- Lylith... Lylith. Lylith ! Réveille toi !
C'est ma voisine de classe qui me secouait. J'ai relevé doucement la tête, encore dans le coltar, pour voir la tête de Madame Kentalaa très en colère. Merde...
- Je peux vous aider peut être Mademoiselle?
- Nan... Nan merci.Je me suis étirée sur ma chaise et lui ai souris. Elle a soufflé et a fait demi tour. Elle sait. Elle sait que je suis un cas désespéré. Je me fiche de tout. Je n'ai plus de parents donc aucune source de pression. Donc les professeurs ont vite jetés l'éponge avec moi. Madame Kentalaa a terminé son cours et je me suis levée calmement pour rejoindre ma chambre et jeter mon sac au fond de la pièce.
J'allais pour entrer dans ma chambre et m'avachir sur mon lit lorsque j'ai remarqué une valise devant la porte d'à côté. J'ai froncé les sourcils. Cela faisait des années que j'étais seule dans ce duplex parce que je l'ai réclamé. Pourquoi on me mettrai soudainement une colocataire ?Peu importe.
J'ai soufflé et me suis enfouie sous mes draps pensant et repensant à ce terrible événement il y a trois ans... Moi rentrant d'une énième sortie entre potes très tard ayant fait le mur, mon beau père, la cross de hockey à la main levée sur ma mère, écroulée sur le sol, à peine en vie... Je me souviens encore du hurlement que j'ai poussé en ouvrant la porte d'entrée ce soir là... La vision du corps inconscient de la femme qui m'a portée, qui m'a supportée pendant quinze années, ensanglanté marqué de vingtaines de bleus, des dents par terre... J'ai sauté sur mon beau père pour l'écarter de ma mère. «Pauvre fille» ai-je pensé en revoyant mon enfoiré de beau père m'expulser contre un mur. Comment ai-je pu une seule seconde penser qu'une frêle jeune fille de presque seize ans allait faire le poids contre un homme trentenaire taillé comme une armoire à glace?
J'ai serré les points, enfonçant mes ongles vernis dans mes paumes de mains, avant de me lever, prendre une des roses blanches dans mon tiroir, enfiler un gros pull noir et sauter par la fenêtre pour rejoindre le cimetière à dix minutes à pieds de l'internat. J'ai escaladé la grille et me suis dirigée vers la quatrième tombe de la huitième allée...
«Ici repose Érika Asfridd, 12.05.1982- 08.12.2019»
J'ai posé ma rose aux côtés des dizaines d'autres déposées auparavant, fânées depuis.
- Maman... Aujourd'hui plus que jamais, tu me manques. J'ai bientôt dix-neuf ans et je ne sais toujours pas où je vais... Les professeurs sont persuadés que je suis une cause perdue et que je n'ai pas d'avenir. Ils n'essaient même plus de m'aider. Enfin si tant est qu'ils aient déjà essayer. J'aimerais que tu sois là pour me dire quoi faire...
J'ai baissé les yeux sur la tombe et ai laissé échapper des larmes. Ça va faire quatre ans et la blessure émotionnelle est toujours aussi vive...
Après quelques minutes de recueillement je suis rentrée à l'internat (discrètement) et suis entrée dans la chambre comme j'en étais sortie, pour y trouver une fille, assise sur mon lit.
- Qu'est-ce que tu fous dans ma chambre toi? Et d'abord t'es qui?
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Ma vie pour la tienne
RomanceDepuis le décès de maman, je me fiche de tout. Je n'éprouve plus rien. Je bosse le minimum du syndical, je ne prend pas particulièrement soin de moi et je ne vais plus aux groupes de soutien psychologique. Jusqu'à... son arrivée à l'internat.