Chapitre 5 : Le vieux menuisier ✔️

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   Gabin faisait les cent pas dans la pièce à vivre tandis que Violette était partie s'habiller dans sa chambre. Son cerveau tournait à plein régime. Il n'avait jamais été un fervent partisan du hasard, de la coïncidence ou de tout autre élucubration farfelue du genre. Ses soupçons se portaient plutôt sur un lien, encore imperceptible, entre leurs deux affaires.

C'était pourquoi, alors que la nuit était désormais tombée, Violette et lui s'apprêtaient à sortir. Ensemble. Il aurait souhaité qu'elle ne l'accompagne pas, elle était encore fragile, mais dès la liaison établie, elle avait eu l'exacte même réflexion que lui : il y avait un endroit qu'ils devaient explorer sans attendre.

Ils se devaient de suivre cette piste, ils n'en avaient pas d'autre de toute façon, et au vu de ce qu'ils avaient découvert une quinzaine d'années auparavant, elle était une étape non négligeable. Quitte à ce qu'elle soit infructueuse.

— OK ! Je suis prête, annonça Violette les cheveux basculés en avant, les fesses en l'air, et le décolleté – d'où s'échappait une fine dentelle – faisant face à Gabin, alors qu'elle finissait de lacer ses bottines.

Les paroles prononcées n'avaient de sens mais il remarqua sa subite difficulté à déglutir devant cette vue. Il était loin d'ignorer les courbes que son amie arborait. La silhouette fine, grande, les hanches légèrement arrondies et une poitrine menue en accord avec sa morphologie. Il l'avait, comme beaucoup, déjà admirée en photographie dans des magazines de mode ou de prêt-à-porter, belle, pleine d'assurance et d'aisance. Cependant, loin des projecteurs, Violette gardait une certaine forme de pudeur, et ce, même à son égard. Aussi, lorsqu'elle se redressa et constata son regard fixé sur sa personne, elle réajusta avec empressement son débardeur et enfila comme à son habitude son ample chemise à carreaux.

— Si tu as fini de te rincer l'œil, je pense qu'il serait temps d'y aller !

Subrepticement gêné, Gabin se racla la gorge et évita de croiser le regard de Violette. Pris la main dans le sac ! Il se ressaisit, se pinça mentalement l'avant-bras, et approuva la décision en emboîtant le pas de la belle blonde.



   Une bonne heure de route les conduisit à leur destination, la vaste zone industrielle aux abords de Dille. Le trajet, parsemé de feux tricolores et d'un trafic encore fourmillant, avait été animé d'hypothèses boiteuses. Une fois arrivés sur place, le doute redoubla. Ils avaient suivi une intuition similaire certes, mais pour autant incertaine. Leur dernier passage en ces lieux datait, il était plausible que plus rien ne s'y trouve. Le temps faisait toujours son œuvre, ils en avaient été témoins de nombreuses fois.

Gabin se gara, dans une voie parallèle, au milieu d'autres véhicules sur le parking de l'une des usines du quartier encore en activité. Les employés de nuit étaient déjà à leur poste et les prochains n'arriveraient pas avant plusieurs heures. Ils ne risquaient rien à stationner là.

Les deux amis marchèrent donc le plus naturellement possible le long de l'enseigne productrice de pâtisseries surgelées, éclairée de spots. Ils longèrent les limites grillagées et se faufilèrent entre les cyprès touffus pour déboucher sur l'arrière-quartier, plongé dans une semi-obscurité. L'éclairage artificiel n'offrait de ce côté-ci que les ombres des manufactures, mais suffisait pour les conduire jusqu'à la brèche existante dans la clôture dorénavant recouverte de lierre.

Gabin passa le premier, se débattit avec les lianes arbustives.

— Si quelqu'un s'est introduit depuis, ce n'est pas par cet endroit. On ne le repérerait même pas si on ignorait sa présence, susurra-t-il.

Violette valida tout en se chamaillant à son tour pour récupérer le pan de sa chemise pris dans les fils d'acier. Gabin l'aida avant qu'elle ne déchire, à bout de patience, l'ensemble.

Une exploratrice en Talons Aiguilles [Tome 1 + 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant