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Anamala

Être dans une société où tu n'as pas ta place

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Être dans une société où tu n'as pas ta place. Tu essaies de t'intégrer, mais cette société te repousse. Comment faire pour être juste parmi les autres ? Devrais-je être comme eux ? Devrais-je me transformer comme eux en apparence ?

— Dans une pièce, il y a deux côtés : l'un, c'est pile, et l'autre, face. Nous sommes face et la société, pile. Pile voudra toujours dominer face et, face, au lieu de s'affirmer, va être tellement gentille qu'elle devra s'adapter à pile et vivre comme pile. Mais au bout de combien de temps face va-t-elle devoir faire cela ? Jouer cette carte de l'hypocrisie et être insoumise ? Face veut juste être libre, alors elle tend ses bras et dit : « Oui, je veux être FREE. » Ne te force pas à être celle que tu n'es pas, mais contente-toi d'apprécier qui tu es et ce que tu vaux envers ceux qui le méritent, ma fille.

Voilà les paroles de ma mère, le jour de mes dix ans. C'était après avoir changé d'école à cause de la fausse blessure que j'avais prétendument causée à une fille alors que c'était absolument faux. Puis ensuite vient le collège. Ce furent les pires années de ma vie, où la colère avait pris le dessus et l'acharnement était pour moi un surplus dans ma vie.

Quand tu rentres à la maison, en ne souhaitant que prendre ton goûter en regardant, comme les jeunes adolescents, ton émission préférée, moi, je me contentais de pleurer, car je me demandais si ce ne serait pas mieux que je mette fin à ma vie. J'ai aussi détesté la richesse et les métiers de mes parents ; je voulais qu'on soit des personnes ordinaires, mais ma tante m'a fait comprendre que nous choisissons qui nous sommes, mais nous ne choisissons pas souvent nos combats.

J'ai aussi eu le témoignage de Malika, qui m'a beaucoup remise en question. Ma cousine a vécu dans un environnement plutôt sain, elle a toujours été proche de sa famille et elle a toujours eu son groupe d'amis. Mais un jour, elle prit conscience de la réalité.

— Tu sais, j'ai appris qu'être noire, ce n'est pas que vivre dans les combats, dans le harcèlement, la discrimination ; c'est aussi le bonheur, les souvenirs et surtout l'amour. Ne pense pas à tout ce que dit la société sur la femme noire et surtout sur celles qui ont la peau plus foncée. Oui, on n'a pas la peau claire, mais l'amour entre nous nous rend encore plus belles, et tu peux le constater : regarde maintenant toutes ces femmes dans le monde de la mode. Et dire qu'avant, ils avaient des critères très précis dans les agences comme Elite, mais qui est à l'ouverture du magazine ? Anok Yai, par exemple. Ma fille, la haine n'est pas que chez les Blancs ; eux, ils te feront comprendre que tu n'as pas ta place dans la leur, mais certains seront bienveillants. N'oublie pas qu'entre Noires, il se peut aussi qu'on se propage de la haine, alors qu'on vient tous d'un seul et même continent. Tout cela, c'est la société et la mentalité des gens. Alors avance sans te soucier d'eux ; même s'ils veulent te pousser vers le bas, toi, tu iras vers le haut, car tu es Anamala, tu es très forte.

Sur ces mots, j'ai appris à prendre sur moi et à me confier un peu plus sur mes histoires, que je n'osais pas aborder avec ma famille.

C'est vrai que certains de mes actes, je les regrette. La haine avait tellement pris le contrôle que parfois j'en devenais exécrable. Mais j'étais tellement sensible à cette époque et, dès que j'entendais une remarque, puis encore une autre, je ne pouvais rester assise et faire semblant de sourire. J'en avais marre d'entendre « tu as une peau de charbon », « elle est trop noire à mon goût » ou bien des critiques sur ma vie, mes parents. Les personnes ne se rendent même pas compte des propos et surtout des blagues dites « non raciales » qu'ils osent balancer à tout-va en ajoutant « non mais c'est une blague », alors qu'au fond c'était une part de vérité et une part de dénigrement.

C'est vrai qu'un jour, j'ai craqué :

Flashback

Nous étions en cours d'arts plastiques, l'une de mes matières préférées. Dans le collège où je suis, nous avons une salle réservée à la peinture et la prof nous apprenait quelques bases. Aujourd'hui, le thème était de dessiner l'œuvre qu'on avait déjà imaginée au brouillon. Elle nous laissait le champ libre. Je pris mes pinceaux et les pots de peinture dont j'avais besoin et je me suis posée au fond, comme à mon habitude. La prof passait de temps en temps, me complimentant sur mes progrès. C'était la seule prof qui m'estimait, et c'est pour cela que j'aimais être dans ses cours.

Il était temps de ranger les objets, car c'était la fin du cours. Je me dépêchai comme tous les autres, mais je me pris un croche-pied et je tombai par terre ainsi que les pots de peinture qui vinrent s'éclabousser sur moi. La classe se mit à rire en me pointant du doigt et elle s'avança devant moi.

— Wouaw, un peu de couleur, ça fait pas de mal. Elle s'exclama après avoir ri.

— Tu as fait exprès ?

— Moi ? Non, pas du tout.

— Pourquoi tu es comme ça ?

— Parce que tu le mérites, toi et ta stupidité. C'est incroyable. Elle me répond en souriant.
Ho mais ne pleure pas comme ça, tu es une œuvre d'art. Je t'imagine bien aux enchères, qui sait, je t'aurais achetée.

C'était de trop, c'était elle qui me poussait à être la pire version de moi-même, celle qui me détestait au plus profond de son cœur et ne souhaitait que me détruire. Je me relevai et pris un pot de peinture que je lui balançai au visage. Toute la classe se mit à crier.

— QUOI ? Pourquoi ça vous étonne ? C'est ce que vous voulez, non ? Que je montre mon vrai visage et que vous puissiez vous dire que les Noirs sont des sauvages et mal élevés quand ils s'énervent, c'est ça ? Pourquoi vous me regardez tous comme ça ? Je suis un HUMAIN ! hurlai-je.

Je commençai à tout balancer, je n'en pouvais plus d'être la fille maltraitée par elle, par la classe. Je commençais à perdre la tête.

Fin du flashback

— À quoi tu penses ? Me demanda Ross.

Il était vêtu d'un ensemble gris et d'une casquette noire. Il me sourit comme à son habitude et je viens me blottir dans ses bras.

— Tu m'as fait peur, tu sais, dit-il.

— Je suis désolée.

— On s'est tous inquiétés pour toi, j'ai jamais vu Hakira autant pleurer, sauf quand elle a perdu son lapin Numi.

— Oh la pauvre, je m'en veux, je... je ne sais pas ce qu'il m'a pris, dis-je en essayant de lui expliquer.

— Ce qu'il t'a pris ? C'est juste la faute à Britney, c'est ta vie personnelle et personne n'a le droit de venir balancer qui tu es. Je te comprends, Adrien m'a fait pareil.

— Adrien ? lui demandai-je en fronçant les sourcils.

— Adrien était l'un de mes meilleurs amis, il venait chez moi, puis nos parents étaient aussi de bons amis et ils le sont encore d'ailleurs. Enfin, il connaissait toute ma vie, mais un jour, on s'est embrouillés dans les couloirs et j'ignore pour quelle raison. Les garçons ont essayé de nous calmer, mais ça partait déjà trop loin, et il a fallu qu'il expose ma vie comme Britney l'a fait avec toi. Il a commencé à dire que ma mère était à l'hôpital, que j'étais qu'un incapable et que je ne méritais pas cette vie, en gros que j'étais un emmerdeur et une catastrophe ambulante, me confie-t-il.

— Je... je ne pensais pas qu'il était comme ça, les filles avaient raison, il est vraiment narcissique et égocentrique, ne pensant qu'à ses intérêts personnels.

— Je pensais que demain on se serait pardonnés et qu'il aurait regretté ses mots, mais au contraire, il en était heureux et il s'est fait de nouveaux amis. Il commençait à faire des soirées pour se faire une image de garçon cool.

— Comme il a fait avec moi, déclarai-je.

— Exactement, mais c'est du passé. Bon, maintenant que je sais que tu vas mieux, je peux m'en aller.

— Hé Ross ! l'interpellai-je.

— Hum ?

— On est toujours amis, hein ?

— Bien sûr, gamine, dit-il en ébouriffant mes cheveux.

— ROSS ! hurlai-je après avoir souri.

𝐋𝐀 𝐃𝐀𝐑𝐊𝐒𝐊𝐈𝐍 Où les histoires vivent. Découvrez maintenant