Volume 4 - La Commune de Crixos - Chapitre 1

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Renégats

Volume 4 : La Commune de Crixos

Chapitre 1

Je ne mourrai pas ici.

Le soleil se lève sur Anatolia, mais il n'apporte pas une nouvelle journée avec lui. Pas d'aube, ni de crépuscule. Pas de passé, ni de futur. Pas de vie, mais un cycle infernal de souffrance et de peur.

477 859 ne connaît que cette boucle infinie. Et la douleur.

Son premier souvenir, c'est l'aiguille qui déchire sa peau. Une cicatrice qui ne guérit jamais vraiment. Une marque indélébile.

Je ne mourrai pas.

Le soleil se lève sur Anatolia, mais il n'apporte pas une nouvelle journée avec lui. Aucun de ses rayons ne passe les verrières opaques des serres. L'obscurité qui y règne n'a d'égal que la chaleur et l'humidité. Il faut protéger les champignons.

Pas ici.

De petits cercles verts peuplent les ténèbres. Ce sont leurs yeux. À ceux qui ne vivent pas dans ce monde sans lumière, ceux qui ont besoin d'aide pour distinguer les ombres.

Ceux qui infligent la douleur.

477 859 sait qu'ils l'observent à chaque instant. Quand il ne ramasse pas les champignons assez vite, ils infligent. Quand il se repose plus d'une heure, ils infligent. Quand il parle, ils infligent.

Je ne mourrai pas ici.

Ils vocifèrent leurs ordres. Ils agitent leurs bâtons. Ils frappent.

477 859 n'a pas peur d'avoir mal. Il fait parfois exprès de mal se comporter. Juste pour qu'ils lui envoient une décharge.

La douleur passe. Mais l'arc électrique qui éclaire l'espace d'un instant l'immense serre... Un flash aveuglant. Une micro-seconde arrachée aux ombres.

Dans la lumière.

477 859 n'a pas le temps de se recroqueviller sur lui-même pour se remettre du choc. Des bottes s'enfoncent dans ses côtes fragiles. Des rires éclatent.

Puis ils s'arrêtent, et les petits ronds verts retournent à leur place.

477 859 se relève. Il reprend sa tâche. La pause est terminée, la production doit être assurée.

Je mourrai.

Le soleil se couche sur Anatolia, mais il n'apporte pas une nouvelle nuit avec lui. Les ténèbres n'ont ni début, ni fin. Ils règnent, rois invaincus de ce monde de souffrance.

Les petits ronds verts s'approchent. Ils saisissent 477 859 par le menton. Alignent sa gorge avec son oesophage. C'est l'heure des gélules. Celles qui maintiennent en vie. Celles qui maintiennent éveillé. Celles qui maintiennent relativement calme.

Ils bloquent sa mâchoire, jusqu'à ce que 477 859 avale. Puis ils passent à 477 860. Et 477 861...

Je mourrai dans la lumière.

Combien de fois le soleil s'est-il levé et couché sur Anatolia ? Aurait-il été possible de le compter, si on l'avait laissé entrer dans cette serre ?

477 859 ne connaît pas le jour ou la nuit. Il ne connaît pas le passé ou le futur. Il ne connaît pas la vie.

Il n'y a que le cycle infernal de la souffrance et de la peur.

Mais pourtant, 477 859 sait qu'il aime la lumière. Il sait qu'il aimerait le soleil. Le vent. La vie.

Je ne mourrai pas ici.

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