Chapitre 11.Un cœur brisé finit toujours par se reconstruire.

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La rentrée 1979 avait été toute particulière pour les élèves, tous sexes confondus, de l'Avenue Carnot. Et pour cause, un décret national avait été voté pendant l'été, mentionnant l'inutilité de la séparation filles, garçons à l'école. Les tendances se voulaient plus équitables et plus justes et il n'était plus envisageable de continuer à penser les lieux d'enseignements comme des fourmilières misogynes d'un côté et de réduction féminine de l'autre. L'actualité réclamait une égalité entre les sexes et avait fini par l'emporter. Les deux établissements accueillirent filles et garçons. L'annonce de la nouvelle avait des allures de bombe atomique pour les jeunes adolescents de l'Avenue Carnot qui devaient décider s'ils continueraient leurs classes dans leurs établissements habituels ou s'ils en changeraient. À l'image de la société, les changements ne se faisaient que très lentement et la mixité des établissements scolaires en fit de même. La plupart des jeunes filles restèrent là où elles étaient, et il en allait de même pour les jeunes garçons. De peur que le changement impacte négativement la scolarité de chacun. En revanche, Élise, qui était une élève douée en littérature avec des facilités notables pour l'apprentissage des langues étrangères, avait pensé bon de changer d'établissement pour se rendre en face, au lycée Blaise-Pascal. Il était réputé pour ses enseignements littéraires et linguistiques complets. Ses parents avaient donné leur accord mais l'omission de la jeune à propos de la présence de Paul dans le lycée n'avait pas échappée à Madame et Monsieur Trudaine qui n'accepteraient aucun relâchement de leur fille. Élise avait annoncé la nouvelle à Paul. Il était rempli de joie à l'idée de voir bien plus souvent sa bien-aimée. Les deux lycéens, dont le seul éloignement résidait dans leurs préférences scolaires n'avaient pas été mis dans la même classe. Paul était un scientifique. Les chiffres, les tableaux, les statistiques et autres affaires arithmétiques, c'était ça qui le faisait vibrer. Élise, elle, ne comprenait pas l'engouement du jeune garçon pour toutes ses choses si incompréhensibles pour elle. Ils se donnèrent rendez-vous à chaque changement de cours dans les couloirs, où ils empruntaient des chemins illogiques et beaucoup plus longs pour se retrouver.

Le premier trimestre de cette année-là s'était bien passé, les deux adolescents avaient trouvés une routine et s'épanouissaient dans celle-ci. Mais au bout de quelques mois, Paul remarqua que sa petite copine n'était plus aussi avenante avec lui qu'à l'accoutumée. Elle ne le retrouvait plus systématiquement après ses cours, s'excusant d'être pressée. Le jeune voyait bien qu'il se passait quelque chose, et de surcroit, Nicolas le lui avait fait remarquer. Bien que l'ami de Paul pût parfois être taquin, personne ne pouvait lui enlever sa capacité à lire à travers les pensées des autres. Nicolas était au courant de tout, comme une sorte de concierge de l'établissement, il connaissait les secrets des uns et des autres. Depuis l'arrivée des quelques jeunes filles dans l'établissement, Nicolas prenait d'ailleurs un malin plaisir à participer aux commérages puérils et parfois quelque peu méchants de celles-ci. Sur un petit mot échangé discrètement pendant un cours de Chimie, Il avait prévenu Paul que son Élise était très souvent accompagnée d'un jeune garçon qui était dans la même classe qu'elle, nommé Alexandre. De prime à bord, Paul ne s'était pas inquiété jusqu'à ce qu'il vît la jeune fille en compagnie de ce fameux Alexandre. Il remarqua qu'elle le regardait avec insistance et admiration et il n'avait pas aimé ça. Le regard en dit beaucoup plus que les mots, et ce regard-là, lui était normalement réservé.

Ce jour-là, Paul avait terminé sa journée non sans peine et il avait pris le bus de retour fâché, sans dire au revoir à Élise. Le soir, contrarié, Paul n'avait pas mangé et était parti se coucher sans partager un moment avec ses parents. Martine, loin d'être habituée à voir son fils dans cet état de néant, était inquiète. Jacques l'avait rassuré, après tout, c'était un adolescent de 15 ans avec les hormones en ébullition permanente. Selon lui, il ne fallait pas s'inquiéter d'une petite saute d'humeur passagère.

Nos cœurs meurtrisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant