Chapitre 1 : Une mannequin aventurière ✔️

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Jacinthe D'Embert, héritière de l'agence de mannequinat éponyme, gouvernait d'une poigne de fer les femmes sous ses ordres. Dans sa fonction principale, qui n'était autre que de sélectionner les futurs mannequins exposés médiatiquement, la septuagénaire voyait tous les jours défiler sous ses yeux de sublimes créatures, jeunes et talentueuses. Mais cela ne suffisait, elles devaient, bien sûr, être dotées de qualifications plus... spécifiques.

    Le recrutement s'effectuait de prime abord sur le potentiel photogénique des candidates, elles devaient être d'une beauté attirant l'attention au point de faire illusion quant à la réelle activité exercée. Ce n'était peut-être pas un critère des plus partial, mais c'était ainsi depuis des générations. L'agence jouait sur un préjugé existant et résistant à toutes époques : on ne pouvait être belle et intelligente à la fois.

    L'industrie de la mode fut en cela une couverture parfaitement trouvée pour les cinq femmes fondatrices, désireuses de mener leur entreprise le plus discrètement possible tout en étant les plus exhibées au monde.

Jacinthe D'Embert avait travaillé dur pour gravir les échelons bureaucratiques. Et, depuis une quinzaine d'année désormais, devait sa place de responsable en chef à son défunt époux. L'un des premiers hommes à avoir gagné d'emblée sa place parmi l'unité exclusivement féminine. Les mâles n'avaient jamais été admis, cela allait de soi, mais une faille persistait et donnait droit à tout descendant direct – quel que soit son sexe – d'intégrer l'organisation. En cette qualité, feu Georges D'Embert avait dirigé l'agence fondée par son ancêtre.


Jacinthe détacha son regard de la vieille photographie en noir et blanc qui trônait sur son bureau en merisier, et le porta de nouveau vers la rousse aux éphélides assise droite face à elle. Elle venait de finir de se présenter, et Jacinthe n'avait pas tenu la moindre attention aux mots qui étaient sortis de la bouche minutieusement maquillée en rose fushia. Avec une peau aussi claire, le choix d'une couleur intense ressortait davantage, ce qui mettait indéniablement son visage en valeur et contrastait avec ses yeux hazel. Elle était jeune mais des plus mignonnes.

La liste de ses diplômes en main, la patronne décida d'achever l'entretien. Il n'avait lieu que pour la forme, de toute façon.

— Très bien, mademoiselle Rousset, prit-elle la parole en regardant le cadran doré de sa montre. Je vous remercie de l'intérêt que vous portez à notre agence.

Elle fit une pause, examinant la réaction de la jeunette. Elle ne bronchait pas, se contentait d'attendre la suite – décisive – de la phrase.

Jacinthe n'eut cependant pas le temps de poursuivre que la porte de son bureau s'ouvrit sans préambule sur une blonde, armée d'un air renfrogné ainsi que de son éternelle chemise à carreaux.

— Tu voulais me voir ?

Pour la courtoisie, on repasserait. Jacinthe eut un rictus désapprobateur mais jugea l'instant inapproprié pour faire des remontrances à son meilleur élément.

— En effet, se leva-t-elle en passant les mains sur le tissu de son tailleur. Violette, je te présente Ambre. Ambre, voici Violette, votre partenaire.

La rouquine se leva à son tour. Souriante, elle tendit la main.

— Ench...

— Encore ? Je te l'ai déjà dit, je travaille seule ! trancha l'intéressée sans même tenir compte de sa prise de parole indélicate.

Surprise par l'intervention, la nouvelle recrue se garda de tous mots, et récupéra sa poignée de main, ballante. C'est que Violette pouvait en impressionner plus d'un avec son caractère de cochon.

Une exploratrice en Talons Aiguilles [Tome 1 + 2]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant