Chapitre 6 : Des violettes pour Violette ✔️

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Ses lèvres sur les miennes, leur chaleur, celle des premiers rayons de soleil, de ses doigts, caressant mon visage.

Les pieds dans le vide, assise sur le bord du toit du bâtiment abandonné, je n'osai bouger. Mon premier baiser, notre premier. Que cet été se sera révélé inattendu ! Notre rencontre tout d'abord. Puis, toutes ces explorations, avec lui. Mes premières, elles aussi, depuis le décès de grand-père.

La nuit avait été belle tout comme la découverte de ce spot. L'ancien dépositoire de l'hôpital psychiatrique de Dille. Ses installations obsolètes, ses frigos mortuaires antiques, sa table d'autopsie, ses salles d'accueil, vides. Vides de toutes vies, de toutes morts. Une nouvelle perspective sur le monde qui nous entourait. Puis, cette escapade sur le toit terrasse pour y voir le lever de l'astre en cette dernière journée de vacances scolaires.

Pourtant atypique et loin de prêter une quelconque ambiance romantique, Gabin avait choisi cet instant, cet endroit, pour faire le premier pas. Le tout premier.


— Désolé, s'excusa hâtivement Gabin en s'écartant.

J'étais sous le choc. Nous étions encore là où quelques minutes avant la police aurait pu nous débusquer, et Gabin venait de m'embrasser. Comme ça, sans crier gare.

Je portai mes doigts à mes lèvres encore imprégnées d'une saveur presque oubliée. Presque. Jamais vraiment. De drôles de fourmillements grappillaient dans le creux de mon ventre, réclamant une chose que je n'étais pas sûre de vouloir réitérer. L'idée m'avait accaparée, des années auparavant puis, avait été annihilée. De nouveau, cette initiative me bousculait intérieurement.

Mon regard finit par retomber sur celui qui était à l'origine de ce chamboulement. Gabin dansait d'un pied sur l'autre, une main derrière la nuque, l'autre enfoncée dans la poche de son pantalon. Je compris de suite qu'il appréhendait ma réaction.

— Vivi, je... Excuse-moi. Je ne sais... Enfin....

Je ne cherchai même pas à le soulager de toute culpabilité ou autre sentiment qui semblait le tirailler, j'étais moi-même en proie à une indécision virulente.

C'était la faute de cet endroit, à ces souvenirs !

Il me fallait garder l'esprit clair, prendre du recul, pour pouvoir évaluer la situation, savoir comment réagir. Enfouir tout cela pour le moment était la meilleure chose à faire.

— Il ne faut pas qu'on reste ici. Partons, l'encourageai-je en rejoignant la première l'issue dans le grillage.

Gabin ne tergiversa pas, et m'imita.

    Les conifères, l'usine de donuts, le parking.

    Assise derrière le volant, je débranchai mon cerveau et activai le mode automatique pour nous ramener. Je connaissais la route, il fallait juste que j'oublie la présence de Gabin, sur le siège passager, pour l'heure à venir.

    Mission impossible. La nervosité de mon copilote me contamina aussitôt. Tout mon corps était en ébullition, j'avais des bouffées de chaleur, des picotements jusqu'à dans les doigts, le souffle court. Et lui, n'arrêtait pas de porter ses ongles à sa bouche, de bouger dans son assise. J'essayais de garder mon calme mais j'avais du mal à me concentrer sur la route.

    La tension diminua à l'entrée du centre-ville, il ne nous restait plus que quelques minutes avant d'arriver en bas de mon immeuble, après quoi Gabin rentrerait chez lui et je pourrais de nouveau inhaler de l'oxygène correctement. J'en étais persuadée.

    Huit, sept, six, cinq, quatre, trois, deux, une minute.

Pourtant, enfin garé, Gabin ne bougea plus d'un millimètre. Je m'étais bercée d'illusions, il nous faudrait avoir cette conversation avant toute chose. Débriefer ce baiser volé.

Une exploratrice en Talons Aiguilles [Tome 1 + 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant