Chapitre 7. Je crois qu'elle m'aime bien.

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Les ailes des papillons, qui n'avaient pas quittées Paul, au petit matin, continuaient toujours de battre à plein régime. Paul s'était réveillé ce matin-là, avec un sourire qui ne s'était pas effacé pas depuis la veille. Il avait hâte de se rendre au collège. À 7 heures, il s'était extirpé, sans difficulté, des bras de Morphée qui semblait vouloir garder avec lui le jeune Paul pour un moment encore. Mais l'excitation matinale du collégien était trop grande et il résista, sans trop de peine, à la tentation divine. Il prit une douche rapide, se vêtit aussi vite que possible, oubliant de brailler sa chemise correctement. Il prit un croissant, posé un peu plus tôt par sa mère, sur la table en manguier sculptée. Le voyant dans une hâte sans précédent, Martine, peu surprise de voir son adolescent éprit d'hormones en ébullition, avait tenté d'arranger sa chemise. Paul faisait les cents pas autour de la grande table, avalant à une vitesse ahurissante la tasse de chocolat chaud qui accompagnait la viennoiserie. Observatrice, plus qu'actrice de cette scène, Martine se rappela avec quelle précipitation son fils était né, 14 ans plus tôt. Une fois la chemise remise à sa bonne place, le déjeuner englouti et deux fondants au chocolat dans le sac à dos, Paul quitta la maison, ne manquant pas de souhaiter une bonne journée à ses parents. Jacques en retour lui avait fait un signe de la main en souriant à moitié endormi, la tête au-dessus de son café brulant.

« — Bonne journée mon grand, fais attention ! »

Paul n'avait pas tout à fait saisi l'intention réelle de cette mise en garde, mais il avait conclu que c'était une façon pour ses parents de lui montrer un brin d'affection. Lorsqu'il prit le bus en direction du collège, beaucoup trop agité, il avait pensé qu'il devait trouver une solution pour se calmer un peu. Les palpitations rapides de son cœur depuis le petit matin commençaient à le fatiguer et il voulait être en forme pour revoir la belle Élise et, accessoirement, suivre ses cours du jour. Assis sur une des places du fond à gauche dans le bus, conduit par un homme âgé dont personne n'avait chercher à connaitre le nom, Paul s'était dit que quelques révisions de Physique-Chimie calmeraient ses ardeurs. Il avait donc, avec tout le soin que ses petites mains bien proportionnées lui procuraient, ouvert son sac, et sorti le manuel imposant sur lequel un gros titre écrit en rouge pouvait se lire à des kilomètres. Il prit un peu de temps pour feuilleter l'ouvrage et s'arrêter, l'air intéressé et les sourcils à peine froncés, marquant son intérêt, sur le chapitre 18 du livre intitulé « L'univers ». Ce matin-là, Paul ne prit pas le temps, comme à l'accoutumée, de regarder le paysage par la fenêtre du bus afin d'estimer le temps de trajet restant et s'était focalisé de toutes ses forces sur les pages qui étaient devant lui. Il était fasciné, rêveur, et même s'il ne voulait pas l'admettre, il ressemblait beaucoup à sa mère sur ce point. Il tournait les pages, d'abord à un rythme soutenu, puis au fur et à mesure de sa lecture, il s'attardait plus longuement sur les schémas simplifiés de l'univers. Les représentations célestes et enfantines d'un monde inconnu, mais complexe, qui passaient devant ses yeux, paraissaient bien lointaines pour Paul, dépassant sa compréhension totale, comme celle des autres hommes d'ailleurs. En effet, l'être humain a du mal à appréhender ce qui est hors de vue. Cette idée en tête, Paul continua de lire les lignes reprenant les échanges fascinants entre les différentes planètes du système solaire, et en revenant sur le premier chapitre,le Big-Bang : l'origine de toute chose, il s'était dit qu'il faisait partie de tout cet univers infini et que lui aussi par extension était né du chaos. Cette théorie, n'était pas sans lui remémorer les cours de Madame Caplant sur la philosophie de Nietzsche, qui était devenue tout de suite plus compréhensible, comprenant que tous les êtres vivants avaient, en effet, une part de ce chaos en eux. Fronçant un peu plus ses sourcils blond foncé, tout en approuvant les dires de sa professeure de philosophie, il avait pensé que du chaos naissaient de belles choses. Enfin, Paul ne sentait plus les battements féroces de son cœur qui avait repris un rythme modéré. Mission accomplie, il s'était calmé, la belle Élise était sortie de son esprit pendant quelques minutes. Paul releva la tête et aperçu, au travers de la vitre un peu sale du bus, des bâtiments gris et noirs. Il avait reconnu la rue Ballainvilliers et était presque arrivé au collège Blaise-Pascal. Il referma aussitôt le livre qui prenait toute la place disponible sur ses deux cuisses musclées, et le remit avec une hâte non désirée, à l'intérieur de son sac aux couleurs et dessins incompatibles. Non, un soleil ne peut être vert. La Physique-Chimie avait eu, néanmoins, le mérite de mettre son esprit tourmenté d'adolescent, en pause pendant quelques instants qu'il n'avait pas vu s'écouler.

Nos cœurs meurtrisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant