Chapitre 14. Deux lignes s'étaient affichées.

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Valérie était revenue de la pharmacie, le visage pâle. Elle s'était enfermée à double tour dans la petite chambre de l'université qu'elle occupait depuis seulement quelques mois et avait pris le temps de bien lire toutes les indications sur le test de grossesse qu'elle venait d'acheter. Celui-ci lui avait été remis avec une bienveillance non désirée. Une ligne, c'était négatif, deux, c'était positif. Irrespectueuse du meilleur moment d'action de la manœuvre, car il était mentionné sur la notice que les liquides étaient plus concentrés le matin, elle urina sans plus attendre sur le petit bâtonnet bleu et patienta, l'objet démoniaque en main. Puis quelques secondes plus tard seulement, elle perçut deux petites lignes rouges parallèles apparaître. Elle était enceinte. L'existence de ce bébé, grandissant dans le ventre de Valérie à l'instar du sodium plongé dans de l'eau, avait eu la même réaction chimique dans les esprits des deux étudiants. Une explosion. L'explosion de tous les rêves de carrière scientifique de Valérie. Elle n'avait aucune envie d'être mère ni maintenant ni jamais. Paul, manifestement pas assez accompli pour être parent, avait accueilli la nouvelle avec plus de douceur que sa petite copine. Inconsolable, Valérie avait le cerveau en feu, tout se bousculait et elle n'arrivait pas à faire le tri dans sa tête. Sans en parler à Paul, elle avait pris des brochures qui affichaient en lettres capitales I.V.G mais elle s'était dit que tuer un enfant ne l'avancerait pas plus. Elle jeta tous ces papiers plus pervers les uns que les autres à la poubelle et abandonna l'idée de se faire avorter bien qu'elle aurait aimé avoir la force de passer le cap. Chamboulée mais toujours bien consciente, elle savait qu'elle n'était pas capable d'aller jusqu'au bout de la procédure. Elle n'y repensa plus, contrairement à la suite des événements qu'elle allait devoir surmonter à partir de maintenant. Elle essayait de trouver un réconfort impossible auprès de Paul qui faisait de son mieux, il était heureux pour deux mais il se sentait terriblement seul. Tout aussi perdu, il avait proposé à Valérie d'en parler à ses parents. Monsieur et Madame Vanchard sauraient choisir les bons mots, à coup sûr. Valérie, peu enthousiaste à l'idée de rencontrer les parents de son âme sœur dans de telles circonstances, accepta de faire le voyage jusqu'en Auvergne avec lui, espérant trouver une solution, si tant est qu'il y en ait une.

Paul avait appelé ses parents pour prévenir de sa venue accompagné de Valérie qu'il avait présentée au téléphone en de quelques mots élogieux. Martine sentit qu'il se passait quelque chose, son fils avait la voix étrangement grave. À quelques heures de leur arrivée, Martine faisait les cent pas de part et d'autre de la cuisine, pressant Jacques d'aller chercher les deux jeunes à la gare. Il s'éxécuta, afin de ne pas s'attirer les foudres de sa femme. Il savait Martine indomptable pendant ces moments et il était arrivé devant les quais de la gare avec quasiment une heure d'avance. Il patientait, heureux de voir son fils et fier que celui-ci ramène enfin une fille à la maison. Il avait repensé à Élise Trudaine et espérait silencieusement que cette mystérieuse Valérie ne ferait pas autant de mal à son fils unique. Le train allait arriver d'une minute à l'autre et Jacques qui attendait débout sur le quai aperçut Paul, les cheveux ébouriffés comme à son habitude avec à son bras une jolie jeune femme mince et brune arborant une tignasse aussi dense que celle de sa femme. Elle avait l'air un peu triste, son teint était pâle, comme si elle couvait une grippe. Jacques s'était finalement inquiété en percevant un sourire plus que mensonger sur son visage. Il salua les deux jeunes et les aida à charger leurs sacs dans le coffre de sa voiture presque aussi vieille que son fils. Il l'aimait cette voiture, elle lui rappelait son jeune âge, ses folies nocturnes avec Martine et l'enfance de Paul. Il chassa ses pensées euphoriques d'un frottement de main sur son front et il ressaisit, conscient de la mine grave des passagers assis à l'arrière de sa voiture. Sur le chemin, tous trois échangèrent des banalités sur l'Auvergne, contrée inconnue pour Valérie qui avait apprécié la vue vallonnée par la chaîne des Puys. Jacques, sentait l'atmosphère lourde qui s'était emparée de l'intérieur de la voiture et il s'essaya à des anecdotes marrantes sur l'enfance de Paul, mais l'auditoire n'était pas aussi réceptif qu'il l'escomptait. Arrivés devant la maison de son petit ami, Valérie fit quelques compliments sur le foyer des Vanchard, qu'elle avait trouvé très accueillant tant dehors que dedans finalement. Martine, qui avait entendu la jeune femme était ravie de l'accueillir et lorsqu'elle ouvrit la porte elle avait tout de suite vu la mine affreusement inquiète des deux jeunes étudiants dijonnais. Elle prit sur elle pour ne pas tout de suite leur sauter à la gorge avec des questions d'une mère inquiète, les pires de toutes. Elle prit le temps de se présenter à Valérie et de prendre son fils dans ses bras, le serrant de toutes ses forces, du moins avec autant de puissance que ses biceps le lui permettaient. Mais c'était suffisant pour déverser tout l'amour qu'elle avait en elle pour Paul. Paul se sentit tout de suite mieux en respirant l'air frais de l'Auvergne mélangé au parfum de sa mère. Les deux couples rentrèrent dans la maison, et s'installèrent confortablement dans le salon près de la cheminée scintillante de multiples petites flammes. Jacques, rapporta à tous de quoi se désaltérer et disposa les boissons de chacun avec précaution sur la table basse. A vrai dire, il était tout aussi tourmenté que sa femme.

Nos cœurs meurtrisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant