées commençaient définitivement à se faire plus froides. L'hiver menaçait et c'était la première fois que j'allais refaire face à cette saison, dans cette ville, depuis ma fuite en 1997. La sensation de la brume matinale sur ma peau sèche me rappelait les moments où étant élève, je quittais les dortoirs pour me rendre au petit-déjeuner dans la Grande Salle. Mon regard était porté sur les fils indisciplinés de la couverture que j'avais sur les genoux, j'avais eu celle-ci lors de la naissance d'Hermance, je caressais le tissu en me rappelant de son petit corps frêle, ce moment de notre vie ou il n'y avait que nous, nous contre tous. Aucun bruit n'était présent ce soir, si ce n'est celui de mes pensées qui heurtaient chaque recoin de mon crâne, c'était épuisant de penser autant, épuisant de n'avoir aucun répit face à ces pensées intrusives. Habituellement, j'appréciais le calme, mais ce n'était plus le cas depuis la rentrée d'Hermance, le calme auquel nous faisions désormais face était pesant, c'était comme une simple attente d'un drame imminent, d'une situation que nous ne pouvions contrôler, et auquel nous ne pouvions échapper. Blaise aurait probablement soupiré s'il avait eu l'accès à ces pensées, lui qui se voulait tellement optimiste, il était toujours en quête de me rassurer et de m'épauler, mais parfois, je m'en voulais vraiment d'atteindre sa lumière, alors je ne lui disais plus mes craintes, du moins pas toutes.


L'air frais me permettait de raviver le peu d'énergie que j'avais dû à mes dernières insomnies. Mes yeux étaient lourds et piquants, et mes épaules semblaient porter le poids du monde, être séparé de ma fille était la plus grande douleur, la plus grande épreuve à laquelle je faisais face. Il m'arrivait, honteusement, de regretter mon choix : celui de l'avoir gardé. Je regrettais parce que c'était l'un des choix les plus égoïstes que j'avais fait, au début, j'avais prolongé ma grossesse uniquement pour tenir, pour avoir une raison de continuer à vivre, parce que loin de Draco, je ne m'imaginais pas d'avenir. Alors tout au long de ma grossesse, j'avais fantasmé sur ce bébé, sur cette partie de Draco qui me serait donné à aimer, autorisé à aimer, c'était un peu de lui que je pouvais avoir, et c'était égoïste. Avec le temps, j'avais aimé Hermance pour elle, pour toute sa personne, mais j'avais compris, et d'autant plus avec les années, la vie à laquelle je l'exposais. Alors, oui, il m'arrivait de regretter cette décision, parce que je ne l'avais prise que pour moi, et maintenant, c'était à elle de payer cette vie-là.


Depuis que nous étions de retour dans cette maudite ville, aux côtés de Draco, je ne pouvais taire la noirceur de mes pensées, et cela ne pourrait s'arranger, parce que lui aussi pensait de façon dramatique, du moins le Draco dont j'avais connaissance, cette personne là n'avait pas l'optimisme de Blaise. Draco et moi étions les mêmes, fait des mêmes souvenirs, et des mêmes traumatismes. Ma fille connaissait désormais son père biologique, elle avait un nom, un visage, sur celui qui était entre autres à l'origine de son existence.


J'ai entendu la porte de la maison grincer et Blaise en sortir, il m'a rejoint sur la terrasse, une tasse dans chaque main.


- Comment vas-tu ?


Il avait déposé un baiser sur le haut de mon crâne.


- Ça va... Mais je préfère quand le jour se lève plutôt que lorsqu'il se couche. Je ne suis pas prête à affronter une nouvelle nuit.


On pouvait observer au loin le soleil s'abaisser dans le ciel. J'avais saisi l'une des tasses empli à ras bord de soupe. Blaise aimait me goinfrer chaque fois qu'il en avait l'occasion.

Inlassablement 2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant